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Citations sur De silence et d'ombre (12)

Je ne cours pas derrière les richesses de ce monde. Seule m'intéresse au plus haut point la connaissance des êtres et des choses, ce qui explique ma passion pour les livres et ma fréquentation assidue des bibliothèques.
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- Es-tu certain, Thibaud, qu'il n'y ait qu'une vérité ? Le dogme, ce principe fondamental donné comme intangible, ne souffre pas d'être contesté. Dieu a laissé à l'homme la liberté. La liberté et le choix. Il peut donc contester. Satan ne pourrait-il pas nous dire : "Je suis le frère aîné de l'homme. Vous m'avez affublé des oripeaux de de l'épouvantail des consciences alors que je tentais de vous libérer du joug de l'église. J'étais la révolte légitime de votre conscience. J'ai voulu affranchir le monde. Je me suis fait chair en m'appelant Jésus. Je suis monté au Golgotha pour briser les chaînes de la servitude".

- Luigi, je te prie de t'accoiser. Ta rhétorique n'est que rhétorique.

- Je regrette que tu ne saches, ou n'oses, contester. Le doute est permis. La foi n'est pas innée. Un saint bardé de certitudes n'est pas un saint, c'est un rasoté.

Nous sommes sur le chantier, je profite d'une pause entre Sexte et None. Luigi affine une taille négligée par un apprenti. L'air est doux, le printemps se respire à pleins poumons. Sans me regarder, Luigi poursuit :

- Il n'est pas sain de laisser la violence du désir inassouvie chez les jeunes moines pleins d'ardeur et de sang. Je les soupçonne, sans les juger ni les condamner, de mignonner du regard les courbes évocatrices et provocantes des vierges qui leur tendent les bras, drapées dans leur étroite robe de pierre. Découpé dans le carrare, le frêle corsage de la jeune fille de Nazareth hante les nuits de leur solitude monastique. Je le sais, moi qui sculpte cette chute d'épaule, le galbe d'un sein, la veine palpitante d'une gorge, ces lèvres en forme de baiser ardent, ces ventres tièdes où l'homme heureux, accompli, comblé, aime à reposer sa tête. Lorsque j'exécute ce travail, je pense aux générations de moinillons condamnés à ce substitut sur lequel ils projetteront leurs chimères. Je veux qu'au travers de cette pierre vivante, ils n'ignorent rien de la réalité féminine, de la mère, de l'amante, de la fille, réunies en une seule courbe. Une telle grâce, une telle beauté ne peuvent rendre hideuse la jouissance qu'elles génèrent sous les couvertures humides des paillasses du dortoir glacé d'un moutier silencieux.

- Par Dieu, Luigi, tu me tourmentes.

- Ta naïveté me confond. Tu ne vois que la lumière et tu ignores l'ombre. Il n'y a point d'ombre sans lumière ni de lumière sans ombre. L'ombre n'est que le refuge des actes inavoués, elle est aussi l'abri des passions amoureuses. Elle permet à l'être de s'affranchir des contraintes terrestres et de s'emparer d'une part du divin que la lumière nous dérobe en contraignant notre regard.
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Soudain, des clochettes se font entendre. Sinistres notes annonciatrices de la pire misère de l’Humanité. Difformes, trébuchant sur leurs béquilles, leur chair blanchâtre décomposée, les paupières enflées, les yeux rouges dégoulinant de sang, couinant comme des rats, les hardes collées à leurs plaies suintantes, exclus du monde terrestre, ils vivent leur enfer sous nos regards effrayés : les lépreux.
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La cité est dominée par quelques riches marchands qui fixent le prix des denrées, le montant des loyers et des salaires. Le fossé est profond entre les ventres gras et les autres. Parmi les bannis de cette société, il y a tous ceux que la campagne rejette. Les enfants de mamelle abandonnés sous le portail de l’église, les filles séduites, engrossées, sources de honte et d’infamie pour la famille qui ne peut plus cacher l’enflure non souhaitée. Les infirmes, de naissance ou par accident, les déformés, les vieillards caducs et tout cassés, sans oublier les lépreux, ces méséaux, ladres ou caqueux dont la présence suscite parfois une peur panique dans la population, une terreur qui engendre la haine. Il arrive qu’ils soient brûlés vifs. Les fous natureux, ces faibles d’esprit atteints de maladie frénétique, sont condamnés à la solitude dans la foule, à l’errance, car si, intouchables dans l’innocence de leur état, on les transforme en diseurs de vérités dans les récits et dans les farces et on s’en amuse, il n’en est pas moins vrai qu’ils suscitent la crainte. Les vagabonds, les voleurs, les criminels en fuite, tous ces êtres instables complètent cette populace responsable de la violence à fleur de peau.
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« Savez-vous la phrase qui circule à propos de Cluny ? « Partout où le vent vente, l’abbé de Cluny a rente ».
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Je suis attiré par les livres comme papillon par la lumière.
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— Avez-vous songé que les livres parlent entre eux ?
— Comment cela ?
— Un auteur, dans son livre, évoque un autre auteur et ainsi de suite. Une bibliothèque est un vaste murmure de messages transmis au travers des générations, de questions soulevées, d’hypothèses ou de certitudes affichées.
— Et ils ont toujours réponse à toutes les questions ?
— Jamais. Mais ils sont sûrs de leurs erreurs !
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15 août 1097. Ceci est ma seconde lettre. Après avoir quitté Dorylée en bel arroi, nous voici enfin à Iconium. Nous avons traversé l’Enfer. Un mois et demi de marche pour franchir cette centaine de lieues à travers un paysage de fin du monde ou d’avant sa création, accablés de soleil, sans eau, sans nourriture. Nos poitrines étaient desséchées, nos narines aspiraient le feu. C’était la première fois de ma vie que je ressentais les affres de la faim, il semblait à mon ventre que le diable avait emporté mes dents ! 
(...)Je sais que de ma vie ne s’effaceront les scènes horribles auxquelles j’ai été donné d’assister : les femmes accouchaient au vu de tous, sous le feu du soleil, hurlant leur souffrance, des mères abandonnaient leurs nourrissons qui mouraient de faim, suspendus au sein nourricier désormais sinistre poche plate, vide de toute espérance.
(...) Les premières bêtes à crever furent nos destriers, habitués à être choyés. Trident, mon fidèle Trident qui a partagé avec moi les grands moments émouvants des tournois bourguignons, qui a franchi la mer pour venir jusqu’en Asie Mineure, a rendu son dernier soupir, l’écume à la bouche. Il a fixé sur moi un regard craintif, étonné que je ne puisse lui venir en aide. J’ai rejoint la piétaille. Mes pieds sont en sang, la peau reste accrochée à l’intérieur de mes chaussures. Mes lèvres sont crevassées, mes yeux brûlent. 
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À la maison, on utilise parfois quelques grossiers lumignons confectionnés avec du suif, malodorants et bruyants en raison des impuretés logées dans la graisse animale. En brûlant, ils produisent des petits bruits s’apparentant à des pets, qui vous font sursauter la nuit. On appelle cela avoir la pétoche.
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Durant des années, des centaines d’hommes vont s’affairer autour des bâtiments en construction et offrir leur labeur en échange de la paix de leur âme. Beaucoup y laisseront leur vie, anonymes parmi les anonymes, ensevelis sans épitaphe dans la terre nue, à l’endroit même de leur sacrifice, parmi les pierres en cours de taille.
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