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Citations sur Le cycle des princes d'ambre - Intégrale, tome 2 (20)

Je vis se matérialiser la silhouette d'une Licorne qui, tel le tigre de Blake, rayonnait puissamment. Si puissamment que je dus détourner les yeux.
Je les portai sur la noirceur froide et profonde, mais n'y trouvai pas non plus le repos. Quelque chose se déplaça au sein des ténèbres et j'entendis un autre son - comparable au crissement d'un énorme bloc de métal traîné sur de la roche. Il s'ensuivit un sifflement qui m'assourdit. Le sol trembla encore. Des lignes tortueuses ondoyèrent dans ma direction. L'image de la Licorne n'avait pas achevé de se graver dans la Lumière que je pris conscience d'avoir en face de moi la tête d'un serpent cyclopéen dont la moitié antérieur avait rampé dans la chapelle. Je fixai alors un point situé entre les deux visiteurs, que je surveillai à la périphérie de mon champ de vision. La licorne de l'Ordre et le Serpent du Chaos m'empalaient du regard. L'effet produit était si désagréable que je m'empressai de battre en retraite, jusqu'à l'autel, contre lequel je m'adossai.
Ils avancèrent dans la chapelle. La Licorne baissait la tête, pointant son rostre vers moi. Le serpent dardait sa langue fourchue dans ma direction.
" Heu... si vous souhaitez récupérer les armures et le reste, je n'y vois aucune objection..."
Le Serpent siffla. La Licorne leva un sabot et en frappa le sol, qui se fissura. La ligne de fracture courut vers moi tel un éclair de noirceur pour s'interrompre juste à mes pieds.
" Je tiens à préciser qu'il n'était pas dans mes intentions d'insulter Vos Éminences " jugeai-je utile d'ajouter.
[i]Nouvelle erreur[/i], commenta Frakir d'une voix faible.
[i]Alors, souffle-moi mes répliques[/i], lui rétorquai-je dans le cadre de cet aparté mental.
[i]Je ne.... Oh![/i]
La Licorne se cabra, le Serpent se dressa. Je me laissai choir à genoux et détournai la tête, car la brûlure de leurs regards se changeait en souffrance physique. Je tremblais, et tous mes muscles me torturaient.
[i]Il t'est conseillé de jouer le jeu en fonction des règles établies[/i] récita Frakir.
J'ignore quel métal pénétra ma colonne vertébrale. Toujours est-il que je me redressai et me tournai vers le Serpent puis la Licorne. Mes yeux étaient aussi larmoyants et brûlants que si j'avais essayé de fixer le soleil, mais je parvins à les regarder.
" Vous pouvez me forcer à jouer, mais pas à faire un choix. Ma volonté m'appartient.Je garderai ces armures toute la nuit, comme on l'exige de moi, mais au matin je les laisserai en ce lieu parce que j'ai décidé de ne pas m'en revêtir. "
[i]Sans protection, ta vie ne tiendra qu'à un fil[/i], me déclara Frakir, comme si elle faisait office d'interprète.
Je haussai les épaules.
" Si c'est à moi d'en décider, je vous place sur un pied d'égalité. "
Un souffle de vent à la fois brûlant et glacé me frôla, tel un soupir cosmique.
[i]Tu te prononceras, que ce soit de façon consciente ou pas. Comme tout le monde. On te demande simplement de prendre officiellement position.[/i]
" Qu'est-ce que mon cas a de particulier ? "
Encore ce vent.
[i]Tu as reçu deux héritages, et des pouvoirs hors du commun.[/i]
" Je n'ai voulu aucun de vous deux pour ennemi. "
[i]Ce n'est pas une raison suffisante.[/i]
" Alors, détruisez-moi. "
[i]La partie a déjà commencé.[/i]
" En ce cas, finissons-en. "
[i]Sache que ton attitude nous déplaît.[/i]
" C'est réciproque ", répondit-je.
La foudre s'abattit et me laissa inconscient.
J'avais cru pouvoir répondre avec franchise pour la simple raison que les individus susceptibles de participer à ce jeu ne devaient pas courir les rues.
