AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Laureneb


Un tombeau est le monument funéraire qui rend hommage aux morts. Des morts, il en est beaucoup question dans cet ouvrage historique où Annette Wievorka présente différents membres de sa famille. Elle leur offre un tombeau de papier, car ils n'ont pas de sépulture, ce sont des morts sans corps et sans trace, disparus dans les fours crématoires des chambres à gaz du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.
Le tombeau est aussi un genre littéraire et poétique, un texte qui rend hommage, célèbre la mémoire, d'une personne décédée. Il est toujours important de faire oeuvre de mémoire, devoir de mémoire même, à propos des victimes de la Shoah. Et Annette Wievorka s'appuie sur une véritable méthode historique scientifique, interrogeant des sources – rapports administratifs, déclarations de naturalisation ou retrait de la nationalité, chiffres d'affaires d'entreprises… Elle recueille aussi des témoignages, ceux de ses proches survivants.
Le tombeau est aussi le sien propre, qu'elle prépare, avec un ton parfois crépusculaire lorsque perce le « Je » de la Narratrice qui évoque le contexte dans lequel elle écrit. Annette Wievorka commence son livre pendant le premier confinement de mars 2020, dans un Paris silencieux et déserté, et le termine alors que la guerre touche à nouveau l'Europe, l'Ukraine dont sont originaires plusieurs de ses ancêtres. Elle le dit, elle est plutôt âgée, et elle considère ce livre comme son dernier, son testament historique donc, puisqu'il conclut son travail de recherches mené depuis longtemps, au croisement des thématiques qui l'ont tant intéressée : la Shoah, la France de Vichy, les droits des femmes et les avortements clandestins, l'identité...
Cette oeuvre historique de grande érudition – il n'y a pas de grande partie contexte, le lecteur est présupposé avoir des connaissances sur la Seconde Guerre Mondiale, les totalitarismes et l'antisémitisme, est aussi une oeuvre littéraire. le texte est ainsi une galerie de portraits. Un portrait de Paris d'abord, mais le Paris particulier, celui des des immigrés juifs d'Europe de l'Est qui reconstituent une partie du « yiddishland » au coeur du Marais, avec ses appartements insalubres, ses petits restaurants, ses artisans du cuir ou du textile comme le grand-père maternel de l'autrice, ainsi que ses poètes, musiciens, intellectuels, de langue yiddish, comme son autre grand-père, formidable conteur. Oui, ce sont aussi des portraits d'hommes et de femmes admirables tous de courage, de solidarité, de débrouille aussi. Ces deux grands-pères, et les grands-mères, font tenir leur famille par leur amour.
Le contexte est certes difficile - surtout après avoir lu en quelques semaines Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon et Les Exportés de Sonia Devillers qui évoquent aussi l'antisémitisme et le génocide, mais l'oeuvre procède tout à la fois de la recherche historique, de la mémoire, et de l'émotion familiale personnelle, ce qui en fait l'originalité et la force.
Commenter  J’apprécie          260



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}