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Naître, grandir, aller à l'université, trouver un emploi et se marier avant trente ans, sans commettre le moindre faux pas, en préservant sa virginité et sans se compromettre avec une amie qui aurait fauté…A Amman, les femmes doivent se conformer à ce schéma pour faire la fierté de leur famille et s'intégrer dans un monde qui leur impose règles, traditions et tabous dictés par la religion et le patriarcat. Coincées entre un légitime désir d'émancipation et leur devoir envers leurs parents, les femmes ont peu de place pour s'épanouir en dehors du mariage et de la maternité.
En contrepartie, les hommes doivent, eux aussi, tenir leur rôle : afficher une virilité flamboyante, régenter la vie de leurs filles, leurs soeurs, leur femme, laver le déshonneur, par le sang s'il le faut. Au-delà de cela, ils peuvent contourner les règles sans risquer d'être persécutés, mis au ban de la société ou tués. Mais il y a pour eux aussi une limite à ne pas franchir : un homme aime les femmes et ne saurait être gay sans encourir la vengeance des hommes et de Dieu.
Ils sont cinq, quatre femmes et un homme, à voir leurs espoirs déçus, leur personnalité profonde reniée, à tenter de faire bouger les lignes dans une capitale jordanienne figée dans ses traditions ancestrales.

Dans ce roman choral où se croisent les destins de cinq jeunes jordaniens, Fadi Zaghmout fait un condensé de tous les problèmes rencontrés par les femmes et les homosexuels dans son pays. Rana, Hayat et Leila sont trois jeunes diplômées qui prennent conscience que leurs études universitaires ne sont rien qu'une case cochée dans la longue liste des attributs qui font une bonne épouse.
Un diplôme ne vaut rien quand, comme Hayat, on subit les assauts d'un père incestueux.
Un diplôme ne vaut rien quand, comme Rana, on aime un homme d'une autre confession.
Un diplôme ne vaut rien quand, comme Leila, on est harcelée par un supérieur qui veut exercer son droit de cuissage. Deux choix s'offre à elle : soit porter le voile, soit trouver rapidement un mari.
Et ce mari c'est Ali…amoureux d'un homme mais bien conscient que pour être accepté il lui faut une femme et des enfants. Il a essayé la thérapie, il a enrichi un escroc, il a cru pouvoir guérir. Difficile pour lui de s'accepter, impossible de s'affirmer. Leila lui offre une solution facile. Il s'est promis de renoncer à l'amour pour se consacrer à sa famille mais son couple n'est qu'un leurre.
Le cinquième personnage, c'est Salma, la soeur aînée de Leila qui voit sa cadette se marier avant elle, qui tient un blog dans lequel elle raconte sa tristesse, sa honte, la pression familiale, les commentaires malveillants, son désespoir d'être célibataire à trente ans. Bien qu'épanouie dans sa vie professionnelle, elle ne pourra jamais quitter le domicile paternel sans un époux à son bras. Et plutôt que de rester vieille fille, elle sera l'épouse d'Amman qui donne son titre au livre. Terribles épousailles entre une femme désespérée et une ville qui l'a trahie…
Fadi Zaghmout nous propose un livre formidable au ton frais et léger malgré les sujets qu'il aborde. Nos yeux d'occidentaux pourraient juger les différentes situations à l'aune de la seule religion mais l'Islam n'est pas le seul coupable (d'ailleurs Rana est catholique). Ce sont le patriarcat et les traditions archaïques qui partout dans le monde briment la liberté des femmes, de façon appuyée ou insidieuse. le chemin est encore long pour des femmes comme Leila, Salma ou Rana, tout comme pour Sabine, Lola, Reiko, Hua, Lin, Ji-young, Emilie, Shiori, Rachida, etc. etc. et pour tous les hommes qui, comme Ali, doivent affronter une société hypocrite qui ne se contente pas de condamner l'homosexualité mais vont jusqu'à nier son existence.

