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Critique de berni_29


Les jours, les mois, les années est un conte aux allures intemporelles que nous délivre ici l'écrivain chinois Lianke Yan.
Une terrible sécheresse contraint les habitants d'un petit village de montagne à fuir vers des contrées où la terre est plus verte. Ici, plus rien ne pousse, l'eau se fait de plus en plus rare. Tous sont partis sauf un vieil homme, il a soixante-douze ans, il se sent désormais incapable d'accomplir un tel exode, car il semble qu'il faille partir loin ; tout autour c'est un décor de désolation où le sol est brûlé par un soleil implacable.
Ce vieil homme qui se nomme lui-même l'aïeul déambule sur ce paysage de crêtes avec un chien, qu'il appelle l'aveugle, parce qu'il l'est, ou plutôt parce qu'il l'est devenu à la suite d'un rite religieux que l'on pourrait qualifier de stupide ou de fou, une superstition comme si s'en remettre aux prétendus dieux du ciel et de la terre pouvait empêcher le soleil de brûler un peu moins, à l'eau de revenir, à l'herbe, au blé, au sorgho de pousser de nouveau...
Le soleil a brûlé les yeux du chien et laissé place à deux trous noirs dans ses orbites, deux trous d'où ne cessent de s'écouler des larmes. C'est un chien fidèle, le vieil homme va le protéger et la bête va protéger l'aïeul, ensemble ils déploient une attention l'un à l'autre mais aussi à l'unique pied de maïs qui survit encore. L'aïeul a toujours été un paysan réputé dans son village, on lui accorde un immense respect pour cela, il connaît les gestes qu'il faut. À présent, il s'agit de survivre...
Le contrepoint de ce paysage aride se tient dans l'immanence de ces instants ténus, fragiles, où presque rien ne se dit, dans l'obstination forcenée de l'homme de faire germer ce pied de maïs, l'entretenir, épier chaque jour la couleur des feuilles... Survivre, transmettre.
Le contrepoint de cette terre asséchée se tient dans le coeur de cet homme, dans l'amitié qui le lie à ce chien aveugle. Cela dépasse la pitié... Chacun a besoin de l'autre pour survivre, mais à force, des liens intimes et indéfectibles se tissent entre l'homme et la bête.
Se battre chaque jour pour trouver de l'eau, ce bien commun le plus précieux de notre planète... Comment ne pas voir dans cette fable intemporelle l'esquisse d'un récit pré-apocalyptique sur ce que pourrait nous réserver le monde d'après ?
Tendre la main dans le vide, quêter l'impossible parmi les rayons brûlants de l'astre fou. Sentir sous la brûlure de la peau le silence de la terre et le coeur épris d'un espoir furieux. Tenir debout. C'est comme un chant...
Ce récit qu'on pourrait qualifier de fable est un merveilleux et puissant hymne à la vie, à la fragilité de la vie. À la volonté obstinée d'un seul homme qui ne baisse jamais les bras, qui se bat contre les éléments irrémédiables, qui se bat pour les autres, pour la survie du village et de ses habitants lorsqu'ils reviendront...
Dans ce un huis-clos presque intemporel, c'est un balancement incessant comme celui du vent dans les crêtes brûlées, un va-et-vient entre la beauté de la vie et l'horreur de la fatalité qui peut la broyer. Ici l'homme est un fétu de paille et l'écriture de Lianke Yan sert avec sobriété et une émotion tout en intériorité un texte d'une beauté magistrale.
C'est un livre qui m'a touché au coeur.
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