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Citations sur Les Rougon-Macquart, tome 8 : Une page d'amour (207)

Quatrième partie
Chapître II
(Hélène décide d’écrire une lettre anonyme à Henri pour dénoncer l’adultère de Juliette)

Maintenant, Hélène était seule dans la chambre. Elle s’enferma, elle passa une soirée affreuse, près du feu mort. Sa volonté lui échappait, des pensées inavouables faisaient en elle un travail sourd. C’était comme une femme méchante et sensuelle qu’elle ne connaissait point et qui lui parlait d’une voix souveraine, à laquelle elle ne pouvait désobéir. Lorsque minuit sonna, elle se coucha péniblement. Mais, au lit, ses tourments devinrent intolérables. Elle dormait à moitié, se retournait comme sur une braise. Des images, grandies par l’insomnie, la poursuivaient. Puis, une idée se planta dans son crâne. Elle avait beau la repousser, l’idée s’enfonçait, la serrait à la gorge, la prenait tout entière. Vers deux heures, elle se leva avec la raideur et la pâle résolution d’une somnambule, elle ralluma la lampe et écrivit une lettre, en déguisant son écriture. C’était une dénonciation vague, un billet de trois lignes priant le docteur Deberle de se rendre le jour même à tel lieu, à telle heure, sans explication, sans signature. Elle cacheta l’enveloppe, mit la lettre dans la poche de sa robe, jetée, sur un fauteuil. Et, quand elle se fut couchée, elle s’endormit tout de suite, elle resta sans souffle, anéantie par un sommeil de plomb.
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Première Partie
Chapître I

Le docteur, qui ne l’avait point encore regardée, leva les yeux, et ne put s’empêcher de sourire, tant il la trouvait saine et forte. Elle sourit aussi, de son bon sourire tranquille. Sa belle santé la rendait heureuse.
Cependant, il ne la quittait pas du regard. Jamais il n’avait vu une beauté plus correcte. Grande, magnifique, elle était une Junon châtaine, d’un châtain doré à reflets blonds. Quand elle tournait lentement la tête, son profil prenait une pureté grave de statue. Ses yeux gris et ses dents blanches lui éclairaient toute la face. Elle avait un menton rond, un peu fort, qui lui donnait un air raisonnable et ferme. Mais ce qui étonnait le docteur, c’était la nudité superbe de cette mère. Le châle avait encore glissé, la gorge se découvrait, les bras restaient nus. Une grosse natte, couleur d’or bruni, coulait sur l’épaule et se perdait entre les seins. Et, dans son jupon mal attaché, échevelée et en désordre, elle gardait une majesté, une hauteur d’honnêteté et de pudeur qui la laissait chaste sous ce regard d’homme, où montait un grand trouble.
Elle-même, un instant, l’examina. Le docteur Deberle était un homme de trente-cinq ans, à la figure rasée, un peu longue, l’œil fin, les lèvres minces. Comme elle le regardait, elle s’aperçut à son tour qu’il avait le cou nu. Et ils restèrent ainsi face à face, avec la petite Jeanne endormie entre eux. Mais cet espace, tout à l’heure immense, semblait se resserrer. L’enfant avait un trop léger souffle. Alors, Hélène, d’une main lente, remonta son châle et s’enveloppa, tandis que le docteur 25 boutonnait le col de son veston.
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Première Partie

