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Critique de colimasson


Emile Zola pensait avoir rempli « la case réservée pour l'étude de l'au-delà » avec son Rêve mais à l'au-delà religieux et inaccessible auquel on pense spontanément, l'écrivain nous propose un imaginaire sacré et merveilleux qui relève plutôt de l'ici-maintenant du fantasme.


Tout commence avec la lecture de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Ce livre, consacré aux saints de la tradition chrétienne, est la source de l'émerveillement enfantin d'Angélique, recueillie par des parents adoptifs après une nuit de souffrances glaciales. Les motifs traditionnels des descriptions zoliennes s'égrainent cette fois sur le mode de la découverte intérieure. Les saints, les diables et les miracles deviennent les déclinaisons de modes d'émerveillement ; les symboles sacrés se drapent de tissus et de couleurs sans cesse redécouverts dans la répétition du travail quotidien de la broderie. Dans son univers clos, Angélique confond le rêve et la réalité. Pour quelle raison les miracles de la Légende dorée ne se produiraient-ils plus ? Innocente dans sa conception de l'amour, elle ne rêve plus que de rencontrer l'image pure et idéale, presque christique, de celui qui l'aimera et qui se dévoilera à elle sans se présenter, au-delà de la superfluité des mots et des usages.


Le Rêve ne se brise pas à cause de la naïveté d'une enfant insouciante. Emile Zola s'attaque presque à la volonté toujours trop pragmatique d'adultes qui se vouent à la réalité comme à un refuge contre leurs fantasmes. le rêve échoue à cause de la réalité, sa faillite tient tout entière dans le manque de foi.


Après la magie d'un premier temps d'innocence édénique, le Rêve se transforme en cri de révolte outré contre le péché de tristesse et de désespoir des parents. Angélique refuse le modèle qu'on lui propose en héritage. On entend la voix de Henry David Thoreau qui écrivait :


« Nulle façon de penser ou d'agir, si ancienne soit-elle, ne saurait être acceptée sans preuve. Ce que chacun répète en écho ou passe sous silence comme vrai aujourd'hui, peut demain se révéler mensonge, simple fumée de l'opinion, que d'aucuns avaient prise pour le nuage appelé à répandre sur les champs une pluie fertilisante. Ce que les vieilles gens disent que vous ne pouvez faire, vous vous apercevez, en l'essayant, que vous le pouvez fort bien. »


Car après tout, puisque les parents sont malheureux, à quoi bon écouter leurs conseils et suivre leur exemple ? La mort plutôt qu'une vie indigne. Mais Emile Zola n'est pas un chantre de la dissidence et ses considérations plus nuancées nous conduisent bientôt à l'étape supérieure de la réflexion. Parcours existentiel et cheminement initiatique vers une spiritualité moins parjure s'alignent pour conduire la bouillante petite fille à la sage jeune femme.


Le Rêve, récit d'une passion en trois étapes, ne mérite absolument pas sa réputation de parenthèse innocente et inconsistante. On oserait presque croire que l'âme d'Emile Zola y palpite dans toute la faiblesse de son coeur d'homme…
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