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Critique de Fabinou7


Cet opus des Rougon-Macquart de Zola se concentre autour du personnage de Saccard, le personnage est animé par un désir profond de pouvoir, de puissance mais ce pouvoir passe par l'accumulation d'argent. Les batailles ont lieu à la bourse est non plus dans les prairies. La lutte virile contre son ennemi le banquier Gundermann anime Saccard. un temps on peut penser que le personnage est intéressé par l'accomplissement d'une mission chrétienne dans cette France encore première fille de l'Eglise, mais il s'agit d'un prétexte mensonger pour Saccard et un formidable argument de vente. Cela dit, peut être que les voeux de développement humain de la région du moyen orient ou de renaissance de la ferveur des croisades ne sont ils que des histoires que se racontent peut être chacun des personnages pour pouvoir masquer au monde et surtout à eux-même leur envie de s'enrichir par la spéculation, c'est à dire depuis leur séjour, leur divan (cela va de Madame de Beauvilliers à Mademoiselle Caroline Hamelin et son frère).

Un mot du style de Zola, l'inventeur du roman naturaliste, ce mouvement littéraire de la fin du XIXe siècle né dans le prolongement du réalisme entend faire du romancier un scientifique au plus proche de l'expérience du réel tout cela sans enjoliver le réel. le roman naturalisme prend les personnages tels qu'ils sont dans la vie et dépeint au plus près leurs traits, gracieux et disgracieux sans n'en rien épargner à la pudeur. Certes, Zola n'a pas la syntaxe de Flaubert, le verbe de Barbey d'Aurevilly ou le romanesque de Stendhal mais qu'importe. Il ne serait pas de bon ton d'opposer les auteurs car ce que Zola apporte est un air frais, venu d'en bas, venu du peuple sur le roman qui si souvent ne s'intéresse qu'au monde - souvent le même - dans lequel évolue son auteur. Alors à celles et ceux qui reprocheraient à Zola son manque de poésie, Hannah Arendt disait "on peut raconter des histoires et écrire des poèmes sur la vie, on ne peut rendre la vie poétique, la vivre comme si c'était une oeuvre d'art"; le prix à payer lorsque l'on veut (d)écrire au plus près ce que fut le réel.


Dans l'Argent, premier indice, nous sommes à la fin du second Empire, et des personnages réels tels que Bismarck apparaissent dans le roman, mais également nombre d'évènements de la vie politique de l'époque. Pour décrire le commerce de l'argent, l'auteur s'est beaucoup documenté, notamment pour dépeindre le mécanisme de ce “marché” pas comme les autres que constitue le marché boursier du XIXe siècle avec ces ordres, ces papiers, ces coulissiers, ces hommes de pailles etc.. mais également le fonctionnement des opérations de capital, les augmentations, les offres au public, les primes d'émissions, le code de commerce, habilement détourné par Saccard en faisant racheter par l'Universelle ses propres actions pour soutenir l'insatiable hausse du cours jusqu'à plonger les porteurs dans la ruine.
Mais au delà du détail, c'est l'atmosphère de la Bourse qui saisi le lecteur dans ses angoisses, ses fulgurances, ses émois et son éternel tumulte.
En plus de l'intérêt quasi-documentaire, le lecteur trouvera une réflexion littéraire sur l'argent et son impact à la fois sur la société, au travers de personnages comme Sigismond, le marxiste, qui promet sa disparition prochaine, mais également dans le coeur des hommes, avec les sentiments de Madame Caroline qui finit par y voir la corruption des coeurs et des âmes, de la Méchain et Busch qui le pourchasse sans jamais donner l'impression de le trouver. Chez les Maraud et autres joueurs et commentateurs qui se passionnent pour l'exaltation aléatoire du temple de la Bourse.
Et bien sur Saccard pour qui l'argent est la source de tout, dépassant ses rêves de gloire orientale et même son antisémitisme tenace, comme ivre de son pouvoir financier Saccard ne cesse d'appeler l'argent mais jamais ne profite de cet fortune amassée.
Etrangement, à la chute de l'Universelle, les réactions sont partagées, certains en veulent à Saccard d'avoir triché, de s'être noyé dans son avidité et sa quête folle de pouvoir au point d'oublier tous ceux qui lui avait fait confiance. D'autres en revanche gardent pour lui de la sympathie et même de la reconnaissance, prêts à lui faire confiance de nouveau tant la fulgurence de l'universelle reste un espoir à leurs yeux. Puis par contingence, Saccard a pu faire le bien, notamment pour Jordan et son épouse Marcelle.
Le personnage de Saccard suscite l'ambivalence, on aime à détester cet antihéros animé par peu de bons sentiments. Notre image du personnage est sans cesse questionné par le point de vue des autres personnages. Mais c'est peut être à Madame Caroline que nous devons le meilleur portrait de Saccard, personnification de l'argent comme un mal nécessaire.
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