Un grand merci aux éditions de l'Asiathèque et à Pascaline Siméon pour cette découverte d'un auteur jordanien engagé.
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Je les aime ces frères et soeurs du lointain, assujettis, fond de cale du malheur, à califourchon sur des destinées courbaturées ; je les célèbre lorsqu'à la barbarie insonorisée ils s'orchestrent résistance polyphonique...

L'enfant perle parle seul, il énumère ses émotions, grave sur sa peau la blessure de son âme...
Et glisse la larme là où la lame glisse un sourire sur une veine carcérale ; d'une peau parchemin se forment deux rives et s'écoulent d'écarlates effluves sur la ville haineuse, sur les pères fétides qui apostasient la candide fraîcheur, sur les mères receleuses de désastres... que coule le premier sang de l'inceste ou celui de l'Epousée, caution d'union consommée, de virilité consacrée, d'impossibilité de survivre jusqu'au lendemain...

Et voici le prodige, cet auteur, un homme, Jordanien, prête sa plume à un singulier oiseau blessé : l'espérance désenchantée.

(Merci à Sandrine57 dont la délicate chronique m'a fait découvrir ce livre)

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En 2012, le Jordanien Fadi Zaghmout publie une petite bombe qui deviendra vite un best-seller dans son pays d'origine : L'Épouse d'Amman. Traduit en anglais en 2015, c'est seulement aujourd'hui qu'il nous arrive en langue française grâce aux excellentes éditions L'Asiathèque. Derrière ce titre évocateur se cache un roman choral où Fadi Zaghmout explore la question féminine, la tradition, la religion et la question LGBT en Jordanie (et dans le monde arabo-musulman en général).
Bienvenue à Amman, capitale de la Jordanie…

Ouvrir la voix
C'est avec cinq personnes que nous ferons ce voyage en terres étrangères.
D'abord, il y a Leila, une jeune femme qui vient de boucler avec succès quatre longues années d'étude. On pourrait croire Leila au comble du bonheur mais…ce n'est pas le cas. Pour sa famille, le plus dur reste à faire : trouver un mari, LE signe incontestable de réussite sociale.
Ensuite, voici Salma, la grande soeur de Leila qui, du haut de sa trentaine, incarne la vieille fille de la famille. Un échec. Une honte. Surtout que Salma refuse tous les maris qu'on lui présente et que, dans le plus grand secret, elle tient l'un des blogs les plus lus du pays : la vieille fille jordanienne.
Puis voilà Hayat, virée de l'atelier où elle travaille car elle fréquenterait un homme marié. Pas de « filles faciles » ici ! Et Hayat a peur en rentrant chez elle, très peur. Elle sait que son père sera très mécontent de son renvoi…son père qui, parfois, est beaucoup trop proche d'elle.
Passons à Rana, quatrième et dernière jeune femme de cette histoire, seule chrétienne du lot et qui tombe folle amoureuse d'un étudiant de vingt ans, Jantay. Mais comment vivre avec un musulman quand on est chrétienne ? Comment conserver l'honneur de la famille quand on aime la « mauvaise personne » ?
Enfin, il reste Ali, un client irakien de la banque où Leila est amenée à travailler après ses études. Un client qui va lui offrir le fabuleux sésame attendu par toute la famille : le mariage. Sauf qu'en secret, Ali en aime un autre mais que ce genre de pensées est haram en Jordanie, surtout lorsque l'on est un bon musulman.
Autour de ces cinq personnages, Fadi Zaghmout construit un roman choral où les voix intérieures s'entrecroisent et se rejoignent, un roman choral à la fois blog, journal intime et laboratoire d'émotions.
En s'attaquant de front aux traditions de la société Jordanienne par le versant privé, l'auteur ouvre la porte à une réflexion large sur la place de la femme dans un monde rudement patriarcal et fondamentalement excluant.

