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Critique de michfred


David ne gagne pas toujours contre Goliath -et si David s'appelle le Vieil Elbeuf et Goliath, le Bonheur des Dames, le gros écrase le petit, en bonne et cynique logique.

Sauf quand David, comme ici, est une femme, Denise. Dans Denise contre Goliath, c'est Denise qui gagne!

Le roman entrecroise deux luttes: celle du petit commerce contre le grand commerce- les boutiques contre les grands magasins. Et la lutte d'une jeune femme sensible mais vertueuse , morale mais amoureuse contre celui qui veut en faire une de ses maîtresses..

Et plus le Bonheur des dames s'agrandit- c'est le nom du Grand Magasin- , grignotant le quartier tout entier, plus le bonheur de la dame - Denise Baudu en Casta Diva résistant au bourreau des coeurs, Octave Mouret- s'affermit, jusqu'au triomphe final.

Denise Baudu épouse le bel Octave qui quitte pour elle sa maîtresse, Henriette Desforges, une femme du monde influente.

Voilà, en gros, la trame de l'intrigue mais le roman est intéressant à plus d'un titre.

D'abord c'est un roman optimiste, avec happy end ...enfin, pas pour tout le monde: quelques suicides de petits commerçants, ruinés par les grands magasins, émaillent la fin du livre, attestant discrètement -mais qui s'en soucie?- de la brutalité foncière du système économique naissant qui fait toujours nos beaux jours..

Ensuite c'est un roman essentiellement féminin- je n'ai pas dit féministe, tant s'en faut! Jusqu'au titre, le roman grouille de dames: petites commises-kleenex, qu'on exploite et qu'on jette dès qu'elles sont enceintes, malades, ou si elles ont, simplement, déplu, "premières" -les chefs de rayon- aussi dures sinon plus que les hommes, leurs rivaux, et surtout clientes- compulsives, dépensières, voleuses, capricieuses, jalouses, venimeuses, potinières, fashion victims addictives , bref tout un florilège des pires "qualités"attribuées aux femmes.

Mais Denise Baudu, future Mme Mouret -l'autre Mme Mouret ex Mme Hédouin, épousée à grand-peine à la fin de Pot-Bouille a le bon goût de mourir accidentellement sur le chantier du Grand Magasin au début du récit, laissant la voie libre - Denise, donc, est celle qui les venge toutes!

Exemplaire, honnête, travailleuse, ne jouant pas de son charme, sensible, raisonnable, généreuse, secourable, elle résiste aux commérages et aux brimades de ses collègues de travail, aux caprices de ses clientes avec patience mais fermeté, ...et aux avances du patron.

Alors, le Bonheur des dames, apothéose d'une héroïne féminine moderne?

Pas tout à fait: Denise sait qui elle épouse, même si Octave a changé sous son empire, elle le sait cynique, volage, ambitieux, sans scrupule. Son avenir d'épouse ne sera sans doute pas une vallée de roses...

Et la future Mme Mouret ne devient pas directrice de magasin, malgré ses compétences évidentes dans le commerce: elle jouera le bon ange du Bonheur des dames, pensant à améliorer la cantine des employées, leur logement, à sécuriser leur emploi, à leur garantir des droits... Bref, ce sera la Maman, mais Octave reste le Papa. le Papa...et le Patron! Pas de quoi convoquer Louise Michel ou Olympe de Gouges...

Mais le plus grand intérêt du livre est celui du lieu: le Bonheur des Dames, décrit, évoqué avec minutie dans son architecture, son fonctionnement, sa hiérarchie implacable, ses systèmes de vente, son expansion irrésistible, sa magie tentatrice, sa force consumériste.

Le Magasin est vraiment le premier personnage de ce roman qui chante une ode à la société de consommation naissante...

Si Zola revenait, son petit carnet de notes à la main, il raconterait sûrement la chute de ces vieux temples du XIXème siècle, supplantés à leur tour par l'expansion implacable du " e-commerce"...

Mais ceci est une autre histoire, comme dirait l'ami Kipling...
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