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Puis, à l'instant où elle atteignait l'escalier, le Signe du Logrus apparut devant elle. Je l'avais fréquemment évoqué au cours de mon existence, mais jamais il n'avait eu des dimensions pareilles. Il emplissait le corridor d'une paroi à l'autre, houleux, envahissant, embrasé, tentaculaire, enveloppé d'une vapeur rougeâtre de sinistre présage. Il lui fallait de l'audace pour oser se manifester ainsi en Ambre, sur le territoire de la Marelle, et il était facile d'en déduire que l'enjeu était très important.
" Reçois-moi, ô Logrus ! cria-t-elle. Car je t'apporte l'Œil du Serpent." Et le Signe s'ouvrit. Un tunnel incandescent apparut en son centre. J'aurais parié que son autre extrémité ne débouchait pas simplement un peu plus loin dans le même corridor.
Mais Nayda s'arrêta brusquement, comme si elle venait de percuter une cloison de verre. Elle se figea au garde-à-vous et trois des sphères miroitantes de Mandor se placèrent en orbite autour de son corps plongé en catalepsie.
Je fus soulevé du sol et projeté contre le mur. Je levai le bras droit afin de me protéger de tout ce qui pourrait s'abattre sur ma tête et lançai un regard de l'autre côté.
Une image de la Marelle aussi grande que celle du Logrus venait d'apparaître juste derrière moi, à égale distance de Nayda que son pendant du Chaos. La femme, ou la [i]ty'iga[/i], se retrouvait pour ainsi dire incluse entre les parenthèses que constituaient ces deux pôles d'existence, et je l'étais aussi par la même occasion. Du côté de l'Ordre tout devint aussi clair que par une belle matinée ensoleillée pendant que la section opposée prenait un aspect crépusculaire de mauvais augure. Les deux Puissances allaient-elles rejouer au Big Bang, m'interrogeai-je, avec moi pour témoin involontaire ?
" Heu Vos Honneurs", commençais-je, sentant qu'il était de mon devoir d'essayer de les en dissuader et regrettant de ne pas posséder le bagou de Luke, le seul, à la rigueur, à être capable d'un tel exploit. "C'est le moment ou jamais d'utiliser les services d'un arbire impartial, et il s'avère que je suis parfaitement qualifié pour tenir un tel rôle étant donné que ... "
Le cercle doré de la Roue spectrale descendit auréoler la tête de Nayda puis s'étira vers le bas afin de former une sorte de tube. Spectre s'était glissé à l'intérieur des orbites des sphères de Mandor. Sans doute s'était-il isolé des forces qu'elles exerçaient car les boules ralentirent, tressautèrent et tombèrent sur le sol. Deux d'entre elles allèrent percuter le mur et la troisième roula vers le bas de l'escalier puis disparut sur la droite.
Les Signes de la Marelle et du Logrus commencèrent alors à avancer et je dus déguerpir à quatre pattes pour rester hors de portée du premier.
"Stop, camarades ! intervint Spectre. Nul ne peut prévoir quelle sera ma réaction si je me sens menacé. "
Les deux Puissances s'immobilisèrent. De derrière l'angle situé devant moi la voix avinée de Droppa qui venait vers nous en beuglant une chanson paillarde. Puis ce fut le silence. Un moment s'écoula et il se mit à entonner [i]Plus près de toi mon Dieu[/i] d'une voix désormais à peine audible. Finalement, l'hymne fut à son tour interrompu et j'entendis un bruit sourd suivi par des tintements de verre brisé.
Il me vint à l'esprit qu'à cette distance j'aurais dû pouvoir projeter ma conscience dans la Pierre. Mais j'avais des doutes quant aux résultats, compte tenu qu'aucune des quatre forces engagées dans cette confrontation n'était humaine.
Je perçus les signes annonciateurs d'un contact d'Atout.
"Oui ?" murmurai-je.
J'entendis alors Dworkin me dire : " Quel que soit le contrôle que tu as sur cette gemme, utilise-le pour empêcher que le Logrus ne s'en empare."
Juste au même instant une voix fêlée, qui changeait de tonalité et de genre d'une syllabe à l'autre, me parvint du tunnel rougeoyant.
