Personne ne manquait à l’appel, toute la Cour était présente. Sauf la Champagne. Il n’y avait pas de siège sur l’estrade d’honneur pour la reine mère, pas plus que pour ses nobles les plus influents. L’oncle d’Ysance, l’évêque de Reims, rongeait son frein en comprenant que ce serait celui de Sens qui aurait les honneurs du couronnement. Mais il se tint coi, visiblement furieux contre sa nièce qui n’avait su détecter ce secret si bien gardé.
La disgrâce que Philippe venait d’infliger à Adèle de Champagne devait faire le tour du royaume.
Le soir venu, l’évêque convoqua Ysance dans ses appartements. Il la gronda vertement et la battit de nouveau, en invoquant la rage qui devait être celle de la mère du nouveau roi. Meurtrie, humiliée, elle passa la journée du lendemain isolée, encore bouleversée par les reproches de son oncle et les coups reçus. Elle devait impérativement se racheter et se rapprocher d’Amaury de Tonnerre. C’était la seule solution pour fournir à la reine mère les informations qu’elle attendait d’elle. Mais, en cet instant, elle aurait surtout voulu qu’Amaury la protège, tel le preux chevalier qu’il était. Hélas, les jolies histoires contées par les ménestrels n’avaient pas pour héroïnes des jeunes filles illégitimes. Des apprenties espionnes ! Devant son miroir, elle observa son visage et ses bras, assombris ici et là par les meurtrissures. Des larmes amères coulèrent sur ses joues rougies par le chagrin.