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Critique de Kirzy


Kirzy
13 décembre 2020
« Y en a un qui s'est chié dessus. Mopar Horn ignore s'il s'agit d'un maton ou d'un détenu, mais l'air du salon pulse en alerte rouge pour cause d'odeur de merde. »

La première phrase te gifle d'emblée et tout le reste du roman est au diapason : noir, très noir, brut. Hiver 1968, Colorado, le soir du Réveillon. Une chasse aux douze détenus qui se sont évadés dans un blizzard qui exacerbe les tensions. A leur trousse, toute une ville, des gardiens de prison vicelards menés par un directeur impitoyable, un traqueur professionnel, limier mais pas viandard, des journalistes en quête de scoop et des habitants armés jusqu'aux dents et gavés d'amphétamines.

L'intrigue est resserrée au plus simple autour de cette chasse à l'homme désespérée pour permettre à l'auteur de développer mille nuances de noir dans une palette monochrome riche de quelques saillies lumineuses. La traque s'exacerbe avec le blizzard qui s'abat sur la ville, la neige claustrophobique créant un quasi huis clos obsédant et inquiétant tant la folie guette chacun, tant
ressurgissent les blessures et rancoeurs de chacun.

Benjamin Whitmer est presque moraliste lorsqu'il décrypte au couteau les affres de la condition humaine, fouillant au scalpel les entrailles pourries de l'Amérique profonde : racisme, déterminisme social, ultra violence, drogue. le tableau est sans concession, la fatalité dénuée d'espoir. Dans ce Far West contemporain chaotique, seuls les uniformes distinguent les chasseurs des proies.

Et pourtant, dans cette descente aux enfers, il parvient à donner de l'épaisseur à chaque personnage, tout particulièrement au duo de cousins : Mopar le fugitif acculé et Dayton la veuve dealeuse, bien décidée à le retrouver avant qu'on ne l'abatte. le parcours de vie de ces personnages qui vrillent est dépecé à l'os par de brillants flash back qui éclairent juste ce qu'il faut sans faire dans le lourdement psychologique. Ce ne sont pas des personnages qu'on aime, clairement on n'est pas dans l'empathie, ce sont des personnages dont on finit par comprendre le terrible destin. L'auteur capte la mélancolie des marginaux.

Et puis il y a cette écriture, sèche, nerveuse. Benjamin est un orfèvre du noir. Ses dialogues percutent jusqu'au trash et au grossier sans que cela soit gratuit. On est happée, on suffoque par la violence qui suinte de chaque phrase. Evasion est un roman que l'on lit comme on prend une cuite en mode binge drinking. Magistralement féroce.
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