AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de capillo


Paru pour la première fois en 1989, "Eichmann - de la traque au procès" ressort ici dans une version augmentée, "renouvelée" selon le terme de son auteur, Annette Wievorka, spécialiste de la perception et la mémoire de la Shoah, qui a pu, depuis, approfondir ses recherches autour de nouveaux éléments et points de vue.

Car le but ultime, s'il devait n'y en avoir qu'un seul, serait de livrer une vue globale définitive sur et autour de ce procès, dont l'ampleur n'a pas été perçue immédiatement, dont l'importance n'a pas été saisie de facto, ce que Wievorka étudie également comme une preuve de la nécessité de faire acte de mémoire, de la faire vivre.

Pour donner corps à son étude, Wievorka convoque d'autres personnes ayant publié sur Eichmann, des journalistes ayant couvert le procès (Joseph Kessel), des acteurs de l'événement (Gidéon Hausner, procureur général), , des historiens (Hanna Yablonka, Léon Poliakov). Ce qui en ressort est un récit hyper-documenté qui laisse peu de place à l'interprétation, et tend à braquer les lumières partout sans laisser une seule parcelle d'ombre.

Pourtant, il subsiste encore de l'ombre autour du bourreau nazi, des questions que l'auteure semble laisser volontairement en suspens pour susciter la réflexion : un homme qui n'a pas de sang sur les mains est-il coupable ? Ce procès n'est-il pas un acte de vengeance "pour l'exemple" ? Quelle sentence sera assez juste pour de tels crimes ? Pas de réponse définitive, mais des pistes, et une polémique qui cristallise ces interrogations, autour de l'analyse que fait Hannah Arendt, politologue philosophe, du procès Eichmann. Quelle morale pour juger l'immoral ?

Parfaitement didactique, le livre suit la chronologie des événements : il s'agit bien de suivre Eichmann depuis sa traque, jusqu'au procès, et même plus, puisque celui-ci est mis en perspective ensuite des autres procès : Nuremberg, Barbie, Demjanuk (quelques documents officiels en annexes viennent renforcer la valeur documentaire). Une chronologie essentielle pour comprendre, tenter de comprendre, le glissement vers l'horreur absolue, sans pour autant devoir verser dans le sentimentalisme, le sensationnalisme. Encore une fois, il s'agit de comprendre et juger Eichmann, et rien d'autre ; le témoin, dans cette optique, revêt une importance capitale, dont la parole se doit d'être pertinente au-delà de l'émotion qu'elle provoque.

"Eichmann" constitue une oeuvre-somme sur son sujet, que l'on pourra toujours prolonger par une bibliographie riche. Mais Annette Wievorka ne se contente pas d'un simple point de vue historique ; elle met en perspective, questionne les notions de mémoire, de devoir, de morale, à travers un procès vieux de 60 ans.
Alors que les derniers survivants de la Shoah disparaissent, ce livre rappelle qu'il faut continuer à lutter contre le plus dangereux des négationnismes : l'oubli.

Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}