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Critique de Musa_aka_Cthulie


En 1988 est publié un recueil d'un roman et une nouvelle d'une auteure japonaise de 24 ans, Banana Yoshimoto, dans laquelle, paraît-il, s'est reconnue toute une génération. J'ai moi-même découvert Kitchen bien plus tard, au moins dix ans après la publication, et seulement après avoir lu son recueil de nouvelles Lézard qui venait de paraître. Lézard m'avait tellement emballée que je me suis très vite jetée sur Kitchen, qui fait partie des livres que j'ai les plus relus. Avec le temps, je n'ai plus ressenti le besoin de le lire aussi souvent - ça faisait partie de mes lectures réconfortantes quand j'avais un coup de mou -, et les nombreuses relectures ainsi que l'âge y étant pour beaucoup, j'ai perdu peu à peu des petits morceaux de mon engouement premier. Mais j'y reste très attachée et je ne sais pas pourquoi, j'ai eu envie de le relire cette année.


Kitchen, c'est deux histoires, Kitchen proprement dit et Moonlight Shadow. Les deux sont des histoires liées à la mort, mais tandis que Kitchen raconte la naissance d'un nouvel amour, Moonlight Shadow s'attarde sur le deuil d'un amour. Les deux héroïnes ont en commun d'être des jeunes filles ordinaires de dix-huit/vingt ans, et d'être à un moment de leur vie où elles se sentent bloquées, un moment crucial où elles devront trouver comment avancer.


Dans Kitchen, Mikage vient de perdre sa grand-mère, avec qui elle vivait et qui était la seule famille qui lui restait. Devant quitter l'appartement q'elle occupe, elle va se retrouver à vivre chez Yuichi, un jeune homme qu'elle connaît assez peu, et sa mère, un personnage haut en couleurs. Mikage adore les cuisines, toutes les cuisines, elle y trouve du réconfort ; l'enthousiasme qu'elle va développer pour l'art de la cuisine ainsi que les six mois qu'elle vivra chez les Tanabe vont l'aider à passer l'étape du deuil ; quand Yuichi sera lui aussi atteint par la mort de sa mère, ils évolueront vers une relation amoureuse, à petits pas, avec des difficultés, mais en prenant leur temps.


Dans Moonlight Shadow, Satsuki vient de perdre dans un accident de voiture son amoureux, avec qui elle vivait une relation depuis quatre ans. Elle passera deux mois à végéter plus ou moins chez elle, n'arrivant pas à dormir correctement la nuit. La pratique du jogging au petit matin va l'aider à tenir le coup, et lui permettre de rencontrer une jeune femme très étrange qui lui dévoilera un phénomène curieux, lui faisant passer le cap du deuil et lui permettant enfin d'avancer.


C'était une grosse découverte pour moi quand je suis tombée sur Banana Yoshimoto, mais c'est difficile d'expliquer ce qui m'a tellement séduite il y a une vingtaine d'années. Quelque chose dans son écriture qui donne dans le contemplatif, mais d'une façon légère. Dans Moolight Shadow, par exemple, ce qui m'a le plus marquée c'est probablement la thermos de Satsuki. Lorsqu'elle court le matin, elle marque une pause sur un pont pour boire son thé chaud, avant de repartir. Plus tard elle va choisir une thermos dans un grand magasin. Je ne saurais expliquer clairement pourquoi, mais ce détail de la thermos m'est toujours, toujours resté en tête, avec cette impression que je pouvais sentir la chaleur du thé bu par Satsuki. D'ailleurs, c'est quelque chose qui me reste encore et toujours vaguement en tête quand j'utilise moi-même une thermos. C'est peut-être un peu moins prononcé, mais ce qui touche à la cuisine, et notamment l'épisode où Mikage mange du katsudon dans Kitchen, m'a laissé un peu la même sensation. Je crois que c'est ça qui m'a touchée dans ce recueil, cette façon d'éprouver des sensations très physiques, très pragmatiques, qui relèvent du quotidien. Et néanmoins, Banana Yoshimoto mêle toujours une touche de surnaturel à ce quotidien très palpable - on pourrait carrément parler de paranormal dans le cas de Moonlight Shadow, mais c'est plus subtil que ça. J'entends parler de réalisme magique, mais je n'aime pas coller une expression générique sur cette écriture qui reste pour moi spécifique et relève à la fois du tangible et de ce qui est moins palpable.


Je le disais plus haut, j'ai perdu de mon engouement pour Kitchen au fil des années, sans doute parce que je m'éloignais en âge des personnages et de l'auteure de 1988, mais aussi parce qu'à force de relectures, j'ai détecté des défauts qui m'étaient passés au-dessus de la tête pendant des années. Quand Banana Yoshimoto s'attarde un peu trop sur les sentiments de ses personnages, elle perd en finesse et en charme - d'autant que, justement, l'utilisation du quotidien teinté d'onirisme et d'irréel permettent de s'affranchir de tout propos teinté de psychologie. Et puis on sent des erreurs de jeunesse, comme la tentation de trop utiliser des métaphores, par exemple, ou des dialogues parfois surfaits (le problème de passer du japonais au français pouvant y être pour quelque chose, je n'en sais trop rien). Surtout, je crois que le texte Kitchen aurait gagné à être resserré, alors que l'auteure a tendance à s'éparpiller un chouïa.


De toute façon, j'ai la certitude que Kitchen restera un livre important pour moi, même s'il n'est pas mon livre préféré entre tous. Un livre que je connais quasiment par coeur aujourd'hui (donc pas besoin de l'emporter sur une île déserte), qui m'a touchée dès la première lecture d'une façon peu commune, et donc un livre que je ne n'imaginais même pas critiquer un jour jusqu'à ces derniers temps. Quant à réussir à rivaliser avec Sept histoires de souris ou Les Hauts de Hurlevent, c'est une autre histoire !
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