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Critique de bobfutur


Nous Autres ( L'imaginaire Gallimard - Traduction : Benjamin Cauvet-Duhamel )

L'Autre grand dystopie du vingtième siècle, vous l'aurez déjà compris si le sujet vous intéresse ; je ne m'étendrai donc pas là-dessus, sur son dialogue avec « 1984 » d'Orwell, sauf à encore parler de traductions, le sujet s'imposant de lui-même, et les réponses à apporter diffèrent.

Avant cela, mentionnons simplement que c'est un immense chef-d'oeuvre, à la transparence de brise-glace, absolument indémodable ( à part la courte scène dans l'espace intersidéral, terra incognita au moment de sa rédaction… ).

Contrairement à « 1984 », ce texte a bien été traité et considéré par la bande à Gallimard ; preuve en est : une édition dans la mythique et bien fournie collection « L'Imaginaire », contre un simple poche Folio pour son illustre neveu anglais… en plus de tout les éléments mentionnés dans mon billet sur le livre d'Orwell… vous les retrouverez chez quelques critiques bien intentionnées, comme par exemple :
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/02/24/1984-orwell-traducteurs/
… achevant j'espère de vous convaincre qu'il faut (re)lire « 1984 » dans sa traduction de Célia Izoard

Pour « Nous Autres », je serais nettement plus circonspect ; ayant comparé les trois premiers chapitres avec cette nouvelle version, le résultat est assez troublant : chaque phrase est complètement différente d'une mouture à l'autre, sans que l'impression générale penche d'un côté ou de l'autre ; comme si la nouvelle traduction tentait scrupuleusement de se différencier, sans réellement y parvenir, tels deux jumeaux endurant leur crise d'adolescence ; on ne saurait facilement dire laquelle on préfère, enjoignant le futur lecteur à lire celle qu'il trouvera le plus facilement… tout en insistant sur le droit d'ainesse… cabotinage ringard supposant le faible intérêt, autre que commercial, à cette nouvelle version chez Actes Sud

Et pourtant, l'affaire était bien ficelée… faut dire, on a affaire à des experts…
Pour le cas Markowicz, mon opinion n'est pas complètement formée : Actes Sud lui a commandé de nouvelles traductions d'une large partie des classiques russes du 19ème, apparemment pas toujours justifiées selon certains slavologues, leur trouvant un côté parfois « forcé ».
De ce que je peux en juger, son nouveau « Le Maitre et Marguerite » (aux éditons Inculte) est superbe, alors que sa version d'Eugène Oniéguine — comparée à celle de Roger Legras pour L'Âge d'Homme ou de Nata Minor au Seuil — semble superflue.
Pour Dostoïevski, il semble que cela soit plus compliqué de trancher, même si ses oeuvres dîtes « mineures » ont largement bénéficié de ce nouveau coup de lumière.

Pour « Nous Autres », le titre devient « Nous », fidèle à l'original, soit !
Mais ce serait oublier qu'une traduction ne se juge pas à sa littéralité…
Cette expression, oxymorique bien qu'usuelle, se propose en deux mots de réfléchir sur l'altérité face au soi, l'individu transformé à l'intérieur du groupe… nous autres… plus j'y pense et plus ça me plait… cela colle en tout cas merveilleusement bien avec ce livre…

Contrairement à ce que le service de presse a dû relayer, mélange de communication(*) et d'imprécision sciemment organisées, la première traduction n'est pas issue de la version anglaise, mais bien directement du russe ; la préface de la nouvelle traductrice Hélène Henry se charge heureusement de préciser que la toute première adaptation en langue étrangère du texte (1924) n'aurait servi qu'à valider sa traduction française de 1929.
L'article de Télérama intitulé « Trois raisons de (re)lire… “Nous”, de Zamiatine » prétend pourtant le contraire :
« pour la première fois, le texte, dont l'aventure éditoriale fut pour le moins troublée, est traduit à partir de sa version originale russe, et non à partir de sa traduction anglaise. On oublie trop que beaucoup d'écrivains étrangers nous sont encore connus à travers un double filtre, (…etc… blablabla…. achète) »
On prendra donc un malin plaisir à tirer sur l'ambulance, vu que les deux autres raisons avancées ne justifient en rien l'achat de cette nouveauté…

Pour en être complètement sûr, il me faudrait lire en entier ce « Nous », qu'une copie d'un service de com' (*) me passe entre les mains…
Et puis, les couvertures de livres de science-fiction, quand elles se contentent d'être abstraites, sont nettement plus jolies et évocatrices : ici le « Nous Autres » devenant Muraille Verte simplement par un jeu de lettrage, plutôt qu'une illustration qui toujours vieillira mal… : il n'y a qu'à se souvenir des fameuses dorées et argentées de la collection « Ailleurs & Demain » chez Robert Laffont, qui dans les années nonante se sont muées en ignobles posters, dignes de chambres d'ado mal-aérées.


(*) communication : savante construction de malhonnêteté tarifée ou « La Parole du Bienfaiteur »
...
P.S : En y repensant ce matin, je me disais que cette nouvelle version permettait au moins de mettre en lumière un texte injustement méconnu, démontrant bien le problème de notre système, obligé d'avoir quelque chose à vendre pour que la machine COMM se mette en route...
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