Qui donc est ce jeune homme pris par hasard en photo
Debout devant les tanks
Il lève le bras
Bouleversant le monde entier
Mais personne si ce n'est la gueule du canon
N'a pu voir son visage
Personne n'a connu
Son nom
Et plus tard beaucoup plus tard
Sa trace a totalement disparu
Le monde avait versé pour lui des larmes
Il n'avait plus le coeur qu'on vienne le chercher
extrait de 4 - Pour le sixième anniversaire du 4 juin
L'amour maternel est une flamme
Qui même éteinte
Tiendra parole de ses cendres
Ils ont dépassé tout âge
Ils ont dépassé la mort
Tes dix-sept ans
Déjà éternels
("A tes dix-sept ans", 1er juin 1991)
Pieds enchaînés, je ramperai vers toi de mes dix doigts
Mains ligotées, je ramperai vers toi à genoux
Jambes brisées, je te soutiendrai de mes os fracturés
Gorge étranglée, je t'appellerai de ma voix étouffée
Lèvres scellées, je t'embrasserai du bout du nez
Dents défoncées, je te mordrai de mes gencives
Cheveux arrachés, je te stimulerai de ma tête chauve
Yeux crevés, je te fixerai de mes orbites
Corps rongé, je t'embrasserai de mon odeur
Cœur brisé, je me souviendrai de toi dans mes fibres
Le 4 juin, un tombeau
Pour le treizième anniversaire du 4 juin
Extrait 5
Tombeau pour le 4 Juin
Un tombeau où l’on ne meurt jamais en paix
Si dans l’oubli et la terreur
Ce jour-là a été enterré
Dans la mémoire et le courage
Il vit éternellement
C’est une pierre immortelle
Et les pierres peuvent crier
C’est l’herbe folle et persistante des cimetières
Et l’herbe folle peut voltiger
Son tranchant s’enfonçant en plein cœur
Afin que la mémoire du sang versé ait l’éclat de la neige
Le 20 mai 2002, à la maison à Pékin
Qu'est-ce que c'est ? Je ne sais pas
Je pense qu'il est plus courageux que moi
Comme le rocher têtu où je suis née
Et pourtant il est plus fragile plus tourmenté que moi
Pareil aux pousses d'herbes auxquelles je sers d'abri
Je veux le sauver
("Mémoire d'une planche", 30 mai 2001)
Qui donc est ce jeune homme pris hasard en photo
Debout devant les tanks
Il lève le bras
Bouleversant le monde entier
Mais personne si ce n'est la gueule du canon
N'a pu voir son visage
("Mémoire", 3 juin 1995)
L'honnêteté et la dignité
L'amour maternel et la pitié
Ne sont que des cadavres dépouillés de leurs peaux
Quinze années ont passé
Un pouvoir politique assassin
A de quoi désespérer
Un pouvoir qui tolère le meurtre et une nation qui oublie les âmes mortes
Sont encore plus désespérants
Les survivants d'un grand massacre n'ont plus la force de demander justice pour les morts
Mais ce qui est plus désespérant encore
Au cœur du désespoir
C'est que la mémoire des âmes mortes
Reste le seul espoir
Les tombes n'ont pas de nationalité