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Critique de Kirzy



°°° Rentrée littéraire 2020 #30 °°°

Allemagne nazie 1940. le couperet tombe pour Max Koenig, professeur d'histoire antique : on lui diagnostique une pathologie héréditaire de dégénérescence neurologique, la maladie de Huntington. Il est interné alors qu'est lancé le programme Aktion T4 qui va organiser l'assassinat eugéniste de près de 200.000 Allemands jugés indignes de vivre ( malades, handicapés, trisomiques ), un programme d' « hygiène raciale » destiné à purifier la «  race » aryenne de ses scories.

Pas facile d'aborder un sujet aussi atroce sous l'angle de la fiction. Barbara Zoeke relève le défi et trouve d'emblée le ton juste. Son propos est net, glaçant, tenu dans une langue claire et sans fioritures. Bien que la fictionnalisation puisse être jugée problématique pour rendre compte de tels crimes, ce roman dépeint le meurtre des malades de façon très exigeante, tant émotionnellement qu'intellectuellement.

Tout est très factuel, méticuleusement factuel, ce qui rend le récit parfois dur à supporter. D'où l'importante de donner chair aux acteurs. La première partie est centrée sur Max Koenig, de son arrivée à la clinique jusqu'à son assassinat. Personnage touchant dont on découvre le monde émotionnel à travers ses souvenirs familiaux et ses amitiés avec d'autres malades pensionnaires, notamment une jeune femme, Elfi, qui a craqué à la mort de son père durant la Première guerre mondiale, et Oscar, un trisomique très attachant.

La deuxième partie est sans doute la plus intéressante, cette fois consacré à un des spécialistes du titre, le médecin Friedel Lerbe chargé de mettre en oeuvre le programme Aktion T4. Barbara Zoeke s'abstient de le diaboliser pour laisser sa banalité du mal parler d'elle-même. Il incarne parfaitement la scission entre l'organisation planifiée du meurtre de masse et son propre espace privé. On manque souvent d'air à la lecture de cette partie.

Ce qui est très réussi dans ce roman, c'est sa pertinence à montrer comment des individus instruits et « aimables » peuvent basculer et devenir des spécialistes actionnant le levier de gazage sans sourciller, s'arrangeant avec leur conscience, endormant leurs scrupules jusqu'à l'omerta intime. En fait, le déroulement des faits en devient kafkaïen entre des soi-disant malades qui apparaissent bien plus sensés que les spécialistes, et ces derniers dont l'indifférence et la froideur semblent complètement folles, hors de toute raison.

J'ai été moins convaincue par les trois dernières très courtes parties conçues comme un épilogue à trois facettes, sobres et très elliptiques qui m'ont laissé un petit goût d'inachevé. Ce qui n'enlève en rien à la très grande tenue de ce roman à la fois étonnant et intense ( servi par la très belle traduction de Diane Meur ).
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