"Rend l'Œil du Chaos. La Licorne l'a subtilisé au Serpent au cours de l'affrontement primordial. Il a été volé. Restitue-le. Restitue-le. "
Le visage bleuté que j'avais vu au-dessus de la Marelle ne se matérialisa pas, mais la voix que j'avais alors entendue rétorqua : " Le prix du sang et de la souffrance a été versé en échange. Il y a eu transfert des titres de propriété.
- Pierre du Jugement, Œil du Chaos et Œil du Serpent seraient donc les différents noms que porte ce joyau ? voulu-je savoir.
- Oui, me répondit Dworkin.
- Si le Serpent récupère son œil, qu'en résultera-t-il ?
- Ce sera probablement la fin du monde?
- Oh !
- Quelles sont vos offres pour cet objet ? demanda alors la Roue spectrale.
- Machine insolente, gronda la Marelle.
- Gadget sans cervelle, gémit le Logrus.
- JE n'ai que faire de vos compliments, déclara Spectre. Proposez-moi quelque chose qui réponde à mes désirs.
- Je pourrais m'en emparer par la force, lança la Marelle.
- Il me serait facile de te réduire en pièces et de m'en saisir sur-le-champ, affirma le Logrus.
- Mais vous vous en abstiendrez, parce qu'il vous faudrait concentrer toute votre attention et votre énergie sur moi, et que cela rendrait chacun de vous vulnérable à l'autre. "
Quelque part dans mon esprit, j'entendis Dworkin ricaner.
" Expliquez-moi pourquoi vous avez décidé de rompre un si long statu quo, ajouté Spectre.
- Les agissements récents de ce renégat ont faussé l'équilibre des forces en ma défaveur" répondit le Logrus... et une boule de feu vint exploser au-dessus de ma tête, sans doute pour dissiper des doutes éventuels sur l"identité du renégat en question.
Je flairai une odeur de cheveux roussis et me protégeai des flammes.
" Une minute ! m'écriai-je. On ne m'a pas laissé le choix, il me semble :
- Il y avait un choix à faire et tu l'as fait", gémit le Logrus.
Et la Marelle de rétorquer : " C'est exact. Mais cela n'a servi qu'à rétablir l'équilibre que tu avais faussé.
- Rétablir l'équilibre ? Tu ne t'en es pas contentée ! À présent te voici privilégiée ! Par ailleurs, c'est de façon accidentelle qu'il a été modifié à mon avantage par le père de ce traître. "
Une nouvelle boule de feu, que je m'empressai de parer. " Ce n'était pas mon fait.
- Tu as dû l'inspirer.
- Si tu peux me faire passer cette Pierre, me murmura Dworkin, je le placerai hors d'atteinte de ces eux exaltés en attendant que la question soit réglée.
- J'ignore si je parviendrai à m'en saisir, lui dis-je. Mais je n'y manquerai pas si l'occasion se présente.
- Donne-la-moi, ordonna le Logrus à Spectre. Et je ferai de toi mon Premier Serviteur.
- Tu es un système de traitement d'informations, intervint la Marelle. Je te fournirai des données dont nul ne dispose dans toute Ombre.
- Je t'offrirai la puissance, renchérit le Logrus.
- Vos propositions ne m'intéressent pas ", rétorqua Spectre avant de tournoyer et de disparaître.
Avec la fille, la Pierre, et le reste.
Le Logrus gémit, la Marelle gronda, et les Signes chargèrent, laissant supposer qu'ils allaient de rencontrer à proximité de la chambre de Bleys.
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Quand j'enjambai la bande inférieure, tout ce qui m'entourait disparut, à l'exception du ruban de clarté qui se referma sur lui-même pour devenir un cercle parfait, bascula autour de moi sur lui-même et se stabilisa au niveau de mes pieds. Je me retrouvai en son centre, quand un monde hémisphérique semblant fait de cristal apparut au-delà de cet anneau de lumière. Le sol sur lequel je me dressai était rougeâtre, irrégulier et humide. Ce fut seulement lorsqu'un gros poisson traversa mon champ de vision que je compris que je me trouvais sous l'eau, debout sur une formation corallienne.
" C'est vraiment très joli, dis-je, mais j'avais l'intention de regagner mes appartements.
