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Critique de jmercier006


Pour leur toute première publication, les éditions de l'Apprentie ont choisi rien de moins que la grande romancière américaine Edith Wharton et sa nouvelle Xingu. Enrichie d'un titre plus complet, d'une préface et présentée dans une édition bilingue tête-bêche, ce premier ouvrage permet de découvrir une écrivaine de haut vol et de partir à la découverte des vaniteux clubs de lecture bourgeois de la Nouvelle-Angleterre.


Dans leur très fermé Lunch Club, sept femmes se réunissent en théorie pour parler de lecture, et de manière générale de la culture qu'il faut avoir. Dans la réalité, leurs réunions vaniteuses sont bien souvent emplies d'un vide comblé par les faux-semblants et les pieux mensonges au service du paraître. Mais la venue de la célèbre romancière Osric Dane, celle qu'il faut absolument avoir lu, va bouleverser la petite vie et les certitudes du Lunch Club, faire émerger la seule des sept femmes du club étant toujours vue comme le mouton noir du groupe, et mettre au milieu des discussions l'énigmatique Xingu. Mais qui est Xingu ? Ou plutôt qu'est-ce qu'est Xingu ?

C'est donc dans cette nouvelle brillante et jubilatoire que l'on découvre ce milieu si particulier de la bourgeoisie de la Nouvelle-Angleterre au XIXe siècle, de ses moeurs et de sa vanité. La préface, écrite par Yves Davo, professeur à l'Université de Bordeaux et spécialiste de la littérature étatsunienne, replace l'oeuvre dans son contexte et pose les jalons nécessaires pour pleinement apprécier le texte.

Et le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est un vrai plaisir de lecture. Avec un style impeccable, Edith Wharton use d'un ton ironique, ponctué d'une moquerie presque satirique, pour dépeindre une société où le paraître était fondamental. Porté par une écriture ciselée, Xingu provoque le sourire moqueur et le rire presque sarcastique. C'est un plaisir jouissif car on se prend au jeu des mensonges et des faux-semblants, observant ce petit manège avec une distance comique. Mais par le rire et un propos pensé avec minutie, Edith Wharton offre aussi une vraie réflexion intemporelle sur l'hypocrisie et le paraître des sociétés, qui n'a rien perdu de sa pertinence encore aujourd'hui.

Prétendre que l'on connaît un événement, qu'on a lu un livre ou encore que l'on sait qui est un auteur, qu'elle est son oeuvre et dans quel contexte s'inscrivait son parcours, c'est encore diablement d'actualité. On repense tous à l'ignorance de certains hommes politiques mettant en lumière le manque de culture et leur méconnaissance de la littérature. On a parfois aussi été dans ce cas de figure, prétendant avoir vu un grand classique du cinéma, ou lu un livre réputé incontournable. Une situation de laquelle on se sort au mieux par un acquiescement gêné et silencieux, au pire par un gros mensonge, mais rarement en admettant son ignorance. Et après tout, c'est aussi cela l'art subtil de l'ignorance.

C'est donc un premier livre réussi pour les éditions de l'Apprentie, avec un format original, une édition bilingue tête-bêche ludique et appréciable et un texte savoureux. Un ouvrage de qualité pour un texte brillant, une première parution qui on l'espère ouvrira la voie à beaucoup d'autres. Longue vie aux éditions de l'Apprentie !
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