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Critique de Dokusho


J'ai lu le clou, un roman de Zhang Yueran traduit du chinois par Dominique Magny-Roux (Éditions Zulma 2019). C'est un grand roman d'une jeune auteure, et c'est même bien plus que ça : on peut le mettre sans hésiter dans les très grands romans (*). C'est un immense roman d'amour dans lequel il y a peu d'amour, ou peut-être y en a-t-il vraiment et énormément. C'est un prodigieux roman sur la vie quotidienne et la vie intérieure d'une dizaine de personnes dans la Chine des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, un roman qui montre à quel point le quoditien est à la fois simple et profond, un roman très bien écrit, très bien traduit dans une langue française d'une grande beauté. C'est aussi un roman terrible sur les malentendus dans la vie. C'est un roman facile à lire par sa construction : tout à tour elle (Li Jiaqi) et lui (Cheng Gong) s'écrivent pour rassembler en une fois tout se qui se rapporte à un secret qui tout à la fois les rassemble et les sépare. Ce secret se rapporte à un clou qui donne le titre du livre en français. le titre en chinois est "le cocon", pour dire qu'à cause de ce secret chacun des deux vit "dans son cocon", dans un brouillard qui sépare chacun de l'autre et empêche chacun de bien voir le monde extérieur.
C'est parfois un roman poignant sur la difficulté d'être heureux quand on vit ensemble, et c'est presque un roman sur la destinée quand on voit comme une vie peut être presque ingérable à cause d'événements qu'on ne connait même pas et qui sont enfouis dans le passé de personnes qui nous sont proches (sur ce plan le roman ressemble un peu à deux romans de Philippe Djan, Assassins et Sotos).
C'est un roman étonnant : il décrit beaucoup de la vie de plusieurs familles sur une période de cinquante ans, mais ce n'est pas une saga : on voit assez peu de la couleur locale, on trouve plus la vie des hommes et des femmes, la richesse de leurs mondes personnels, les relations de famille et les liens que tout adulte conserve avec son enfance. Est-ce que l'auteure nous permet de comprendre toute cette richesse humaine, ou est-ce qu'elle nous en montre seulement une des interprétations possibles ? En tout cas, elle nous fait vivre une expérience prenante. C'est aussi un roman troublant car c'est un peu l'histoire même de l'auteure, à quel degré on ne sait pas et sans doute l'auteure ne le sait pas non plus.
Il aurait été bien qu'on aie les noms des villes et des régions de Chine sur une carte. le roman est un peu difficile à lire à cause des noms chinois : l'éditeur aurait pu nous dire que le père et le grand-père de Li Jiaqi sont Li Muyuan et Li Jisheng (on prononce comme on peut ; les chinois prononcent Li Djiatchi, Li Meu-yeu-anne, et Li Dji-cheng, en Chine on met d'abord le nom de famille puis le prénom).
C'est un gros roman, mais il se lit comme on écoute une musique agréable : on se retrouve sans y penser au bout des plus de cinq cent pages. L'éditeur pourrait sans doute couper le roman en deux : presque au milieu du roman on a une clé de l'histoire, et on est impatient de connaître la suite..
(*) le roman de Zhang Yueran se compare aux plus grands : comme roman sur le caractère immense du quotidien et des états intérieurs de chaque homme ou femme, je le rapproche de L'affaire Mauritzius de Jacob Wasserman et du roman le musée de l'innocence d'Orhan Pamuk. Pour ceux qui ont apprécié Proust c'est une plongée dans la vie des gens vue de l'intérieur aussi passionnante que du côté de chez Swann. Pour ceux qui n'ont jamais accroché avec Proust, c'est du Proust lisible : avec un langage simple et limpide, l'auteure nous montre ce qu'est la vie.
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