La femme avant l'épouse
Avec concision et sans faux-semblants, Fadi Zaghmout donne la voix à des personnes qui n'ont pas l'habitude de s'exprimer dans la société Jordanienne. C'est l'occasion de comprendre l'étendue du malheur et des privations endurées par les femmes jordaniennes. Dans cette société hautement patriarcale, la femme n'est pas fiable, c'est l'homme qui doit veiller sur elle et sur l'honneur familial qu'elle représente. À la fois objet de désir et enjeu social, la femme devient davantage un trophée qu'une personne.
Le mariage n'est pas qu'une simple étape de la vie mais un but, un but qui doit être atteint rapidement, sous peine de se voir coller l'étiquette honteuse de vieille fille, et qui doit se faire dans les règles de l'art avec l'accord des familles respectives et une attention toute particulière à la fois à la tradition et à la religion. Car plus que le monde musulman (et le monde chrétien avec Rana), c'est celui de la tradition dont nous parle Fadi Zaghmout. Une tradition étouffante qui consacre la femme en tant mère et épouse…et rien d'autre.
La force du roman réside certainement là, dans sa capacité à analyser dans détourner les yeux, dans sa capacité à dire les choses et à les dépouiller des jugements hâtifs. Mettre un hijab n'est pas forcément un signe de ferveur religieuse, le cousin n'est pas toujours le protecteur que l'on croit, l'entretien des injustices n'est pas uniquement le fait des hommes mais aussi des femmes qui finissent par perpétuer un système qui les a pourtant broyé.
Dans la droite lignée de long-métrages aussi réussis que Wadjda, Je Danserai si je veux ou Mustang, L'Épouse d'Amman dit la souffrance cachée, la liberté mise en cage, les rêves impitoyablement brisées.

Aimer librement
La plus grande audace de l'ouvrage vient cependant du « seul » personnage masculin du roman : Ali. Cette fois, Fadi Zaghmout s'attaque à un tabou dans le monde arabo-musulman, celui de l'homosexualité masculine.
Dans le récit d'Ali, on assiste à la souffrance d'un homme qui doit composer entre ce que lui dit son coeur, ce que veut son corps, ce que lui dicte sa famille, ce que lui intime sa religion…et ce que ne veut pas voir la société.
Ali ne sait plus ce qu'il est. Doit-il se faire soigner ? Doit-il accepter ce qu'il est ? Pour survivre, il doit cacher sa nature et sa sexualité, au risque de blesser gravement certaines personnes qui, elles, n'ont rien demandé. C'est la misère de ceux qui sont considérés comme haram, volontiers arrêtés et torturés, rangés parmi les adaptes de Satan. L'authenticité du récit d'Ali frappe à la fois par sa violence (l'histoire de Tamir est parfaitement horrifiante) et par l'absolue détresse qui s'en dégage.
Pour autant, Fadi Zaghmout refuse de voir tout en noir. Avec force et détermination, il dresse finalement le parcours de cinq personnes qui vont changer les choses, chacune à leur manière. Car pour le Jordanien, l'espoir existe, il réside dans la prise de conscience, la parole offerte et l'humanité retrouvée devant l'autre. Même devant l'horreur, de l'inceste au suicide, L'Épouse d'Amman refuse d'abandonner, car la Jordanie est une belle terre, une terre qui demande à grandir et à changer comme le reste du monde arabo-musulman.
Jusqu'au bout, on y croit avec Leila, Rana, Hayat, Salma et Ali. Et on continuera d'y croire bien après le livre refermé.

Premier roman indispensable, portraits de femmes qui explosent les cases assignées par la tradition, vibrant appel à la tolérance et plaidoyer pour un changement des mentalités en terres arabo-musulmanes, L'Épouse d'Amman émeut, secoue et ouvre le champ des possibles. Fadi Zaghmout offre un livre essentiel que chacun devrait lire pour comprendre l'autre.
Lien : https://justaword.fr/l%C3%A9..
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Ils sont cinq, quatre jeunes femmes et un jeune homme à prendre la parole. Hayat, Rana, Salma, Leila et Ali sont à l'âge de tous les possibles.

Ils nous racontent leurs attentes, leurs désirs et leurs espoirs dans un pays où justement très peu de choses sont possibles. Une société patriarcale dans laquelle la religion et l'honneur dictent la vie de chacun.

Et pourtant Hayat, Rana, Salma, Leila et Samir vont se parler, s'aimer, se battre et essayer de choisir leurs destins.

Autant de chapitres, autant de témoignages, comme le journal intime, la confession de jeune gens à la force de vie indestructible…ou pas.

