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Critique de JIEMDE


Naissance d'une conscience

Après le fabuleux Tous les homes du roi, inutile de vous dire que je me suis précipité sur le Cavalier de la nuit de Robert Penn Warren, opportunément réédité par Séguier dans une traduction de Michel Mohrt.

À Bardsville dans le Kentucky au début du siècle dernier, la culture du tabac fait vivre la quasi-totalité de la population du comté et les plants de ce petit coin du Deep South alimentent ce qui ressemble déjà à une industrie mondialisée.

Dans ce contexte, le bras de fer sur les prix est grandissant entre acheteurs de plus en plus puissants et petits producteurs isolés. Jusqu'à ce que sous l'influence de décideurs locaux emmenés par le sénateur Tolliver, le capitaine Todd et M. Christian, naisse l'Association des planteurs de tabac pour peser davantage dans les négociations tarifaires.

Jeune avocat trentenaire, Percy Munn les rejoint, flatté par les invitations des dirigeants à devenir l'un des leurs, comme par l'effet de ses premières prises de paroles lors des réunions publiques d'adhérents où ses mots portent et convainquent.

Mais la lutte politique va vite montrer ses limites et ses effets malsains, sous les yeux d'un Munn naïf et novice : postures, pressions, délations, désertions, ambitions… Tout y passe. L'heure est alors au passage à l'action répressive et intimidante envers les fermiers ne jouant pas le jeu collectif, avec la création d'une milice secrète locale, Les cavaliers de la nuit, dont Munn va devenir chef de la bande 17.

Le cavalier de la nuit est un livre à deux facettes. D'une part, l'épopée quasi-cinématographique (on lit ce livre en technicolor !) de cette lutte des planteurs de tabacs pour leurs droits à vivre dignement de leur travail. La première réunion publique des 20 000 fermiers, le dîner chez le sénateur, le procès de Treyvelan ou le grand incendie des entrepôts sont autant de scènes épiques et réussies, aux accents hollywoodiens.

Mais l'essentiel du livre est ailleurs, dans ce personnage de Percy Munn dont la personnalité et la conscience vont s'éveiller au fur et à mesure de son entrée dans la lutte. Une entrée passive et subie au début, devenant de plus en plus active et consolidant une réflexion personnelle jusque-là un peu trop faiblarde.

Cette montée en conscience va révolutionner la vie de Munn, d'abord orgueilleusement flatté de son rôle grandissant, puis interrogatif sur le sens de ses actions, de sa lutte et de sa vie. Une remise en cause parfaitement illustrée dans son rapport avec les femmes : May, la sienne, le quittera, lasse de sa distance grandissante ; les suivantes, Sukie ou Lucille, ne le trouveront pas plus lisible ni plus rassurant.

À la fois porté par ce qui lui arrive et éternellement torturé sur son positionnement et le sens de ses actions, Munn va finir par se perdre : « À quel moment un homme pouvait-il se fier à ses sensations, à ses certitudes ? À quel point fixer le centre immobile et véritable de son être, le foyer de ses devoirs ? ». Avant de se reconstruire.

Alternant dans des chapitres longs les scènes d'action et le cheminement personnel de Munn dans une approche souvent naturaliste et parfois limite contemplative, le cavalier de la nuit est un roman d'autant plus fort et réussi qu'il fut le premier de l'auteur, couronné ensuite de trois Pulitzer. À ne pas manquer donc.
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