- Je voulais simplement te démontrer mes capacités ", me répondit une voix familière qui résonnait de façon surnaturelle sous ce dôme magique. "Suis-je un dieu ?
- Tu es libre de te considérer comme bon te semble. Nul ne viendra te contredire.
- Posséder les attributs de la divinité devrait être amusant.
- Si tu étais un dieu, quel serait mon statut ?
- Voici une question théologique pour le moins épineuse.
- Théologiquement, mon cul ! Je suis informaticien et tu sais parfaitement que je t'ai construit, Spectre. "
L'équivalent d'un soupir emplit ma cellule sous-marine.
"Il est difficile de se débarrasser de ses racines.
- Pourquoi le désirer ? Qu'as-tu à reprocher aux racines ? Les plus belles plantes en possèdent.
- Jolies fleurs en surface, fange et fumier au-dessous.
- Dans ton cas, on ne trouve que du métal et une installation cryogénique très perfectionnée - ainsi qu'un grand nombre d'autres choses - le tout gardé dans un état de propreté irréprochable.
- En ce cas, c'est peut-être de fange et de fumier que j'aurais besoin.
- Tu te sens bien, Spectre ?
- Je me cherche toujours.
- Nous passons tous par de tels stades, au cours de notre existence. Tu cesseras tôt ou tard de t'interroger.
- Vraiment ?
- Vraiment.
- Quand ? Comment ? Pourquoi ?
- Le dire serait tricher. En outre, c'est différent pour chacun de nous. "
Un ban de poisons passa - des petites créatures striée de rayures rouges et noires.
" Je ne parviens pas vraiment à assimiler la question de l'omniscience... me déclara un peu plus tard la Roue spectrale.
- Et après ? C'est sans intérêt.
- ... Et je me penche toujours sur le problème de l'omnipotence.
- C'est un sujet assez ardu, reconnus-je.
- Tu es très compréhensif, p'pa.
- Je m'efforce de l'être, en tout cas. As-tu un problème qui te tracasse ?
- Ce qui touche aux réflexions philosophiques excepté ?
- Oui.
- Non. Je t'ai fait venir pour te mettre en garde contre un certain Mandor. Il....
- C'est mon frère. "
Il y eu un silence.
Puis Spectre me demanda : "Il en découle qu'il est mon oncle, n'est-ce pas ?
- En un certain sens.
- Et la dame qui était avec lui ? Elle...
- Il s'agit de ma tante Fiona.
- [i]Ma[/i] grand-tante. Oh ! zut !
- Qu'est-ce qui cloche ?
- Dire du mal de ses parents est très laid, il me semble.
- Pas d'où je viens. En Ambre, c'est un passe-temps très répandu. "
Le cercle lumineux bascula et nous nous retrouvâmes dans le corridor.
" À présent que nous voici en Ambre, je peux donc te dire du mal d'eux. Je ne leur ferais pas confiance, à ta place. Je crois qu'ils sont un peu fous. Et je les ai également trouvés insultants et menteurs. "
Je m'esclaffai. " Tu deviens un véritable Ambrien.
- Vraiment ?
- Oui. Nous sommes ainsi faits. Il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Que s'est-il passé, entre vous ?
- Je préfèrerais parvenir à mes propres conclusions, si cela ne t'ennuie pas.
- Fais comme bon de semble.
- Il n'est donc pas utile que je te mette en garde contre aux alors ?
- Non.
- D'accord. C'était mon principal souci. Bon, maintenant je vais rentrer pour me pencher sur cette histoire de fange et de fumier...
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Tout en buvant mon café à petites gorgées, j'allai d'une fenêtre à l'autre et fis de longues pauses à côté de chacune d'elles pour surveiller discrètement les rues et les immeubles (l'année précédent, la tentative d'assassinat avait été perpétrée par un type armé d'un fusil à lunette). Et je me remémorai la première fois où cela s'était produit, sept ans plus tôt. Je marchais dans une rue, par un après-midi printanier ensoleillé, quand un camion avait fait une embardée, sauté le caniveau, et manqué de peu de m'amalgamer à un mur de briques. J'étais parvenu à plonger de côté et rouler sur le sol. Le conducteur n'était quant à lui jamais sorti du coma, et j'avais classé l'incident dans la catégorie de ces événements accidentels qui se produisent parfois dans la vie de tout un chacun.
