Tous les doigts ne sont pas égaux devant le plaisir.
Pour gagner l'amour d'un homme, il suffit d'un instant. Car chez l'homme, le cœur marchait toujours avec l'entrejambe.
Les moments où elle ouvrait sa fenêtre dans le matin de Damas, juste après la pluie, étaient parmi les rares où elle se sentait perdue. Le ciel perçait à travers les feuilles des quinquinas qui bordaient les trottoirs. Les colombes blanches s'enfuyaient d'un toit à l'autre, égarant son cœur au passage. Rien au monde n'était plus beau que ces colombes roucoulant dans le ciel de Damas, s'élevant jusqu'en haut du mont Qassioun, plongeant jusqu'aux maisons voisines.
c'est en faisant le ménage dans la bibliothèque qu'Alya avait découvert les livres. Elle en avait beaucoup lu. Les maîtres avaient mis du temps à comprendre que le soir, lorsqu'elle s'éclipsait, la servante se réfugiait dans le bibliothèque , pour y ronger leurs livres comme une petite souris.
Rien n'avait jamais la moindre importance, comme si aucune vie ne coulait plus dans ses veines. Elle était née déjà morte, créée dans la seule perspective de sa mort. Elle sentait en elle un unique désir, celui de dormir profondément, pour se soulager de ce monde, pour n'avoir jamais existé, pour n'être pas la fille de sa mère.
Intriguée, la petite Alya l'épiait derrière les rideaux, par les trous de serrures. Bondissant comme un singe parmi les objets de la maison, elle disparaissait derrière les meubles à son approche. Comme elle avait peur de rester avec la cuisinière, elle enveloppait son repas dans un torchon spécial et s'installait par terre près de son lit. Elle avait honte de manger devant les gens.