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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Exilé volontaire à Winnipeg depuis deux ans, Jonny a fui sa terre natale : celle de la Première Nation de Peguis dans le Manitoba où il a grandi dans la réserve auprès de sa mère, de son beau-père et de sa kokum adorée. Mais les funérailles du beau-père subitement décédé vont l'amener à y retourner. Non sans appréhension.

Car si Jonny est NDN (prononcez « Indian ») issu de la tribu Oji-Cri, il est aussi queer et assume son homosexualité en tirant ses revenus du cybersexe, bordel virtuel où tous les fantasmes s'expriment à distance. Et parfois sans distance par la suite. Une identité et une sexualité à part qui ne lui ont pas facilité la jeunesse, autrefois dans la réserve.

Les quelques heures avant le retour aux sources vont ainsi être l'occasion d'une introspection angoissée sur ce passé complexe, porté par l'âme de ses racines indiennes, la quête d'un équilibre de vie introuvable, le soutien indéfectible de Tias son ami-amant ou l'amour indéfectible de sa kokum au coeur aussi large que l'esprit.

Jonny Appleseed de Joshua Whitehead, traduit par Arianne des Rochers, est un livre dur et cru, complexe par son style qui a conservé tous ses mots et tournures locales - ce qui lui donne en authenticité ce qu'il y perd parfois en compréhension -, mais aussi incroyablement torturé ce qui place le lecteur dans une situation de quasi-mal être, qui m'a gênée dans cette découverte. Heureusement, beaucoup d'amour et de tendresse infusent ce récit, comme une deuxième couche apaisante sous une première trop violente.
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Ce premier roman est sans doute nourri de la propre expérience de son auteur : il nous met dans la peau du narrateur, Jonny Appleseed, qui est parti assez vite de sa réserve pour oser s'épanouir et devenir l'homme bispirituel qu'il est intimement. (Un être bispirituel, c'est, au Canada, quelqu'un qui possède un esprit masculin et un esprit féminin, et aussi quelqu'un qui considère que son genre ne correspond pas à son sexe.) En effet, depuis l'âge de huit ans, Jonny sait qu'il est gay, c'est la première phrase du roman. Son récit commence alors que son beau-père vient de mourir et qu'il doit en quelques jours gagner l'argent nécessaire au voyage vers la réserve de Péguis (Manitoba) pour rejoindre sa mère et la soutenir. Jonny gagne sa vie dans le cybersexe et assume parfaitement ses pratiques sexuelles qu'il nous raconte dans un langage sensuel, fleuri, parfois cru.

Tout en narrant ces quelques jours avant le retour, Jonny se souvient et évoque son enfance à la réserve, l'amour inconditionnel de sa kokum (sa grand-mère), le lien fort et chaotique avec sa mère et la relation tout aussi forte avec son ami d'enfance Tias, qui a lui aussi quitté la réserve pour aller vivre à Winnipeg. Comme dans d'autres romans d'auteurs autochtones, Joshua Whitehead raconte les conditions de vie dans la réserve, le désoeuvrement, l'alcoolisme, les bagarres, mais ce qui fait l'originalité de ce premier roman, c'est son narrateur, ce personnage de Jonny Appleseed qui ose vivre sa sexualité sans complexe et qui déborde d'amour pour les femmes et pour l'ami qui lui ont permis d'être ce qu'il est au plus profond de lui-même. Son parcours est baigné d'émotions contradictoires et d'autodérision, ce qui le rend très attachant. Je suis contente d'avoir découvert ce livre !
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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L'ossature de l'intrigue de "Jonny Appleseed" est on ne peut plus minimaliste : le narrateur, jeune indien Oji-cree, doit retourner dans la réserve Péguis (dans le Manitoba) d'où il est originaire à l'occasion de la mort de son beau-père. Il compte réunir la somme nécessaire à ce voyage en enchaînant les passes virtuelles ; précisons que Johnny, qui s'est exilé à Winnipeg, travaille dans le cybersexe, assouvissant à distance (sauf exceptions) les fantasmes plus ou moins délirants de ses clients.
Ce qui constitue la chair du roman, ce sont les pensées qui viennent, pêle-mêle, à Johnny, le temps (quelques jours) de préparer son retour, nourries de souvenirs, d'évocations de ceux qu'il aime ou a aimés, vivants ou disparus.

Des anecdotes de son enfance, essentiellement passée auprès de son adorée kokum -sa grand-mère- restituent l'univers de la réserve, celui d'une vie faite de débrouille, entre miettes d'aides sociales et trafics ou menus larcins visant la plupart du temps à se procurer l'essentiel. Un univers dont il continue de recevoir les échos, par les nouvelles que lui en donnent ses proches, histoires de grossesses précoces, de filles qui disparaissent, d'overdoses ou d'enfants attaqués par chiens errants.

Sa parole témoigne de la difficulté, pour les jeunes générations de la réserve, à faire cohabiter l'attachement à une culture traditionnelle dont les anciens leur inculquent encore quelques bribes, et l'appropriation de valeurs "blanches" dont ils ne semblent retenir que les symboles les plus pervertis, ceux de la malbouffe par exemple.

Mais elle est surtout le reflet d'un parcours atypique, le sien, celui d'un garçon qui a su très tôt -dès l'âge de huit ans-, alors qu'il découvrait avec envie et fascination "Queer as folk"*, qu'il était gay, ou plutôt "bispirituel", comme il préfère se qualifier lui-même. Un état qu'il a assumé très tôt, sans doute grâce à l'ouverture d'esprit de sa kokum et de sa mère (certes alcoolique et instable, mais jamais avare d'affection), mais qui lui a aussi valu, dès l'adolescence, humiliations et rejet. Car il est très compliqué de revendiquer son homosexualité dans la réserve où, même aujourd'hui, il est menacé par certains de ses cousins d'un tabassage en règle s'il y remet les pieds… Ses premières expériences sexuelles, très précoces, ont souvent été accompagnées d'oublis alcoolisés.

Comme en contrepoint lumineux à ces tristes apprentissages, évoqués toutefois avec une authenticité et une prise de recul qui en amoindrit la dimension sordide, s'impose la figure de Tias, ami d'enfance auquel le lie une relation très forte, entre sexe et fraternité.

"Jonny Appleseed" est un texte fort, porté par une sincérité crue et touchante. La description récurrente des corps, avec ses replis et ses aplats, ses odeurs et ses sécrétions, y est précise, sans tabou, révélant la sensualité généreuse et naturelle du narrateur. Car Johnny, "NDN de la ville, efféminé et bispirituel", est un jeune homme débordant d'amour qui a su aussi s'enrichir de celui des autres (sa grand-mère minuscule mais puissante, sa mère avec laquelle il entretient une relation charnelle, fusionnelle) pour devenir un adulte solide et droit, capable de garder la tête haute en toute circonstance.

J'avais hâte de découvrir ce titre pioché chez Marie-Claude, qui l'avait elle-même noté chez Electra.

Mais je dois avouer que j'en ressors mitigée. Si j'ai apprécié le personnage et l'intensité qui se dégage de son récit, je me suis souvent sentie perdue dans le désordre induit par cette narration en coq-à-l'âne, faite d'enchaînements de pensées sans réelle logique. Par ailleurs, le texte étant traduit de l'anglais en un québécois argotique, je n'ai pas toujours compris le sens de certains passages, ce qui a occasionné une forme de frustration à l'idée que certaines subtilités m'échappaient…


Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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