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Critique de Berry07


Grenouilles parce que la prononciation du mot en chinois est la même que celle du mot bébé. Et c'est bien de cela dont il s'agit tout au long de ce roman, à travers le personnage emblématique et ambivalent de Wan le Coeur, dite « la Tante », gynécologue de son état, qui nous est conté par son neveu Wan le Pied dit « Petit Trot».
L'histoire comprend deux parties :
- la première nous emmène dans la campagne chinoise au sein du canton de Dongbei où les compétences de la Tante lui permettront de réaliser avec succès plus de 1600 accouchements sauvant par là-même de nombreuses vies. Mais après la grande famine des années 60 puis le boom des « enfants patates douces », c'est la politique de l'enfant unique qui est lancée avec tous les excès et violences que cela a pu engendrer au sein d'une population paysanne attachée à avoir une nombreuse descendance et surtout un héritier mâle pour maintenir la lignée. Dans ce contexte, la Tante, fervente communiste, appliquera avec fanatisme la politique draconienne du planning familial avec avortements et stérilisations forcés, n'hésitant pas à pourchasser celles et ceux qui enfreignent les règles. C'est ainsi que Wang Renmei, la première épouse de Petit Trot, y laissera la vie ;
- la seconde partie nous transporte dans la Chine contemporaine où les déviances de la politique de l'enfant unique continuent ses ravages sous une forme plus sournoise. le narrateur est cette fois-ci au coeur de l'histoire, laissant la Tante un peu en arrière-plan (taraudée par le remords pour toutes les vies qu'elle a contribué à supprimer). Âgée de plus de 50 ans, « Petit Lion », la seconde épouse de Petit Trot, est « en mal d'enfant » et décide, via une société spécialisée clandestine, de faire appel à une mère porteuse. C'est la malheureuse Chen le Sourcil, défigurée suite à un incendie et devant payer les dettes de son père, qui sera la victime d'un système qui repose sur l'argent et la corruption et qui permet aux familles les plus aisées d'obtenir l'enfant qu'elles désirent.

C'est un roman très riche aussi bien au niveau de l'histoire et des personnages que de la construction et du style. Mo Yan mêle les genres avec brio : forme épistolaire, récit, conte, fantastique pour terminer par du théâtre. le roman foisonne aussi de symboles, de références mais aussi de correspondances et jeux entre les mots et les sons (que l'on comprend grâce aux explications de la traductrice).
Mais surtout, Mo Yan nous raconte avec verve et truculence l'histoire à la fois cocasse et tragique d'une communauté issue de la campagne chinoise qui, tout en restant toujours très imprégnée des anciennes traditions, a dû subir à marche forcée, le passage vers une société dogmatique et matérialiste.

J'ai lu avec énormément d'intérêt et de plaisir cette évocation très réaliste et pleine de fantaisie de la société chinoise du XXème siècle. Je suis assez intriguée par Mo Yan, écrivain reconnu en Chine, qui ose (dans certaines limites toutefois...) la critique vis à vis des excès commis sous Mao mais aussi pendant une période plus contemporaine. En tous les cas, c'est un auteur talentueux qui mérite vraiment le détour.
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