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Critique de BillDOE


Chef d'oeuvre intemporel.
Lord Henry Wotton rend visite à son ami, le peintre Basil Hallward. Il découvre dans son atelier une toile représentant le portrait d'un jeune homme dont la perfection esthétique des traits, le réalisme du visage et la beauté le troublent. L'artiste lui présente son modèle : Dorian Gray, un mondain candide, héritier fortuné, qui découvre lui aussi l'oeuvre du maitre. A son tour subjugué, il émet le voeux de conserver éternellement la jeunesse reproduite sur le tableau…
Le roman d'Oscar Wilde est le fruit d'une commande de Joseph Marshall Stoddart pour son magazine. André Gide dira plus tard qu'il a été écrit en quelques jours ce qui est faux car l'auteur a accouché de son histoire en neuf mois avec toutes les peines du monde. Mais le résultat est là : une oeuvre remarquablement bien écrite dont la modernité traverse les âges sans prendre une ride. L'auteur s'est incarné dans ses trois personnages principaux. Il est Basil Hallward, le Pygmalion éprit de sa réalisation Galatée. Il est Lord Henry, mentor diabolique du jeune Dorian, qui va l'emmener loin sur les voies de la perdition, du vice et de la corruption et qui cultive l'art du discours cynique et du mot d'esprit. Il est Dorian Gray, personnage clef de son roman, qui voue son âme au diable afin de conserver une apparence juvénile, qui brave toutes les lois naturelles pour abonder à contresens de l'ordre normal et moral des êtres.
La toile est le miroir de l'âme de Dorian. Elle lui renvoie toute l'horreur de son inconséquence comportementale (Le suicide de Sybil Vane), son inconstance dans ses relations, le vice qui s'immisce en lui comme un poison qui va le dévorer. Oscar Wilde met en Dorian toutes ses propres turpitudes, la légèreté de son dandysme, « Que servirait à un homme de gagner tout le monde et de […] se perdre soi-même ? », son attachement au détail, les enluminures élaborées d'une façade dont il dénonce paradoxalement la superficialité, son comportement déviant dont il va se défendre afin de garder pignon sur rue (son mariage avec Constance Lloyd et avec qui il aura deux enfants), mais qui le rattrape inexorablement, ainsi qu'une malédiction s'y emploierait, « - chacun d'entre nous contient en lui le Ciel et l'Enfer, Basil. »
Oscar Wilde et Dorian Gray sont tout et leur contraire, écartelés entre leurs pulsions coupables et la société victorienne, ils oscillent entre le bien et le mal, irrémédiablement ramenés à leurs instincts déviants, à cette fange corrompue, cette débauche qui illumine leurs nuits et les font se sentir vivants, au-dessus de la masse des anonymes serviles esclaves d'une morale rance.
« le portrait de Dorian Gray » est l'histoire de cette malédiction qui ronge l'auteur et son héros et que seule la mort peut interrompre car il n'y est jamais question de rédemption. La seule issue où se sauver et trouver la paix est l'Au-delà.
Traduction nouvelle, préface et notes de Jean Gallégno.
Editions Gallimard, Folio classique, 378 pages.
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