Blok se retourne lentement et nous regarde.
Je n'ai jamais vu des yeux aussi vides, aussi morts. Je n'ai jamais pensé qu'un tel ennui et une telle indifférence pouvaient se lire sur un visage.
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Je m'excuse à nouveau et m'éloigne à la hâte. Zamiatine reste avec Blok.
J'erre à nouveau dans le couloir, en proie à un maialise étrange. A présent, ma destinée me devient presque visible. Je vois le dernier état de mon existence. Je vois l'ennui qui m'étouffera immanquablement.
Je demande à quelqu'un : "Quel âge a Blok" On me répond : "Près de quarante." Il n'a pas quarante ans !
Au début de la révolution, je revins à Pétrograd.
Le passé ne m'inspirait aucune nostalgie. Au contraire, je voulais voir la Russie nouvelle, moins triste que celle que j'avais connue. Je voulais voir autour de moi des hommes sains et florissants, et non des gens comme moi, enclins au cafard, à la mélancolie et à la tristesse.
Je ne me sentais pas en désaccord avec la société nouvelle. Néanmoins, le même ennui qu'autrefois s'empara de moi.