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Critique de MissFantomette


Le rouge et le noir de la superbe couverture de ce Gallmeister me semblent symboliser, une fois le livre achevé (oublions Stendhal un instant !), la violence et le manque d'ouverture, d'avenir, régnant dans les réserves indiennes (ressenti très personnel).
Ici, celle de Rosebud, dans le Dakota du sud, mais représentative d'autres sites...

Dans la présentation de l'auteur figurant dans le rabat de cette couverture, il nous est précisé que cet ouvrage fut sélectionné par le magazine Publishers Weekly parmi les douze meilleurs romans policiers de l'année...
Surprenant...
Pour moi, cela ne situe pas le livre à sa juste place : je l'ai vécu comme un magnifique roman « social », un très beau témoignage romancé de la vie dans les réserves, une tranche de vie de personnages bien campés aussi... Et, si l'on y tient vraiment, comme un roman policier.... mais telle n'est vraiment pas sa qualité première, ni, si je ne me trompe, son but !
L'intrigue policière, une affaire d'introduction de drogue dans la réserve, me semble plutôt être prétexte à nous faire vivre et ressentir tous les autres aspects du roman que je viens de citer, et qui en font la singularité et la valeur -l'auteur étant lui-même indien lakota-.

Après cette lecture, on visualise différemment les fameuses réserves, elles prennent soudain davantage de réalité, de profondeur, de relief. L'auteur précise par exemple que des blancs y vivent, ce que j'ignorais. En suivant les personnages, on perçoit, on « vit », le monde à part qu'elles représentent. Monde dépourvu à la fois des traditions et de la modernité, d'une certaine manière.
Coté tradition, cet espace est maintenant deshérité de la plupart des coutumes ancestrales (en partie perdues mais que certains s'acharnent à faire revivre)... le bison noir représenté en couverture, animal emblématique de la vie, de la culture et de l'alimentation indienne traditionnelles, n'est par exemple presque plus consommé dans la cuisine indienne des réserves, envahie par des préparations culinaires non traditionnelles, comme le montre le récit.
La langue lakota est pratiquement tombée en désuétude auprès des jeunes...
Coté modernité, on comprend vite que ce monde est complètement coupé des règles de la vie américaine contemporaine.

Dans cette faille se trouve, entre autres et en particulier, la question de la Justice. La justice tribale est censée se limiter aux petits délits, tandis que la justice fédérale n'interviendra qu'en cas de meutre (et encore, 35% des poursuites sont abandonnées précise l'auteur).
Au milieu : un No mans land, dans lequel sévissent les délits impunis.
D'où l'activité de « justicier autoproclamé » du personnage principal Virgil, activité (métier presque) dont l'auteur prend soin d'expliquer, dans la postface, qu'elle fait partie de la vie quotidienne des indiens dans les réserves. « le problème des autorités fédérales qui refusent d'instruire des affaires de crime sur les réserves est abondamment décrit », écrit David Heska Wambli Weiden. Alors que les enquêteurs fédéraux ont une compétence exclusive sur ces délits.
Ce qui pouvait -et peut- nous choquer, dans cette justice indienne, s'«explique » par ce contexte.

Cette postface est très précieuse pour resituer les événements que nous venons de vivre de manière romanesque dans un cadre réel...
Et le « retour sur terre » est rude !
Elle est riche également en références d'ouvrages à consulter pour creuser le sujet.
L'auteur y explique aussi qu'il a volontairement préservé le secret dans les scènes de spiritualité indienne, ne nous livrant que des détails qui avaient déjà été dévoilés.
Cette manière un peu atypique de faire, en addendum, le lien entre roman et réalité m'a beaucoup interessée et impressionnée.

Autre aspect de l'intrigue, qui m'a particulièrement interpellée : l'utilisation des (rares) subventions accordées au peuple indien. Subventions scandaleusement détournées dans le roman ! Comme très certainement parfois dans la réalité dont s'est inspirée l'auteur...

Attention, le tableau n'est pas uniquement négatif, et montre aussi la solidarité, l'amour qui peut naître et renaitre, l'investissement des jeunes et moins jeunes dans la sauvegarde du peuple indien et de ses conditions de vie !

... Je ressors de ce livre très dépaysée par ce monde clos et habituellement inaccessible, observé grâce à notre guide-auteur... et un peu sonnée de devoir penser que, oui, tout cela se passe bien ainsi de nos jours.

.... Je reviens de cette lecture avec une vision modifiée et enrichie du paysage américain.

Puissance de la littérature... et de ce riche premier roman en particulier !

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