Un an plus tard, je revenais chez moi après être passé chez mon amie, en fin d'après-midi, quand trois hommes m'avaient attaqué (un armé d'un couteau, les deux autres de barres de fer) sans avoir même la politesse de me demander préalablement mon portefeuille.
J'avais laissé leurs restes dans l'entrée de la boutique d'un disquaire, et ce fut seulement le lendemain qu'il me vint à l'esprit que l'attaque s'était produite un an, jour pour jour, après l'accident survenu au camion. Même alors, j'attribuai cela à une simple coïncidence. ce fur seulement quand un paquet postal explosa et détruisit la moitié d'un autre appartement, le 30 avril suivant, que je me demandai si les lois des probabilités n'étaient pas un peu faussées dans mon voisinage en cette période de l'année. Et les événements qui se produisirent ensuite changèrent cette supposition en certitude absolue.
Quelqu'un devait trouver amusant d'attenter à mes jours une fois par an, à date fixe. C'était aussi simple que cela. Après chaque échec, je bénéficiais d'une année de répit avant l'essai suivant, ce qui évoquait presque un jeu.
Et, cette année, j'étais fermement décidé a m'amuser moi aussi. Mon principal sujet de préoccupation était le suivant ; il/elle/cela n'était jamais présent lorsque l'événement avait lieu, préférant agir à la dérobée, utiliser des gadgets, ou envoyer des émissaires. Je me référai à cette personne par la lettre F (qui sera tour à tour l'initiale de "fourbe" ou de "fêlé" dans ma cosmologie personnelle), car X a été trop galvaudé et je n'aime guère utiliser des appellations aux antécédents contestables.
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" On dirait que le faire évader va être délicat, dit Luke. Et tu penses que ta mère est derrière tout ça ?
- Ouais.
- Je croyais être le seul à avoir ce genre de problème avec sa mère. Mais ça se tient, puisque c'est la tienne qui a tout appris à la mienne.
- Comment se fait-il que nous soyons restés si normaux ? "
Il se contenta de me dévisager pendant quelques secondes. Puis il éclata de rire.
" Enfin, je [i]me sens[/i] normal, dis-je?
- Bien sûr, et c'est ce qui compte, répondit-il vivement? Dis-moi, si ça en venait à un duel de sorciers, penses-tu pouvoir battre Dara ?
- Difficile à dire. Je suis plus fort que jamais, grâce à l'aiguillier, mais je commence à me dire qu'elle est très forte.
- L'aiguillier ? Qu'est-ce que c'est que ce truc-là ? "
Je lui racontai donc aussi cette histoire-là.
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Luke m'adressa un large sourire, regarda Jurt de travers.
" Où étais-tu passé ? demanda-t-il.
- Dans les Cours du Chaos. On m'y a appelé pour la mort de Swayvill. Les funérailles ont lieu en ce moment. Nous nous sommes éclipsés quand j'ai appris que Corail était en danger.
- Je sais... dit Luke. Elle a disparu. Enlevée, je pense.
- Quand ce la s'est-il passé ?
- Avant-hier soir. Que sais-tu à ce sujet ? "
Je lançai un coup d'œil à Jurt. " Le décalage temporel dit-il.
- Elle représente l'occasion de marquer quelques points dans la partie en cours entre la Marelle et le Logrus, expliquai-je. Des agents du Chaos ont donc été envoyés pour l'enlever. Ils la veulent intacte, malgré tout. Elle ne risque rien.
- Pourquoi ont-ils besoin d'elle ?
- Ils ont l'air de trouver qu'elle ferait une reine idéale, avec la Pierre du Jugement intégrée à son anatomie...
- Qui sera le nouveau roi ? "
Je me sentis soudain le visage en feu.
" Eh bien, les gens qui l'ont enlevée m'ont en tête pour le boulot.
- Toutes mes félicitations. Je ne serai plus le seul à m'amuser comme un petit fou.
- Que veux-tu dire ?
