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EAN : 9782757831045
525 pages
Points (04/10/2012)
3.66/5   120 notes
Résumé :
Le narrateur, Têtard, adresse une lettre à son maître, un écrivain japonais, pour lui parler de la pièce qu’il envisage d’écrire sur sa tante, une femme à la personnalité fascinante, célèbre gynécologue à l’origine du planning familial sous Mao. Têtard et sa tante vivent dans la région de Gaomi.
Cette fresque permet de dresser le portrait d’une période complexe.
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Critiques, Analyses et Avis (37) Voir plus Ajouter une critique
3,66

sur 120 notes
C'est sous le nom de plume de ''Têtard'' que Wan le Pied est devenu écrivain et dramaturge après une carrière dans l'armée chinoise. Et c'est aussi de ce pseudonyme qu'il signe les lettres qu'il envoie à son maître en écriture, le japonais, Sugitani Yoshihito; de longues lettres où il entreprend de raconter la vie de sa tante Wan le Coeur afin de mettre en ordre ses idées avant d'écrire la pièce de théâtre dont elle sera le sujet. Fille d'un héros de la nation, communiste convaincue et gynécologue réputée, la tante a exercé pendant plus de cinquante ans dans la canton de Dongbei, berceau de la famille Wan. D'abord respectée pour ses méthodes novatrices et sa capacité à mener à bien les accouchements les plus difficiles, la tante devient la bête noire de toutes les familles du canton quand les autorités chinoises mettent en place la politique de l'enfant unique. Pragmatique et fidèle au Parti, la tante ne fait pas de sentiments et poursuit sans relâche les femmes enceintes de leur deuxième enfant pour les contraindre à avorter. Convaincue jusqu'au fanatisme, elle écume les campagnes avec son assistante, Petit Lion, pratiquant avortements, vasectomies, hystérectomies et poses contraintes de stérilets, appliquant à la lettre des directives gouvernementales mal acceptées par les paysans qui veulent un fils pour leur succéder et de nombreux enfants pour aider à la ferme.

Lire Grenouilles, c'est d'abord se plonger dans la campagne chinoise la plus reculée et faire la connaissance d'une palette de personnages aux noms improbables : Chen le Nez, Yuan la Joue, Wang la Bile, Xiao Lèvre-supérieure, etc. de petites gens respectueux des traditions, accoutumés aux aléas de la vie, qui ont supporté l'invasion japonaise, la famine, la libération maoïste pour finir par se rebeller contre la mise en place du planning familial et la politique de l'enfant unique.
Même s'il dénonce les dérives et la cruauté de cette loi incomprise, Mo Yan ne se départit pas de son humour. Ambiance baroque, situations loufoques, personnages hauts en couleur contribuent à alléger l'histoire souvent très dure de ces femmes prêtes à tout pour avoir des enfants, au péril de leur vie. Têtard raconte sa tante sans la juger mais si le combat qu'elle menait lui semblait juste, la fin de sa vie est troublée par les remords : ses mains sont rouges du sang de tous ses enfants qu'elle a empêché de naître. Et malgré les drames, la Chine ne semble pas avoir appris des erreurs du passé. le présent n'est guère plus brillant pour les femmes, du moins les femmes pauvres utilisées pour la GPA, cause de nouveaux chagrins. Encore une fois, Mo Yan n'émet aucun jugement, sa critique implicite, discrète, enrobée d'humour, nous permet de tirer nos propres conclusions.
Un livre dont on ressort secoué par tant de cruauté et ému par le sort des femmes chinoises. La tante, personnage emblématique de la politique de Mao, est faite de contrastes. On l'admire pour ses compétences, on la déteste pour son fanatisme, on la plaint d'avoir été aveugle et sourde à la souffrance de ses congénères. Dans tous les cas, elle vaut le détour et méritait bien un livre. Et une pièce de théâtre ! Difficile de prime abord, la lecture de Grenouilles est finalement une expérience savoureuse et enrichissante.
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« Grenouilles » m'a permis de découvrir Mo Yan mais également la littérature chinoise. C'est donc en novice, et en terre peu connue, que je m'exerce à la critique. A la fois loufoque et d'une construction minutieuse, ce livre offre une plongée fascinante dans la Chine, son histoire, ses croyances.

La complexité de l'oeuvre ne rend pas sa lecture difficile qui, au contraire, est très aisée. La complexité vient ici du travail de l'auteur. En effet, « Grenouilles » constitue à la fois une sorte d'essai historique romancé de l'histoire moderne voire contemporaine de la Chine à travers l'exemple de la mise en place de la politique de l'enfant unique et une mise en abyme du travail de l'auteur, de la production littéraire. Ce sont ces deux accouchements – celui des femmes chinoises qui cherchent à donner la vie malgré les dangers que cela implique et celui de l'auteur dans la mise au monde de son oeuvre – qui sont au centre du livre.

