Lotus

J'ai découvert Cédric Yali à la sortie de son ouvrage poétique "Lotus", constitué de poèmes et de proses dites "intimes". le lecteur prend un réel plaisir à lire les textes regroupés en cinq parties et à travers lesquels l'auteur explore des sensations et développe des idées sur l'art, la vie, le monde. J'ai identifié dans "Lotus" trois axes principaux : la différence et la proximité avec les autres, l'amour et le sens de la vie. La différence et la proximité avec les autres, d'abord : Cédric Yali évoque ses origines africaines et rend hommage à Senghor, à Césaire, mais il dépasse cet héritage comme s'il refusait de s'enfermer dans une conception de l'identité qui serait liée à une couleur de peau ou une origine. L'auteur entend laisser de côté ces différences pour valoriser une humanité une et indivisible. Dans l'amitié il trouve une identité collective et puise ses forces parmi ses frères. C'est son âme d'artiste qui le rend finalement différent des autres. Son amour des livres le rattache au passé. Ses passions l'éloignent de ses contemporains : "Vois la jeunesse Comme un monde d'apparence Où je n'ai pas ma place." L'âme poétique donne une vision du monde et des autres : "quand je regarde les gens, je ne vois pas une couleur ou même une femme ou un homme mais que des coeurs. Des bons, des mauvais, des gros, des tendres et puis des engagés qui sont toujours amoureux". Dans "Lotus", l'amour est le fil rouge, la quête fondamentale. L'amour fait d'espoir, de brefs instants de fusion, de déboires et de séparation. L'auteur perçoit le lien entre un monde cruel, égoïste, un monde de souffrance, et des hommes qui malmènent le sentiment amoureux, le méconnaissent : "Au fond le mal existe Parce que l'amour Personne ne le laisse vivre." L'écrivain qui se nourrit de l'intime peut voir des mystères que les hommes communs ne perçoivent pas. Il sent que derrière les histoires d'amour individuelles il existe un amour plus grand qui ne s'éteint jamais, l'amour universel. Aimer et écrire ne se font pas sans douter ("mes mots n'ont plus de pouvoir. Ils sont comme des cadeaux vides") mais le secret réside peut-être dans le fait de ne pas renoncer. Ecrire, aimer, vivre impliquent une prise de risque. Certains textes de "Lotus" mettent en scène l'écrivain et son double (son esprit) qui le questionne. L'écrivain s'adresse à sa génération, qu'il exhorte à avoir le courage de se rendre maître de sa propre vie : "La jeunesse est un risque à courir." En lisant Cédric Yali on est frappé de ce qu'à vingt ans, on a déjà accès aux idées fondamentales qui mèneront toute une vie. Une écriture prometteuse et généreuse qui élève, transcende, fait accéder à l'intemporalité et à une forme d'éternité : "Spiritualité du mot. du bon. du beau. de la virgule qui balafre. J'ai ce sentiment étrange que de mes peines, de mes joies, de mes souffrances et de mes moments de silence, une force émane. Elle émane comme un rayonnement de chaleur. Comme une étoile naissante. Comme une joie qui déchire les larmes". Un auteur à découvrir et à aimer !