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Critique de Allantvers


Avec le recul, je me félicite d'avoir laissé de côté cet opus quand j'ai entrepris la lecture de l'ensemble des Rougon Macquart il y a quelques années. Attirée par la frénésie séculière de la saga, je sentais que dans le flot l'abbé Mouret allait créer une rupture que je n'allais pas savoir apprécier (comme ça a été le cas pour "Le rêve", d'ailleurs, qu'il va me falloir relire).
Attendre le bon moment et la bonne disposition d'esprit a payé : "La faute de l'abbé Mouret" se savoure, ébaudit, pénètre son lecteur, mais d'une manière bien différente des autres romans.

Tout est à part dans celui-ci, à commencer par la construction narrative qui s'affranchit des codes du roman rythmé pour laisser place à une organisation en trois livres qui se présentent chacun comme une vaste fresque que Zola prend le temps de peindre, insistant ici sur les ombres, là sur la couleur avec des oppositions très lourdement marquées entre le sacerdoce de Serge fait de piété mortifère (première partie), le paradis du Paradou dans sa luxuriance angélique (la deuxième), et enfin l'expiation ou la tempête sous une soutane (la dernière).

A part également sur la lignée présentée: "queue de la bande, dégénérescence finale" des Rougon Macquart, Serge le prêtre abimé dans la religion par peur de la vie et Désirée sa soeur simple d'esprit au sens le plus pur du terme, forment contrairement aux autres personnages de la saga une branche morte, sans descendance.
Très peu de personnages d'ailleurs peuplent le roman à leurs côtés, sept en tout comme dans une pièce de théâtre : la lumineuse Albine, celle qui comme une nouvelle Eve conduira l'abbé Mouret à la faute; Jeanbernat, personnage que j'ai adoré, vieil athée acariâtre fuyant la compagnie des hommes; l'épouvantable frère Archangias, par lequel Zola fait la caricature grossière des dévots bornés; le rationnel docteur Pascal, oncle de Serge que l'on retrouvera dans l'avant dernier tome; la Teuse enfin, qui par sa bonhomie râleuse et sa lourde silhouette met paradoxalement de la légèreté aux pesantes scènes religieuses. Une économie de personnages qui laissent en fait la place à une nature foisonnante, gorgée de sève et d'instincts, dans le Paradou merveilleux comme dans la basse-cour de Désirée.

A part enfin dans l'outrance avec laquelle Zola souligne son propos: la lutte de la religion contre la vie, la première étant clairement présentée comme une construction mortifère destinée à éteindre les plus beaux élans vitaux. Une outrance qui donne tantôt lieu à des pages sublimes (à ma grande surprise ce sont celles sur la ferveur quasi délirante de Serge qui m'ont le plus "littérairement" éblouie), tantôt à des excès et une obésité de mots sur la partie du Paradou que j'ai trouvée d'abord sublime, puis trop longue, saturée de naturalisme un peu niais et de métaphores parfois trop appuyées.

Sur ce roman du combat entre la religion et la vie, du prêtre déjà mort de par sa prêtrise contre, tout contre la rayonnante Albine, je ne vous dirai pas qui sort vainqueur mais quiconque connait Zola sait que ces histoires se finissent rarement bien. de celle-ci je retiens en dernière image le visage en larmes d'un docteur Pascal désabusé, pleurant sur cette hérédité délétère.

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