Tout le livre est donc construit autour du travail des parturientes et de l'écrivain pour se finir par une (ou deux) naissances, dans une ultime pirouette que nous offre Mo Yan. C'est ici tout le talent de l'auteur qui s'exprime : aucun détail n'est laissé au hasard ni aucune intention. On passe ainsi du début du livre, où le narrateur, enfant, adhère corps et âme à la politique du Parti Communiste dont le but ultime est l'ancrage du matérialisme dans les mentalités dans une Chine profondément rurale et pauvre, à la fin de l'ouvrage, dans une Chine urbanisée, puissance économique mondiale à la recherche de son âme et qui, nageant dans le confort matériel, revient à ses croyances millénaires.

Ce mouvement à la fois dialectique et complémentaire, circulaire comme le yin et le yang, est présent dans tout le livre dont le récit se déroule sous forme de roman, de roman épistolaire et de pièce de théâtre, avec un aller-retour permanent entre passé et présent. Au-delà de ses qualités littéraires, il faut également souligner l'habileté de Mo Yan à décrédibiliser le régime communiste chinois sans jamais le critiquer.

Un chef-d'oeuvre. A lire absolument !
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Dans la correspondance qu’il entretient avec son maitre japonais, Têtard, écrivain chinois débutant, lui fait part d'un projet d’écriture sur sa tante, une gynécologue réputée à l’époque où Mao a décidé du contrôle des naissances. Une occasion pour lui de rappeler les difficultés de la mise en place de la politique de l’enfant unique, surtout dans les campagnes reculées, et la résistance des couples et des femmes qui allaient jusqu’à risquer leur vie pour échapper à un avortement forcé.

Une fresque chinoise colorée et pleine de fantaisie qui nous montre une Chine non soumise avec des individualités très marquées. Des Chinois aptes à douter d’eux, comme la gynécologue qui à la fin de sa vie est poursuivie par l’image de grenouilles (en chinois bébé et grenouille se prononcent de la même manière) des enfants dont elle a empêché la naissance, ou comme Têtard, capables de remettre en cause leur adhésion inconditionnelle à la politique du Parti.

Une attitude proche de celle de l’auteur qui ne critique jamais le parti communiste, mais ne se prive pas de brocarder avec humour les conséquences de sa politique, celle d’hier mais aussi celle d’aujourd’hui.
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Impression partagée. Bouquin assez étrange et inattendu.

C'est un mélange de réalisme et d'imaginaire (peut-être à la façon de Garcia Marquez ?), ce qui en fait un roman très original, mais je me suis aussi beaucoup ennuyée par moment, ne voyant pas où l'auteur voulait m'emmener, ne décelant pas de véritable intrigue, en tout cas pendant la première moitié du récit.

Heureusement il y a le personnage de la tante, gynécologue, faiseuse d'anges, rebouteuse et grande stérilisatrice au service de l'idéologie communiste, qui ne peut laisser indifférent. Et surtout il y a la Chine, un personnage en soi, qui se métamorphose tout au long du roman, où les gens passent de paysans crevant de faim aux nouveaux riches crapuleux, de la misère matérielle à la misère morale.

Et je me suis laissée aller, j'ai essayé d'ouvrir mes oeillères et d'abandonner – autant que faire se peut- mes repères pour découvrir cette Chine tellement exotique et déroutante. Je ne suis pas déçue du voyage, même si c'est une expérience étrange et épuisante. Et je me dis que c'est peut-être le premier vrai roman chinois que je lis.
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Un écrivain surnommé Têtard projette d'écrire une pièce de théâtre sur la vie de sa tante. Il raconte l'existence de cette gynécologue de campagne dans de longues lettres adressées à un littérateur japonais. Désormais retraitée, la Tante éprouve du repentir et déclare que ses mains sont souillées de sang. Il y a le sang des milliers d'accouchements qu'elle a assurés au cours de sa longue carrière dans un dévouement exemplaire. Mais il y a aussi le sang des femmes avortées sous la contrainte, certaines à un stade avancé de leur grossesse. La politique de contrôle des naissances a été appliquée avec excès. Les médecins peuvent imposer les hystérectomies, les vasectomies, les stérilets ou les avortements. Ceux qui tentent de s'y soustraire sont traqués et traités comme des ennemis du pouvoir. La Tante voue une loyauté infaillible à l'idéologie du Parti. Elle accomplit son devoir avec fanatisme organisant même des actions commando pour débusquer des femmes coupables d'une deuxième grossesse. Mais les temps changent, le pays s'est ouvert à l'économie de marché. Les Chinois continuent d'adorer la déesse de la fertilité et ceux qui en sont privés peuvent désormais louer un ventre. La violence économique succède à la violence étatique.