Pour bien s'imprégner de l'univers du livre, il faut imaginer, « Friends », « Sexe and the City » et « Les chroniques de San Francisco » à Amann en Jordanie, une théocratie au régime autoritaire.

« L'épouse d'Amann », écrit en 2012, sera un des premiers romans en langue arabe à parler du mouvement LGBT, mais c'est aussi et surtout un formidable témoignage du courage d'une jeunesse qui prend le risque fou de vouloir vivre libre.
Le regard de Fadi Zaghmout est tendre, son écriture fluide et crue rend ses héros attachants et proche de nous, leur combat, leur courage et leur détermination nous émeuvent.

Un beau roman fort et courageux.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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J'ai beaucoup aimé ce roman choral, où on suit 5 personnages (4 femmes et 1 homme) dans les méandres de leurs pensées. On a un peu l'impression de lire des nouvelles entrecroisées car en quelques lignes et quelques pages, l'auteur arrive très bien à rendre l'intensité des émotions, et les murs contre lesquels les personnages se heurtent.

L'auteur est spécialisé dans la question de genre dans le monde arabe et son livre est centré sur les problématiques de condition de la femme dans la société traditionnelle et patriarcale jordanienne. On y découvre des jeunes femmes qui s'insurgent contre cet état de fait mais n'ont que peu d'échappatoire.

On peut lire des interrogations sur le fonctionnement de la société jordanienne tout du long : Pourquoi les hommes confient-ils leur honneur aux femmes de la famille et considèrent-ils dans le même temps qu'elles ne sont jamais suffisamment adultes pour le préserver ? Pourquoi la femme est-elle responsable du désir qu'elle fait naître chez les hommes ? Pourquoi les hommes n'ont-ils plus honte de demander aux femmes de subvenir aux besoins financiers de la famille mais considèrent-ils encore comme un déshonneur de les aider dans la tenue du foyer?

J'ai été touchée par le désespoir de Salma, la “vieille fille jordanienne” et la résilience des autres personnages, qui nous offrent de beaux parcours de vie et de compassion, je pense en particulier à Leila et à son cheminement pour changer de point de vue. Je ne suis pas jordanienne mais je pense que ce livre doit apporter du grain à moudre à ses lecteurs en présentant des parcours de femmes heureuses, en dehors des diktats de la société.

L'auteur présente aussi un personnage homosexuel pour s'insurger contre la représentation des homosexuels dans la société jordanienne et les idées préconçues qu'ils doivent affronter. J'ai beaucoup aimé affronter les épreuves avec Ali et j'aurais aimé avoir une autre voix masculine dans les personnages représentés, pour connaître aussi le point de vue du “genre dominant” sur la rigidité sociale.

En conclusion, j'ai beaucoup aimé ce livre qui aborde des sujets sensibles avec beaucoup d'intelligence et de compassion.
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Wow quelle claque ! L'écriture est moderne, et les sujets traités également. J'ai adoré ce mélange des problématiques sociétales des pays orientaux; le poids du mariage sur les gens, surtout les femmes, les tabous LGBT, la place de la femme.....Tout ceci traité dans un magnifique récit choral, incroyablement féministe. J'ai tout aimé : les personnages, leurs voix, leurs histoires, le traitement des sujets. Je l'ai dévoré, et vraiment je le recommande.
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Misogynie, religion et tradition.
5 destins dans la Jordanie contemporaine, 4 femmes et 1 homme écrasés par le poids de la tradition et de la religion.
Ce roman polyphonique s'ouvre avec Leila qui vient d'obtenir son diplôme après 4 années d'études et qui pour seules félicitations de la part de sa mère s'entend dire "Prochaine étape, le mariage !". le plus triste c'est qu'une fois qu'elle trouvera un mari, elle dira elle-même "J'aurai bientôt le meilleur diplôme qu'une femme puisse espérer: un certificat de mariage".
Leila a une soeur, Salma, non mariée à 30 ans et qui démène dans une société qui ne veut pas d'elle à cause de ça. Elle est blogueuse (cachée) de la Vieille fille jordanienne et son désir profond est de devenir mère.
Hayat et Rana sont deux amies de l'université de Leila. La première à une affaire avec un homme marié et la seconde tombe amoureuse d'un musulman alors qu'elle est chrétienne.
Enfin, il y a Ali, homosexuel dans une relation bien évidemment cachée avec l'homme qu'il aime mais qui se croira dans l'obligation de se marier.
On suit donc ces 5 vies qui se croisent, se joignent et se séparent dans une société jordanienne intolérante et qui jamais ne se pose la question de savoir si ce qu'ils croient est bon ou non. le "c'est comme ça" est roi et c'est effrayant. J'aurais d'ailleurs aimé un personnage totalement en accord avec ces traditions pour essayer d'en comprendre le fonctionnement. Car oui, les 5 narrateurs sont à des niveaux divers, des rebelles --malgré eux ou non-- à ce système.
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Présenté comme "l'un des premiers romans à parler ouvertement des questions de genre dans le monde arabe", "L'Épouse d'Amman" témoigne d'une réalité brutale et affligeante.