- Le boulot de roi ne vaut pas un clou, mon vieux. Je voudrais ne jamais m'être laissé entraîner là-dedans. On n'a pas une minute à soi, et quand par miracle on en a une, quelqu'un doit toujours savoir où l'on est.
- Bon sang, tu viens tout juste d'être couronné. Attends que les choses se tassent un peu.
- Tout juste ? Ça fait plus d'un mois !
- Le décalage temporel, répéta Jurt.
- Venez. Je vous offre une tasse de café, dit Luke.
- Tu as du café, ici ?
- J'en ai besoin, mon vieux. Par ici. " Il nous précéda hors de la pièce, tourna à gauche, descendit un escalier.
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Alors que je projetai deux des énergies les plus mortelles de l'aiguillier, l'image du Logrus les intercepta et les neutralisa.
" Je ne l'ai pas sauvé pour que tu le détruises si facilement", dis-je, et au même instant une image qui évoquait la Marelle, sans être tout à fait elle, se matérialisa.
Le signe du Logrus glissa sur ma gauche. Me nouvel arrivant - quoi qu'il fût - le suivit et tous deux passèrent silencieusement à travers le mur. Presque aussitôt retentit un coup de tonnerre qui ébranla le bâtiment. Même Borel, qui s'apprêtait à tirer son épée, interrompit son geste, puis tendit la main pour s'accrocher à l'encadrement de la porte. À ce moment-là, une autre silhouette apparut derrière lui et une voix familière l'interpella : " Veuillez m'excuser. Vous me bouchez le chemin.
- Corwin ! m'écriai-je. Père ! "
Borel tourna la tête.
" Corwin, prince d'Ambre ? demanda-t-il.
- Effectivement. Mais je ne crois pas avoir l'honneur de vous connaître.
- Je suis Borel, Duc d'Hendrake, Maître d'Armes des Passes d'Hendrake.
- Vous ne lésinez pas sur les majuscules, messire, mais je suis enchanté de faire votre connaissance, dit Corwin. Maintenant, si ça ne vous dérange pas, j'aimerais entrer dire bonjour à mon fils. "
La main de Borel se porté sur la poignée de son épée tandis qu'il se retournait. Je me précipitais déjà, de même que Luke. Mais il y eut alors un mouvement derrière Borel - un coup de pied au creux du jarret, semblait-il - qui le fit se plier en deux. Puis un poing s'abattit sur sa nuque et il tomba.
" Venez, dit Corwin en nous faisant signe. Je crois que nous ferions bien de nous tirer d'ici. "
Nous sortîmes, enjambant le Maître d'Armes des Passes d'Hendrake étendu à terre. Sur notre gauche, le sol était noirci, comme après un incendie de forêt, et une légère pluie commençait à tomber. Nous vîmes au loin des silhouettes qui se dirigeaient vers nous.
" Je ne sais pas si la force qui m'a amené peut me ramener, dit Corwin en jetant un coup d'œil à la ronde. Elle pourrait être occupée ailleurs. " Quelques instants s'écoulèrent, puis il reprit : " C'est sans doute le cas. Bon, à toi de jouer. Comment fuyons-nous ?
- Comme ça..." Je tournai les talons et partis en courant.
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Un couronnement n'est jamais qu'un couronnement. Ça peut paraître cynique, et ça l'est probablement, surtout quand le héros du jour est votre meilleur ami et sa reine notre amante involontaire. Mais il y a toujours un cortège, avec des flots de musique solennelle, des vêtements aussi inconfortables que chatoyants, de l'encens, des discours, des prières et des volées de cloches. On s'y ennuie, on y souffre généralement de la chaleur et on doit néanmoins s'efforcer de faire bonne figure, comme lors des mariages, des distributions de prix et des initiations secrètes.
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Puis il se produisit un éclair aveuglant, pendant que je pliais les jambes pour me stabiliser, parais un coup de taille dirigé vers mon crâne et entreprenais de me redresser. Je pus alors constater que j'avais entaillé l'avant-bras de mon adversaire et que du feu jaillissait de sa blessure, comme de l'eau d'une fontaine. Son corps devint luminescent et les contours de sa partie inférieure s'estompèrent.
