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Critique de enjie77


J'ai particulièrement aimé ce livre : cela peut vous paraître indécent d'écrire « aimer » un livre qui fait le récit effroyable du calvaire du peuple syrien. Je me suis immergée dans l'enfer avec Samar Yazbek pas par voyeurisme, ni par mauvaise conscience, (encore que), non, mais pour tenter de mieux comprendre la situation de la Syrie grâce au témoignage du peuple syrien et non des occidentaux.
Samar Yazbek est née en 1970 à Jableh près de Lattaquié, sur la côte nord de la Syrie. Dans cette région, se concentre la majorité des alaouites : branche minoritaire du chiisme dont le clan Assad est lui-même issu.
Alaouite et opposante à Bachar, ayant rejoint les manifestations de Damas, elle sera arrêtée et interrogée cinq fois par les services secrets en 2011. Elle ne cèdera pas et sera menacée de mort. Elle devra alors s'exilée avec sa fille.
Cette lecture permet d'admirer le courage de cette femme rebelle à toutes les traditions qu'elles soient confessionnelles ou sociales qui bravant tous les périls, va effectuer trois passages clandestins successifs en Syrie (les portes) afin de nous rapporter la voix de tous ceux qui n'en ont pas.
Déracinée et vivant son exil à Paris, elle sent que sa place est auprès de ceux qui luttent au quotidien contre la faim, la pénurie d'eau, les coupures d'électricité, les bombardements incessants, la peur, les cadavres mutilés, les enfants amputés, les monstruosités perpétrées par les milices djihadistes, en un mot la barbarie d'une guerre civile avec toutes les exactions que cela suppose !
Je la remercie d'avoir risqué sa vie et de nous livrer un récit au plus près de la vérité.
En parcourant tous ces témoignages, j'ai eu le sentiment qu'elle me permettait de me rapprocher de ce peuple, comme une façon de leur tendre une toute petite main en leur prêtant un peu d'attention, un peu d'écoute. J'ai aimé les dialogues qui s'installent entre elle et les rebelles, il y a des moments d'une grande émotion, d'une très grande richesse! Elle dresse des portraits de femmes admirables de courage. Elle a une très belle écriture et malgré sa pudeur, j'ai ressenti sa souffrance, les fêlures qui la traversaient, bien qu'elle bénéficiât d'une grande capacité de résilience !
A chaque passage clandestin, le récit démontre très bien la détérioration de la situation. La réalité décrite permet de réaliser le chaos qui s'installe petit à petit. Les syriens se retrouvent spoliés de leur révolution populaire qui se voulait pacifique contre un dictateur et qui se transforme en guerre civile voire de religion, et que dire de l'avenir de la femme…….. C'est monstrueux !
Là où j'ai tremblé avec elle, c'est au cours de la réalisation de l'interview d'Abou Ahmad, émir de la branche Ahrar-al-Cham, mouvement salafiste, (page 240) au cours duquel, elle sentait la sueur perlée sous son abaya d'autant que ce djihadiste, ignorant son identité, lui martelait « les alaouites sont des apostats, ils méritent la mort ».
Je termine avec un passage de Samar « Ecrire est une voie vers la conscience à travers ses relations complexes avec la mort. C'est une reproduction de la vie, un défi courageux à la mort. Mais aussi une défaite car, pour finir, la mort, avec toutes ses questions difficiles, représente à la fois l'impulsion de l'écriture et sa source. C'est une défaite courageuse. »

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