Grenouilles

- (...) Je te le dis, Xiangqun, mon cher enfant, il ne faut pas que cela suscite en toi admiration ou bien envie, l’argent, les belles femmes ne sont que choses passagères, tel un nuage flottant, ou de la fumée, seuls sont précieux la patrie, l’honneur, la famille.
- Troisième oncle, dit mon jeune neveu, comme vous pouvez être drôles, vous autres ! Les temps ont changé et toi tu es là à me dire encore des choses pareilles. »

Je tapotai la brioche naissante de Chen le Nez et dis : « Ça y est, tu commences à prendre un ventre de général.
- C’est qu’on vit mieux ! répondit-il, même en rêve je n’aurais jamais pensé que nous pourrions mener une vie meilleure.
- C’est grâce au président Hua, dit Yuan la Joue.
- Selon moi, c’est le président Mao qu’il faut remercier, dit Chen le Nez, s’il n’avait pas pris l’initiative de partir, tout serait encore comme avant. »

A l'époque de l'ordinateur, écrire une lettre au stylo, sur du papier, est déjà devenu un luxe en soi, mais c'est aussi délectable et j'ose espérer qu'en la lisant vous pourrez de votre côté, éprouver le même plaisir archaïsant.

A la fin de 1965, l'augmentation brutale de la population inquiéta les autorités. On assista à la première vague du planning familial depuis la création de la nouvelle Chine. Le gouvernement lança le slogan suivant : "Un ce n'est pas peu, deux c'est ce qu'il faut, trois c'est un de trop."

Le phénix tombé au sol ne vaut pas un poulet.

Je sais que plus on est riche, plus on est superstitieux, et que le degré de superstition est proportionnel à celui de la richesse. Je sais qu'ils croient plus que les pauvres à l'importance du destin et qu'ils chérissent davantage la vie que ces derniers. C'est normal. Les pauvres sont résignés à leur triste sort alors que les riches tiennent leur richesse à deux mains, comme ils tiendraient une porcelaine à motifs bleus d'une valeur inestimable.

Mais pendant ces deux années-là, aucun bébé ne naquit dans les quarante villages et plus relevant de ce secteur. La cause, bien sûr, en fut la famine. Les femmes n'avaient plus leurs règles, les hommes étaient réduits à l'état d'eunuques.

La tante gronda : " C'est vraiment bizarre, quand une femme accouche d'une fille, le mari tire une tronche, mais une tronche, alors que si sa vache met bas une génisse, sa bouche se fend en large sourire !"
Mon père répondit : "C'est que plus tard, une génisse peut mettre bas !"

« Vous avez dit que l’image de cette femme médecin s’était imprimée dans votre cerveau, qu’elle roule à vive allure à bicyclette sur la rivière gelée ou que, sa trousse de secours au dos, un parapluie à la main, les jambes du pantalon retroussées, elle prenne de vitesse des légions de grenouilles. »

Je voulais écrire du théâtre aussi excellent que "Les Mouches" ou "Les Mains sales", me lancer avec audace dans cette voie, devenir un grand dramaturge. Je vais suivre vos conseils : ne pas presser le mouvement, aller lentement, avec la patience de la grenouille assise sans bouger sur sa feuille de lotus dans l'attente d'un insecte. Quand les choses seront mûres, je prendrai la plume, avec la vitesse de cette même grenouille se jetant sur sa proie.