À Amman, en Jordanie, nous suivons cinq personnes au destin contrarié par les valeurs de traditions parfois obsolètes et les codes de la société. Leila, sa soeur Salma, Hayat, Rana et Ali sont tous d'une même génération, une génération qui subit le poids d'idées fixes et du manque d'ouverture d'esprit d'une partie de la population.

Pression du mariage pour des hommes et des femmes qui voudraient pourtant s'accomplir autrement, viols incestueux, harcèlement, supériorité des hommes sur les femmes, homophobie, incompréhension totale... le propos de Fadi Zaghmout, écrivain engagé, est fort et parfois aussi dur que les scènes qu'il décrit. Si une certaine humilité de parole semble l'assaillir par moments (la plume si sensible et calme de l'auteur opère alors un véritable contraste avec ce qu'il dénonce), on ne peut que refermer ce roman en l'ayant trouvé trop court. En partie dû au manque de développement de certains passages, mais avant tout parce qu'il y a malheureusement tant à dire sur les sujets abordés, et tant de profils qui auraient tout autant mérités leur place parmi ces pages; comme ces personnages secondaires qui m'ont tout autant marqué que les principaux.

Peur du regard des autres, peur du rejet, peur de ses propres sentiments... Peur de mourir, d'être tué pour avoir été différent; voilà qui ne devrait plus exister de nos jours. Et pourtant ce récit se déroule au XXI siècle. Tranches de vie cruelles et vérité pourtant implacable, ce récit interpelle, éclaire et nous rappelle qu'il est plus que temps que les choses changent.
Lien : https://letoucherdespages.bl..
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Ce roman choral nous emmène à Amman en Jordanie. Au fil des chapitres on entend à tour de rôle les voix de Leila, Salma, Hayat, Rana, Ali.
Ces jeunes femmes nous racontent que leur but, imposé par la société, est de se marier, car une femme toujours célibataire à trente ans n'a plus aucune chance de convoler car trop vieille, donc adieu l'espoir d'avoir des enfants. de mère en fille les femmes perpétuent cette iniquité en faisant les entremetteuses. Car pour une fille sans mari, c'est sur la mère que rejaillit la honte. Mais pour trouver un mari, elles doivent posséder un diplôme qui leur permettra d'avoir un travail et donc un salaire, elles doivent être jeunes, jolies, gentilles, bonne ménagères, bonne cuisinière. Des robots ménagers en quelque sorte, mais avec le sourire.
Et les hommes ??? Bah, ils ont juste besoin d'avoir un travail… Et alors qu'ils n'ont qu'une seule casquette, ils seront les chefs absolus au sein de leur foyer. Ah ! le patriarcat !
Et Ali, lui, a un secret. Un secret bien lourd, une sacrée casserole pour cette culture. Une douleur qu'il traîne dans les tréfonds de son être.

On fait une incursion dans ce monde violent et révoltant où les femmes ne sont rien, complètement soumises à l'autorité des hommes, qui souvent en usent et en abusent. Ces hommes qui parlent beaucoup d'honneur quand il s'agit des femmes mais passent leur temps à le bafouer quand c'est pour eux-mêmes.

