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Critique de gerardmuller


Nouvelles orientales / Marguerite Yourcenar
Les dix nouvelles de ce recueil paru en 1938 se situe entre mythe, conte et fable ou encore légende, en tout cas au delà du réel. Elles expriment clairement la tentation de l'Orient ressentie par l'auteure, mise à part la dernière qui a pour cadre la Hollande.
Dans comment Wang-Fô fut sauvé, est retracée la vie de ce sage artiste peintre chinois accompagné de son fidèle serviteur Ling. Lors d'une rencontre avec l'Empereur « Dragon Céleste », lui est reproché dans ses peintures d'embellir la laideur du monde. Il est condamné mais auparavant doit peaufiner une peinture qui pour l'Empereur n'est pas aboutie. Par fines touches picturales, le sage se fait magicien en donnant vie à son tableau et naissance au réel à partir d'une image pour échapper à la cruauté du Dragon Céleste. Cette nouvelle s'inspire d'un apologue taoïste de la vieille Chine. le peintre aime l'image des choses et non les choses elles-mêmes.
En croisière en Méditerranée sur un paquebot, un Français raconte à ses deux amis la légende du héros serbe Marko. « le sourire de Marko » parle de trahison et de vengeance, et surtout du courage de Marko qui nouait des relations secrètes avec des pays infidèles. Il va résister à toutes les tortures jusqu'au moment où il trouve son maître…
En croisière en mer Adriatique, Jules Boutrin raconte à son compagnon de cabine Philip Mild une histoire, alors que le jeune français questionnait l'anglais en lui demandant s'il savait ce qu'est une bonne mère. Et celui-ci d'ajouter que ce n'est plus que dans les légendes des pays à demi barbares qu'on rencontre encore des créatures riches de lait et de larmes dont on serait fier d'être l'enfant. Et voici l'histoire légendaire : trois frères construisent une tour du côté de Raguse (aujourd'hui Dubrovnik en Croatie), laquelle s'effondre régulièrement. Les villageois leur expliquent que pour que la tour reste debout, une personne doit être sacrifiée et emmurée dans la construction. Ne voulant pas sacrifier une personne au hasard, ils décident que ce sera une de leurs épouses, celle qui apportera le repas du lendemain midi. L'aîné espère que ce sera sa femme, car il ne l'aime pas. le second a l'intention de prévenir sa femme pour qu'elle se cache. Seul le troisième garçon est soucieux car il ne veut pas trahir sa parole en prévenant son épouse. La suite montrera ce qu'est une vraie bonne mère. Une nouvelle qui nous laisse abasourdi tant la situation est injuste et dure et pourtant poétique de par le beau style de l'auteure.
Ces deux nouvelles précédentes s'inspirent de ballades balkaniques du Moyen-Âge.
« Lorsque Genghi le Resplendissant, le plus grand séducteur qui ait jamais étonné l'Asie, grand poète et calligraphe, eut atteint sa cinquantième année, il s'aperçut qu'il fallait commencer à mourir. » Genghi a perdu sa femme la princesse Violette jadis et sa troisième épouse l'avait trompé avec un jeune parent. Il distribua ses biens, pensionna ses serviteurs et partit finir ses jours dans un ermitage qu'il avait fait construire au flanc de la montagne. le sevrage est dur pour Genghi lui qui avait connu une vie orageuse en amour. Une de ses anciennes maitresses lui envoie des lettres en lui proposant de venir partager sa solitude. Genghi ne donne pas suite après seulement quelques visites nocturnes… Mais cette femme a plus d'un tour dans son sac et va user de multiples stratagèmes pour tenter de parvenir à ses fins d'autant plus facilement croit-elle que Genghi devient peu à peu aveugle. le thème de cette nouvelle est emprunté à un grand texte littéraire japonais du XIe siècle qui relate les aventures d'un Don Juan asiatique.
Dans une ile grecque, Panégyotis, le fils d'un des paysans les plus riches de l'île, rencontre les Néréides en cherchant un vétérinaire pour soigner ses moutons. Les Néréides, ces fées belles et nues, rafraichissantes sont très dangereuses car les regarder rend muet et idiot. Panégyotis se laissera-t-il séduire ? Une aventure qui peut mal finir.
Le moine Thérapion décide d'éliminer les nymphes Néréides qui ont pris l'habitude d'emmener les enfants danser au bord des précipices et les bloque dans une grotte où elles vont se transformer en hirondelles… Notre Dame des hirondelles est le nom d'une chapelle en Grèce et cette histoire fait partie de la mythologie grecque et en même temps chrétienne. le but du moine est d'éliminer les nymphes qui représentent le paganisme antique dans le domaine du mal, ce qui n'est pas le point de vue des paysans qui voient en elles des fées bienfaisantes…
Kostis est le nom d'un bandit de grands chemins. Des paysans parviennent à le capturer et l'égorgent. Aphrodissia a eu son mari, le pope du village, assassiné par Kostis et remercie les paysans pour cette vengeance. En vérité, Aphrodissia est veuve deux fois car Kostis était son amant à l'insu de tous. Et sur le bras de Kostis est tatoué le nom de sa maitresse. Aphrodissia doit donc récupérer le corps et le cacher afin d'éviter la lapidation…
Kâli allie la beauté à l'horreur et suscite le désir tout autant que l'effroi et va provoquer la colère des dieux…
Marko Kraliévitch est un homme juste et bienveillant en apparence, mais en réalité un infidèle à son peuple et l'affrontement avec un sage vieillard va le conduire au pire… Cette nouvelle n'a été ajoutée au recueil qu'en 1978 et vient d'une ballade serbe.
La dixième et dernière nouvelle de ce recueil évoque la vie d'un peintre qui peint sur commande. Cornelius Berg peint pour gagner sa vie, mais se faisant vieux, il n'a plus le coeur à l'ouvrage et ne trouve plus rien de beau à peindre… Cette dernière nouvelle vient comme un écho à la première, celle concernant Wang-Fô : alors Cornelius touche les objets qu'il ne peint plus…
Ce recueil forme un édifice à part dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar, le réel s'y faisant changeant et le rêve et le mythe apparaissant comme un nouveau langage, le tout dans un style dépouillé, concis mais toujours flamboyant.





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