"Ce n'est pas grâce à ton adresse que tu m'as touché !" protesta-t-il.
Je haussais les épaules.
"Nous ne participons pas aux jeux Olympiques d'hiver", lui fis-je remarquer.
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" Que fais-tu ici, mon garçon ?" s'enquit une voix familière.
Je me redressai aussitôt, pour constater que la grande silhouette sombre qui avait émergé de dernière le bloc de glace ne s'adressait pas à moi. L'homme souriait Jurt de la tête.
"De la figuration dans une histoire de fou, répondit le spectre de mon demi-frère.
- Et je présume que voici le fou en question. Il cueille une fleur. Une rose en argent d'Ambre - celle du seigneur Corwin, si je ne m'abuse. Bonjour, Merlin. Serais-tu à la recherche de ton père ? "
Je retirai un des fermoirs de rechange que je gardais dans la doublure de mon manteau et l'utilisai pour fixer la rose à gauche de ma poitrine. Mon interlocuteur n'était autre que le seigneur Borel, duc de la Maison royale de Swayvill et - selon certaines rumeurs - ancien amant de ma mère.Il était aussi censé être un des plus redoutables bretteurs des Cours. Tuer Corwin, Bénédict ou Éric était devenu pour lui une véritable obsession, jusqu'au jour où son chemin avait croisé celui de mon père. Malheureusement pour lui, papa était pressé - et ils n'avaient pas eu l'occasion de croiser le fer. Corwin s'était contenté de lui jouer un tour à sa façon et de l'éliminer à l'issue d'un combat peu loyal sur le plan technique. Je n'y trouvais rien à redire. Cet individu ne m'avait jamais été sympathique.
" Vous êtes mort, Borel, lui dis-je. Le savez-vous ? Vous n'êtes que le spectre de l'homme que vous étiez le jour où vous avez traversé le Logrus. Dans le monde réel il n'existe plus de seigneur Borel. Souhaitez-vous en apprendre la raison ? Parce que Corwin vous a tué le jour de la bataille entre Ambre et le Chaos.
- Tu mens, morveux !
- Pas du tout, avança Jurt. Vous êtes bien mort. Transpercé de part en part, à ce qu'on dit. Mais je ne savais pas que c'était Corwin qui vous avait trucidé.
- C'est bien lui", confirmai-je.
Borel détourna les yeux et je vis les muscles de sa mâchoire se contracter et se détendre à plusieurs reprises.
" Et nous nous trouverions dans une sorte d'après-vie ? demanda-t-il un peu plus tard, toujours sans nous regarder.
- Je suppose qu'un tel nom est approprié, lui dis-je.
- Risque-t-on d'y mourir à nouveau ?
- Je le pense.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? "
Il avait baissé les yeux et je l'imitai. Quelque chose reposait sur la glace non loin de nous. Je fis un pas dans cette direction.
" Un bras, déclarai-je. Humain, dirait-on.
- Que fait-il ici ?" demanda Jurt qui vint me rejoindre et donna un coup de pied dedans.
Le mouvement qui lui fut ainsi imprimé nous démontra qu'il n'était pas posé sur la glace mais qu'il en saillait. Il se plia et fut agité de contractions spasmodiques pendant plusieurs secondes. J'en remarquai alors un autre, un peu plus loin, et ce qui paraissait être une jambe. Au-delà, il y avait une épaule à laquelle était rattache un bras, une main...
" Le congélateur d'un cannibale", suggérai-je.
Jurt gloussa.
" Tu es donc mort, toi aussi, conclut Borel.
- Non, répondis-je. Je suis le Merlin, authentique. Je ne fais d'ailleurs que passer, sur mon chemin pour un monde meilleur, bien meilleur.
- Et Jurt ?
- Il pose un problème intéressant, à la fois physique et théologique. Il bénéficie d'un étrange don d'ubiquité.
- Dire que j'en bénéficie me paraît exagéré, fit observer l'intéressé. Mais compte tenu de l'alternative je dois m'estimer heureux d'être ici.
- Voilà bien le genre d'attitude positive qui a permis au Cours de réaliser tant de prodiges au fil des ans", commentai-je.
Nouveau gloussement de Jurt.
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