« Grenouilles » est mon premier roman chinois. Les scènes sont imprégnées des traditions et des croyances populaires. Les personnages sont hauts en couleur, la Tante par exemple se distingue par son excentricité. Les anecdotes sont cocasses et si les faits relatés sont graves, l'auteur ne se départit jamais de son humour.
Pour finir, j'ai trouvé le roman inégal, parfois savoureux, d'autres fois fastidieux. Les "premières fois" ne sont pas toujours les meilleures et je compte bien persévérer.
Si l'un/e d'entre vous peut me conseiller un roman chinois qui aurait cette même tournure de "farce campagnarde", je suis preneur.
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critiques presse (2)
LaPresse
01 mars 2013
L'écrivain évoque d'une plume acerbe la politique de contrôle des naissances en Chine, sujet qui demeure sensible sans être tabou.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeMonde
19 août 2011
Convaincant, le roman s'inscrit dans la continuité de La Dure Loi du Karma (Seuil, 2009). Le projet est moins ambitieux, mais le souffle est le même.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
- (...) Je te le dis, Xiangqun, mon cher enfant, il ne faut pas que cela suscite en toi admiration ou bien envie, l’argent, les belles femmes ne sont que choses passagères, tel un nuage flottant, ou de la fumée, seuls sont précieux la patrie, l’honneur, la famille.
- Troisième oncle, dit mon jeune neveu, comme vous pouvez être drôles, vous autres ! Les temps ont changé et toi tu es là à me dire encore des choses pareilles. »
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Je tapotai la brioche naissante de Chen le Nez et dis : « Ça y est, tu commences à prendre un ventre de général.
- C’est qu’on vit mieux ! répondit-il, même en rêve je n’aurais jamais pensé que nous pourrions mener une vie meilleure.
- C’est grâce au président Hua, dit Yuan la Joue.
- Selon moi, c’est le président Mao qu’il faut remercier, dit Chen le Nez, s’il n’avait pas pris l’initiative de partir, tout serait encore comme avant. »
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Cher Monsieur, une ancienne coutume de chez nous, voulait qu’on donnât pour nom aux enfants à leur naissance, celui d’un organe ou d’une partie du corps humain. Quelqu’un pouvait s’appeler par exemple Chen le Nez, Zhao l’Oeil, Wu Gros-intestin, Sun l’Epaule… D’où venait cette pratique, je ne me suis pas penché sur la question, sans doute était-elle lié à une intime conviction, selon laquelle « qui a humble nom vivra vieux », à moins qu’elle ne fut dictée par une évolution de la psychologie des mères, les amenant à considérer leurs enfants comme la chair de leur chair. Une telle pratique n’a plus cours de nos jours, les jeunes gens ne veulent plus donner des noms aussi bizarres à leur progéniture. Chez nous, à l’heure actuelle, les enfants, dans leur grande majorité, ont des noms gracieux et originaux, comme ceux des personnages de télévisée hongkongaises, taïwanaises, voir japonaises ou coréennes. Quant à ceux qui portaient celui d’un organe ou d’une partie du corps, ils ont presque tout changé pour un autre plus élégant. Mais, bien sûr, certains ont gardé leur nom de origine, tel Chen l’Oreille, Chen le Sourcil.
Leur père, Chen le Nez, était mon camarade de classe en primaire et un ami de jeunesse.
Nous étions rentrés à l’école du Grand Bercail à l’automne de l’année 1960
(Incipit)
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Je sais que plus on est riche, plus on est superstitieux, et que le degré de superstition est proportionnel à celui de la richesse. Je sais qu'ils croient plus que les pauvres à l'importance du destin et qu'ils chérissent davantage la vie que ces derniers. C'est normal. Les pauvres sont résignés à leur triste sort alors que les riches tiennent leur richesse à deux mains, comme ils tiendraient une porcelaine à motifs bleus d'une valeur inestimable.
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A la fin de 1965, l'augmentation brutale de la population inquiéta les autorités. On assista à la première vague du planning familial depuis la création de la nouvelle Chine. Le gouvernement lança le slogan suivant : "Un ce n'est pas peu, deux c'est ce qu'il faut, trois c'est un de trop."
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Vidéo de Mo Yan
Présentation de l'album "La Bourrasque" de MO Yan, prix Nobel de littérature, illustré par ZHU Chengliang. Publié aux éditions HongFei, septembre 2022. Après une belle journée au champ, un enfant et son grand-père résistent ensemble à l'adversité.
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