CHALLENGE ABC 2014/2015 (3/26)
Merci à Babelio et aux éditions "Le Livre de Poche" de me permettre en cet anniversaire centenaire du début du premier conflit mondial, à moi aussi, de ne pas oublier.
Ce roman qui n'a pas défrayé la chronique contrairement à d'autres qui étaient tous estampillés "guerre 14/18", m'apparaît comme sortant des sentiers battus. En effet, au départ, peut-être à cause du titre, de la photo de couverture ou du résumé, je l'ai vu comme une banale amourette contrariée par l'assassinat lointain d'un archiduc. Mon sentiment a rapidement évolué car il serait totalement réducteur de le résumer à cela.
Londres,1914, Riley Purefoy, 18 ans, n'étant pas du même milieu social que Nadine, son amie d'enfance, voit son histoire d'amour empêchée par la famille de celle-ci. Sur un coup de tête, il s'engage dans l'armée et part se battre en France. Sous le commandement du capitaine Peter Locke, il prend rapidement du grade, survit aux combats pendant 3 ans, mais blessé au visage, il est renvoyé dans un hôpital londonien. Fruit du hasard, il est soigné par Rose Locke, cousine célibataire de Peter, qui en devenant infirmière militaire, a enfin trouvé un sens à sa vie.
Parallèlement, on suit l'histoire de Julia, la femme du capitaine, qui n'ayant été éduquée que pour être une bonne épouse, ne sait pas trop quoi faire de son existence et qui tente, par tous les moyens, à maintenir sa jeunesse et sa beauté en l'état, dans l'attente du retour de son mari.
Résumé un peu succinct car l'auteure évoque tellement de sujets à travers ces quelques 400 pages. Déjà, elle confronte différents milieux sociaux et nous montre des personnages qui ont su évoluer de l'un à l'autre. Grâce à sa vaillance aux combats, Riley se hissera aux rangs des officiers et Rose n'hésitera pas à sortir de son milieu bourgeois pour se confronter à la misère psychologique des hôpitaux militaires.
Louisa Young nous conte ainsi une magnifique aventure humaine. Les combats où se retrouvent mêlés à l'horreur ces hommes de conditions diverses ne sont que brièvement décrits même si chaque fois, c''est de façon violente. Elle s'attarde surtout sur le ressenti, les émotions des soldats qui ne survivent que grâce à leur solidarité ; leurs réflexions personnelles sont d'ailleurs écrites en italiques, à la première personne et interrompent régulièrement le récit
Deux autres mondes vont alors coexister : ceux qui sont au front et ceux qui sont ailleurs et qui sont loin d'imaginer l'inimaginable (la censure veillant au grain). Et ces deux mondes vont devoir revivre ensemble. En effet, Riley et Peter, renvoyés en Angleterre, vont avoir à affronter une autre épreuve. le premier, faisant désormais partie de ceux que l'on a baptisé les "gueules cassées", acceptera-t-il son état ? Quant à Peter, éprouvé par la vision de tous ces hommes morts au combat, obligé de taire l'indicible, pourra-t-il reprendre sa petite vie bourgeoise auprès de Julia et de leur fils ?
"Nous sommes allés au-delà de l'humanité, au-delà de l'univers de la morale, là où la raison et le sol se dérobent sous vos pieds. Nous sommes allés dans une réalité parallèle. Il va falloir revenir."
La vision de l'hôpital spécialisé dans la chirurgie du visage est par moment insoutenable, l'auteure nous fait une transcription remarquable du travail de ces chirurgiens, avançant à tâtons pour tenter de redonner figure humaine à ces mutilés qui malheureusement serviront parfois de cobayes à la science.
Je ne peux qu'encourager les lecteurs à se pencher sur cette découverte littéraire qui loin d'être pessimiste est une belle leçon d'humanité. Dès que possible, je vais me procurer la suite qui s'intitule "
Ravages" et qui décrit le retour à la vie de ces hommes revenus du front. 17/20