Allemagne, mai 1945.
Un homme marche dans la nuit, seul. Il revient de quatre années passées dans un camp de concentration. Il rejoint le château où il habitait avant la guerre et qui est désormais réquisitionné par les Américains. Dans la dépendance voisine, il retrouve ses deux frères, musiciens comme lui. Maintenant, il va devoir réapprendre à vivre.
Missa sine nomine est ainsi le roman d'une renaissance, à laquelle, comme souvent chez Ernst Wiechert, la nature va apporter une contribution primordiale : le marais, omniprésent, est le décor du roman, où il joue un rôle bienfaisant, voire purificateur. Le retour de ce frère qu'on croyait mort, Amédée von Liljecrona, va d'abord raviver la culpabilité de celui qui a fui pour sauver sa peau, Erasme. Mais Amédée ne lui en tient pas rigueur, tout attaché à reprendre goût à la vie, lentement, en quête de "la patience et la foi des saints". Le rythme du roman est donc lent. Quand on revient des "portes de l'enfer", on a par ailleurs appris une vraie leçon de vie. Beaucoup de phrases ont donc la substance de la sagesse. De belles réflexions sur la vie, la mort, l'amour, la haine, le pardon, le temps, le destin, ou encore la richesse, irriguent cette oeuvre peu commune. Une tonalité religieuse, aussi, contribue à la faire sortir du lot : outre des références bibliques, le personnage de Christophe, le fidèle cocher des trois frères, dont l'étymologie signifie "celui qui porte le Christ".
Ayant beaucoup aimé, du même auteur, Les enfants Jérômine et L'enfant élu, j'ai ouvert ce livre avec un a priori très favorable. Je reste un peu sur ma faim, même s'il comporte de très beaux passages. J'ai notamment eu du mal à comprendre parfois de quel frère il s'agissait. Par ailleurs, la combinaison d'une part de poésie et d'une part de rêve a été pour moi source de confusion, les choses étant souvent suggérées plutôt que clairement exprimées.
Missa sine nomine reste néanmoins une oeuvre majeure d'Ernst Wiechert, qu'il faut avoir lue, pour voir "se révéler non seulement la souffrance, l'horreur et la mort, mais aussi, ce qui comptait davantage, l'homme lui-même" (page 529).
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Ce sont des sentiments complexes et profonds qui prennent lentement forme dans ce roman d'après-guerre. Il aborde avec courage la difficulté de l'après, de la culpabilité, du deuil d'une certaine époque révolue et bafouée, et de la folle quête d'espoir et de sens une fois le pire arrivé. L'abondance du symbolisme religieux et cette quête d'absolution spirituelle a parfois tendance à fournir des réponses un peu sommaires, surtout face à l'impossibilité et les obstacles de l'élaboration mêmes de ces questions, mais la démarche elle-même est audacieuse, et nécessaire avant tout. On retient surtout les nombreux personnages principaux et secondaires, tous très aboutis et réussis, chacun confronté à sa propre expérience de la guerre et de ses conséquences, et aux choix à faire pour continuer à vivre. Une réussite.
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