Leila pense avoir enfin trouvé le bonheur. Ali espère la rédemption. Hayat est dans la survie. Rana aime en dehors de sa religion. Salma n'attend plus rien, quoi que… Peut-on jamais jurer de rien ? Ces choses insignifiantes chez nous sont insurmontables dans certains pays. Et si la transgression était la voix vers l'émancipation !
L'auteur donne la parole à celles et ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Il dénonce les abus du patriarcat, de la masculinité toxique, de la virilité abusive.
C'est scandaleux révoltant, terrifiant, mais au fond, il n'y a pas si longtemps c'était à peu de chose près la même chose en occident. J'ai trouvé très intéressante cette exploration des pensées existentielles des différents protagonistes, en proie à un mal-être induit par cette société intolérante de mâles dominants.

Maternité, homosexualité, harcèlement, adultère, inceste, émancipation, religion, amour, transidentité, discrimination, crime d'honneur, loyauté, féminisme, amitié, Sororité, tels sont les thèmes abordés dans ce roman qu'on ne peut pas, qu'on ne veut pas lâcher, suspendu à l'appréhension de ce qui pourrait arriver, de ce qui risque de se produire.

C'est un roman puissant qui décrit extrêmement bien le chemin chaotique qu'est la vie, et dont la tension va crescendo jusqu'à la fin, tant on ne peut qu'être en empathie avec les personnages.
Énorme coup de coeur pour moi.
Lien : https://mechantdobby.over-bl..
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Je vous emmène en Jordanie, à Amman, faire la connaissance de Leila, fraîchement diplômée de l'université, de sa soeur aînée Salma, qui, trentenaire, vit toujours chez ses parents, de ses amies : l'une, Hayat, tout juste renvoyée de son emploi parce qu'elle est une « fille facile » et l'autre, Rana, chrétienne, tombée amoureuse d'un musulman. Et enfin d'Ali, client de la banque dans laquelle Leila vient de trouver un emploi, et dont elle tombe amoureuse.

Sans en dévoiler plus par rapport à l'histoire, sachez qu'elle évoque la position de la femme en Jordanie, mais aussi l'homosexualité, et, que ce soit pour l'un ou l'autre de ces deux thèmes abordés, Fadi Zaghmout a vraiment le mérite d'avoir osé écrire ce roman. Dans ce pays traditionnaliste, lorsqu'il est paru en 2012, cet ouvrage a eu à la fois un grand succès et a été fort décrié, dans la mesure où il met des mots sur des réalités complètement niées, et sur les conséquences douloureuses, voire désastreuses, du poids de la tradition et des codes d'honneur.

En Jordanie, comme dans les pays environnants, il est certain que ce roman a dû avoir un impact multiple. Il a le mérite de forcer une réflexion, même s'il est vraisemblable que les changements de mentalité ne se feront que progressivement. Cependant, à cette époque où l'extrême droite et sa vision traditionnaliste des genres et de la famille n'arrête pas de progresser dans les sondages et dans les votes, ce genre de roman est nécessaire pour nous rappeler que nous pourrions basculer très facilement dans cette réalité difficile décrite par Fadi Zaghmout.

Je suis rentrée dans cette histoire en trouvant que les personnages évoqués étaient trop décrits en surface, mais l'auteur a réussi, en moins de deux cent pages, à dépeindre cinq tableaux complets, cinq réalités touchantes de jeunes femmes et d'hommes qui veulent juste vivre comme ils sont. Et finalement, à la fin de ma lecture, je n'ai pas ressenti de manque (cela n'aurait absolument pas été un problème pour moi que les histoires soient encore développées pendant cent ou deux cent pages supplémentaires), et j'ai trouvé au contraire qu'il avait su faire passer beaucoup d'idées en peu de pages.

En résumé, un roman militant, qui vient nous rappeler qu'il reste difficile d'être une femme, à certains endroits plus qu'ailleurs, et que même là où nous vivons, rien n'est acquis et nous pourrions facilement subir un retour en arrière…
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