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Critique de Zebra


Édité chez Albin Michel en octobre 2014, « Le Suicide Français » fait partie de ces livres qui ont défrayé la chronique et attiré nombre de critiques et de chroniques assassines. Écrit par Eric Zemmour, cet ouvrage de près de 540 pages correspond à une analyse sans tabou, au scalpel, superbement documentée et un rien orientée des 40 dernières années de la politique économique, sociale et culturelle française. L'auteur n'en est pas à son premier essai : depuis 1995, il s'évertue à pointer du doigt, à dénoncer et à vilipender les travers et turpitudes de nos politiciens ainsi que les conséquences néfastes de leurs démarches ou, pire, des lois et des règlements qui sont produits à leur initiative ou avec leur bénédiction, au détriment -nous dit l'auteur- d'une grande partie des Français.

Dans « Le Suicide Français » les élites en prennent donc un sacré coup derrière les oreilles car, pour Eric Zemmour, qu'elles soient de droite ou de gauche, elles ont participé à la destruction lente mais inexorable de ce qui faisait la grandeur de la France : « Nous avons aboli les frontières, renoncé à notre souveraineté et interdit à l'Europe de se référer à ses racines chrétiennes. Cette triple apostasie a détruit le pacte millénaire de la France avec son Histoire » : voilà de quoi justifier le titre du livre. Pire, pour son auteur, ce suicide était prémédité. Bigre, on tombe de haut ! Eric Zemmour en appelle au réveil des consciences, à la subversion populaire dans un vaste projet concret et obstiné qui remettrait notre pays en selle, qui permettrait un ré-ancrage de la France dans les idées, les valeurs, les moeurs et la vision qui furent les siennes avant 1970.

Disons-le tout net, dans ce livre impertinent, l'auteur met en avant une multitude de faits et de gestes, en appelant ainsi à notre mémoire tant individuelle que collective. Il force nos souvenirs et fait remonter à la surface une écume grise et nauséabonde (quand on remue un pot de chambre, ça finit rapidement par sentir mauvais). Mais la vie est comme une pièce de monnaie, avec son côté pile et son côté face, et c'est un point fort du livre que de nous montrer l'un et l'autre. Alors, nos politiciens seraient tous pourris ? Peut-être, et tant pis pour notre bel angélisme, notre naïveté et notre amnésie qui s'en trouvent ainsi un peu bousculés. Mais « Le Suicide Français » présente, selon moi (qui ne suis ni historien, ni diplômé de Sciences Po), deux faiblesses. D'abord, l'ouvrage, très richement documenté et fort volumineux, s'apparente à un dossier à présenter devant le Tribunal des flagrants délits. Constitué de preuves innombrables et supposées inattaquables, il en devient fastidieux, le lecteur frisant l'indigestion dès la mi-parcours ! Ensuite, Eric Zemmour donne à penser que la politique ressemble à une mécanique finement huilée, à savoir que si on enclenche telle action (par exemple, création d'un niche fiscale, suppression du RMI, interdiction du voile islamique, etc.) alors on provoque indiscutablement et par voie de conséquence tel ou tel résultat (politique, social, démographique, culturel, écologique, juridique, etc.). C'est étonnant, rassurant mais passablement inexact : si cette belle mécanique existait, elle serait enseignée dans les Grandes Écoles de la République et nos politiciens seraient, depuis belle lurette, arrivés à corriger les erreurs du passé et à remettre la France sur les rails ! Non, ne nous leurrons pas. La France va assez mal mais les causes de la maladie sont multiples, autant visibles qu'invisibles, superficielles que souterraines, temporaires que permanentes.

Conclusion ? le texte est fouillé mais trop long. On lit un formidable livre d'histoire qui force le respect, qui met en lumière des victoires à la Pyrrhus et des défaites fondatrices, qui résume -à sa façon- la « lente érosion de l'hégémonie française » et qui donne à réfléchir. L'ouvrage a été indiscutablement rédigé par quelqu'un qui se pose en sachant, voire en référent (posture qui ne plait pas forcément à tout le monde). On pourra regretter qu'Eric Zemmour n'avance aucun solution pour sortir la France de l'ornière mais (page 522) « ce n'est pas le propos de ce livre. Avant de réformer, il faut s'entendre sur le diagnostic ». Je reste sur ma faim et mets quatre étoiles.
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