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Critique de Lucilou


Mon tout premier Zola qu'un professeur de français, Monsieur S, nous fit lire et étudier en seconde. C'était un professeur sévère pour ne pas dire dur, mais il fallait le voir et l'écouter parler littérature. Cet "Assommoir", il a su nous le rendre accessible malgré la description de l'alambique ou celle de Goujet domptant le feu, sur lesquelles nous nous escrimions, pauvres lycéens découvrant avec horreur le commentaire de texte.
Ce roman, surtout, m'a ouvert toute grande la porte qui mène chez les Rougon-Macquart, il a su aussi me faire aimer ces derniers.
J'ai relu plusieurs fois "l'Assommoir" et à chaque fois j'en ressors groggy, sonnée, mise KO et je me promets alors de ne jamais plus le relire.
Les promesses n'engagent que ceux qui les croient, hein, et je suis un peu comme Gervaise, je ne tiens pas longtemps.
Il y a en effet dans cet Assommoir quelque chose de troublant (et qu'on retrouve à mon sens dans quelques volumes de la saga comme "Nana", "La Terre" ou encore "la Curée"): c'est l'espèce de fascination du pire qu'il exerce sur les lecteurs, l'espèce de masochisme qu'il y dans sa/ses lecture(s).
Tout dans l'histoire de Gervaise est noir, douloureux et même les moments de bonheur sont fugaces et empoisonnés, on sait d'avance qu'ils cachent le pire à venir... Et pourtant, on lit, on dévore, on boit à l'alambique à grandes goulées, on s'enivre du malheur des personnages jusqu'à plus soif et une fois le livre refermé, on pousse un soupir de soulagement.
L'Assommoir, c'est le récit de la vie de Gervaise, petite fille d'Adélaïde Fouque, l'aïeule de folle mémoire et de son amant Macquart, ivrogne invétéré, brutal et méchant. Bien que boiteuse, Gervaise est une jolie lingère et sa beauté est celle des blondes au teint de rose. Elle a quitté Plassans pour Paris où elle a suivi son amant Lantier. Ce dernier lui fait deux fils, lui mange son héritage et l'abandonne... La jeune femme croit sombrer mais relève la tête: elle a deux petits à nourrir et elle est travailleuse, même si parfois, elle aimerait pouvoir se laisser aller à la paresse (foutue hérédité!). Elle se laisse courtiser par Coupeau, un voisin, ouvrier zingueur de son état, gentil et travailleur. Joli garçon de surcroît et pas soûlard pour deux sous.
La romance entre les deux ouvriers est charmante et on se prend à rêver d'un joli avenir pour ces deux tourtereaux du pavé parisien, peut-être un peu naïfs et sûrement mal entourés. La noce est bruyante et les premiers temps de vie commune doux comme le bon pain. On économise sou à sou, on rêve d'un logis plus grand et plus blanc. le dimanche, on va danser et manger de la friture aux guinguette du bord de l'eau. On fait une fille, une jolie petite qui sera belle et tendre comme sa maman et les garçons du premier lit deviennent forts.
Et puis... Et puis c'est la chute...à tous les sens du terme. le brave Coupeau qui dansait si bien sur les toits de Paris glisse, trébuche, devient infirme et trouvera consolation dans l'alcool malgré Gervaise qui se laissera elle aussi glisser peu à peu.
Au delà du drame du couple et de l'alcool, c'est aussi celui des classes ouvrières, populaires mêmes des bas-fonds de Paris que nous donne à voir Zola avec l'Assommoir, ce Paris si brutal de la Goutte d'or au coeur duquel se croisent et vivent toute une galerie de personnages complexes, aussi touchants que mesquins et petits. Des personnages transcendés par le récit foisonnant et sans concessions d'un Zola au meilleur de sa plume. Ça tape, ça cogne, ça fait mal mais c'est grand.
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