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Critique de Blok


Blok
14 septembre 2022
Un livre intéressant mais ambigu qui n'est certes pas la somme sur le complotisme comme certains l'ont présenté mais UNE théorie sur le complotisme
Je ne me propose pas d'en faire l'exposé ni l'analyse détaillée, mais seulement de jeter quelques éclairages, et de proposer moi-même des hypothèses.
Encore faut-il considérer le produit et son auteur avec circonspection.
On sait que Wu Ming est le pseudonyme collectif d'un groupe d'auteurs italiens proches de l'extrême-gauche, amateurs de canulars philosophico-littéraires, notamment à travers le personnage )fictif de Luther Blissett. Et qu'on pourrait comparer à notre Oulipo.
Ce livre se présente comme un épais traité bardé de références (55 pages de notes qu'il serait bien ardu de vérifier) qu'il pourrait être tentant de lire comme un canular de plus.
Je ne le crois cependant pas, ou dans une sertaine mesure seulement
Par ailleurs l'ouvrage se présente de façon très subjective, c'est un peu Wu Ming au pays des complots. Et les parti-pris idéologiques de l'auteur, bien connus par ailleurs, y apparaissent au grand jour.
Il se présente comme un historique de Qanon, accompagné de nombreuses digressions. Curieusement, les auteurs semblent penser que leur livre « Q, l »oeil de Carafa », publié à l'origine en 1999 sous le pseudonyme de Luther Blissett  , roman historique construit autour d'un mystérieux personnage connu seulement sous le nom de Q, aurait été à l'origine du non moins mystérieux Q de Qanon. Aprés tout, pourquoi pas ? Cependant le hiatus total entre l 'idéologie de Qanon et celle de Wu Ming r rend bien improbable que le Q de Qanon ait entendu s'inspirer de celui de L'Oeil de Carafa, Cette conjecture n'est en fait guère intéressante, est dépourvue de valeur opérative, mais fait partie des indices conduisant à se poser des questions sur la méthode et les intentions de nos auteurs.
Ces derniers font abondamment usage du Pendule de Foucault ", le chef d'oeuvre d'Umberto Eco, largement analysé (de manière remarquable sur certains points), cité et pastiché dans des passages entiers du livre.
Seulement Umberto Eco ne dit pas tout à fait (et même pas du tout) la même chose) que Wu Ming.
En effet ce ( ou ces) dernier, s'ils condamnent formellement (dans les deux sens du terme) le complotisme, condamnent aussi le rationalisme en ce qu'il dénie toute pertinence aux théoreis complotistes qu'il pose comme en dehors du cercle de la raison. Cette position rationaliste est exactement celle d'Umberto Eco.
Au contraire pour Wu Ming, si le complotisme donne de mauvaises réponses, il pose quand même de vraies questions, pour paraphraser la célèbre formule sur un certain mouvement politique.
Et de fait, par exemple, l'analyse de la crise du COVID et la critique des confinements, développées sur plusieurs chapitres, ne diffère guère de celle des complotistes. Ainsi le confinement, loin d'être une mesure sanitaire, ne serait qu'un essai de contrôle autoritaire des populations,,,
Attention, je n'accuse pas Wu Ming d'être complotiste, d'adhérer aux théories les plus folles que d'ailleurs ils dénoncent expressément. Seulement ils soutiennent que derrière le phénomène complotiste il y a manipulation pour renforcer le système, qui serait à l'origine du complotisme. Il n'y a pas de complot, ou tout au point pas celui que le complotisme dénonce. C'est le phénomène complotiste lui-même qui est le complot du système ; et autant dire de l'Etat Profond comme Qanon, Car finalement il y a vraiment un complot
On se retrouve ainsi dans une mise en abîme vertigineuse, et le livre est comparable, sur ce plan seulement, à ce que dit Eco dans le Pendule.
Tout ceci est bien intéressant, mais ne nous mène en réalité pas bien loin dans la compréhension du phénomène, et révèle dans nos auteurs de nouveaux Maîtres du Soupçon.
Et là est peut-être le but du livre : contre le complotisme de droite de Qanon, dresser un méta-complotisme de gauche.
Et l'essentiel n'est-il pas de lutter contre le système ? Ou contre l'État profond ? Finalement, le coupable est toujours le même, comme les Templiers dans le Pendule de Foucault. Comme disent Casaubon et Belbo (au second degré bien sûr) "les Templiers y sont toujours pour quelque chose"

Q comme Qomplot est-il un mauvais livre ? Bien sûr que non ! Il est très habile, extrêmement bien fait, On ne s'ennuie pas, on apprend une foule de choses...pas nécessairement vraies.
Et après tout, comme je l'ai dit plus haut, c'est peut-être aussi un canular génial
Pour conclure sur ce point, le paradoxe du Crétois :"Appolonios, qui est crétois, dit que tous les Crétois sont des menteurs. Ment-il?

Alors il faut le lire, mais en gardant toujours, à défaut de soupçon, un doute fécond.

Accessoirement, on peut lire d'abord, si ce n'est déjà fait, le Pendule de Foucault. C'est un chef d'oeuvre, et qui apporte beaucoup plus que Q comme Qomplot
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