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Critique de afriqueah


Liang a neuf ans quand son père est promu préfet par le Parti Communiste Chinois dans un village de campagne. Il est fier d'appartenir à cette lignée paysanne et de se trouver au bon moment au bon endroit. Il a peur de déplaire, peur d'avouer qu'il a faim, il essaie de s'intégrer, de se faire comprendre de ses parents, de supporter sa petite peste de soeur de 4 ans, qui oscille entre caprices et mots d'ordre, il veut tout faire bien.
C'est lui, Liang, lui qui se croit un héros, lui qui sera , se dit-il , aussi célèbre que son père, lui qui croit à ce monde nouveau, et de toute façon il ne connaît pas d'autre manière de penser, lui qui a le courage d'escalader la tour de l'église pour en décrocher la croix ( au passage, Liang s'étonne de cette sculpture d'un homme nu assassiné et crucifié : est-ce là un symbole d'une religion sauvage ?est-ce un bandit, puisqu' il n'a pas trouvé sépulture ?) lui qui refuse les plaisirs anciens , et rejette le sac de billes de toutes les couleurs - après tentation-, car il véhicule un souvenir des anciennes coutumes bourgeoises.
Quand la Révolution culturelle durcit les moeurs, avec le culte du grand timonier, c'est lui, le premier, qui, intraitable, cherche à éradiquer les derniers vestiges du monde ancien, à arracher la marque étrangère sur une bicyclette, à brûler les idoles villageoises, lui qui apprend par coeur les sentences maoistes.

Ce roman est bouleversant par l'innocence liée à une vraie conscience du petit dévoué Liang, ou plutôt à sa croyance militante enfantine et vraie dans sa naïveté.
Bouleversant de par l'histoire d'une descente aux enfers et de la mauvaise foi qui la précipite. Car le père de Liang, Li , au lieu de s'épuiser à lutter contre la religion, tout ce qui est noir, arriéré, et contraire à la Révolution, préfère aider les paysans à lutter contre la sécheresse et pour cela creuser des puits et un canal.
Il se heurte sans le savoir à Song, figure d'une femme aigrie, sorte d' érynie prêchant le pensée juste, n'admettant rien d'autre que sa propre glorification de l'immense Mao plus rouge que le plus rouge de tous les livres rouges réunis : son fanatisme sous jacent vient assombrir et réduire à néant la croyance du petit de neuf ans.

Roman où les couleurs prennent tout leur sens :
le rouge , perçu au départ par les autres enfants comme diabolique, puis obligatoire avec le livre rouge lui aussi obligatoirement arboré, le rouge du sorgho, pauvre céréale qui seule peut pousser en temps de sécheresse, le rouge de la honte lorsque la famille est chassée du village.
Le jaune du soleil avec ses poussières d'or, dans lesquelles vole une mouche verte et velue, le chien jaune à qui une petite file vêtue de rouge donne un morceau de pain noir, la terre jaune complètement desséchée, le jaune du dragon séculaire.

Roman du désarroi d'un enfant tellement rempli de certitudes sur l'héroïsme de son père, puis qui ne comprend pas comment ce père peut être déclaré ennemi de la Révolution culturelle.
Non seulement il ne comprend pas, mais de plus il ne peut pas en parler, il peut juste, silencieusement, essayer d'être héroïque à son tour.
« Dans le bref regard de son père, il n'y a plus cette lumière où il trouvait la force et la confiance, mais un trouble plein de remords, d'excuses, et l'expression d'un sentiment d'injustice, et d'impuissance devant l'injustice. »
Père qui pourtant justifie malgré sa disgrâce les coups bas contre sa femme, le père de sa femme et lui-même. Il faut se conformer, la ligne révolutionnaire du président Mao ne peut être compromise par la volonté de survivre des paysans, qui risqueraient de devenir des bourgeois.
Bouleversant, par son écriture colorée, riche par le récit de la vie d'un village pauvre riche par son analyse du sectarisme, par sa description de l'embrigadement de tous, par la fierté du petit Liang, et sa pensée alignée sur celle de ses parents, par son incompréhension désespérée quand ils doivent fuir.
Bouleversant, ce livre.

LC thématique août : Lire en couleur
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