Chapître I

La veilleuse, dans un cornet bleuâtre, brûlait sur la cheminée, derrière un livre, dont l’ombre noyait toute une moitié de la chambre. C’était une calme lueur qui coupait le guéridon et la chaise longue, baignait les gros plis des rideaux de velours, azurait la glace de l’armoire de palissandre, placée entre les deux fenêtres. L’harmonie bourgeoise de la pièce, ce bleu des tentures, des meubles et du tapis, prenait à cette heure nocturne une douceur vague de nuée. Et, en face des fenêtres, du côté de l’ombre, le lit, également tendu de velours, faisait une masse noire, éclairée seulement de la pâleur des draps. Hélène, les mains croisées, dans sa tranquille attitude de mère et de veuve, avait un léger souffle.
Au milieu du silence, la pendule sonna une heure. Les bruits du quartier étaient morts. Sur ces hauteurs du Trocadéro, Paris envoyait seul son lointain ronflement. Le petit souffle d’Hélène était si doux, qu’il ne soulevait pas la ligne chaste de sa gorge. Elle sommeillait d’un beau sommeil, paisible et fort, avec son profil correct et ses cheveux châtains puissamment noués, la tête penchée, comme si elle se fût assoupie en écoutant. Au fond de la pièce, la porte d’un cabinet grande ouverte trouait le mur d’un carré de ténèbres.
Mais pas un bruit ne montait. La demie sonna. Le balancier avait un battement affaibli, dans cette force du sommeil qui anéantissait la chambre entière. La veilleuse dormait, les meubles dormaient ; sur le guéridon, près d’une lampe éteinte, un ouvrage de femme dormait. Hélène, endormie, gardait son air grave et bon.
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Paris entier était allumé. Les petites flamme dansantes avait criblé la mer des ténèbres d'un bout de l'horizon à l'autre, et maintenant leurs millions d'étoiles brûlaient avec un éclat fixe, dans une sérénité de nuit d'été.
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Sur la ville, un ciel bleu, sans une tache, se déployait. Hélène leva la tête, lasse de souvenirs, heureuse de cette pureté. C'était un bleu limpide, très pale, à peine un reflet bleu dans la blancheur du soleil.
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Henri avait pris le manteau de fourrure, le tenait élargi, pour aider Hélène. Quand elle eut glissé ses deux bras, il remonta lui-même le collet, l'habillant ainsi avec un sourire, devant une immense glace qui couvrait un mur de l'antichambre. Ils étaient seuls, ils se voyaient dans la glace. Alors, tout d'un coup, sans se tourner, empaquetée dans sa fourrure, elle se renversa entre ses bras. Depuis trois mois, ils n'avaient échangé que des poignées de main amicales ; ils voulaient ne plus s'aimer. Lui, cessa de sourire ; sa figure changeait, ardente et gonflée. Il la serra follement, il la baisa au cou. Et elle plia la tête en arrière pour lui rendre son baiser.
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Sur Paris allumé, une nuée lumineuse montait. On eût dit l'haleine rouge d'un brasier. D'abord, ce ne fut qu'une pâleur dans la nuit, un reflet à peine sensible. Puis, peu à peu, à mesure que la soirée s'avançait, elle devenait saignante ; et, suspendue en l'air, immobile au-dessus de la cité, faite de toutes les flammes et de toute la vie grondante qui s'exhalaient d'elle, elle était comme un de ces nuages de foudre et d'incendie qui couronnent la bouche des volcans.
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Ils étaient si heureux, dans cette cuisine ! Le rideau de cotonnade, à demi tiré, laissait entrer le soleil couchant. Les cuivres incendiaient le mur du fond, éclairant d'un reflet rose le demi-jour de la pièce. Et là, dans cette ombre dorée, ils mettaient tous les deux leurs petites faces rondes, tranquilles et claires comme des lunes. Leurs amours avaient une certitude si calme, qu'ils ne dérangeaient pas le bel ordre des ustensiles. Ils s'épanouissaient aux bonnes odeurs des fourneaux, l'appétit égayé, le cœur nourri.
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Autour d'eux, un désert se déroulait ; pas un bruit, pas une voix humaine, l'impression d'une mer noire où soufflait une tempête. Ils étaient hors du monde, à mille lieues des terres. Et cet oubli des liens qui les attachaient aux êtres et aux choses était si absolu, qu'il leur semblait naître là, à l'instant même, et devoir mourir là, tout à l'heure, lorsqu'ils se prendraient aux bras l'un de l'autre.
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Dire qu'elle s'était crue heureuse d'aller ainsi trente années devant elle, le cœur muet, n'ayant pour combler le vide de son être que son orgueil de femme honnête ! Ah ! quelle duperie, cette rigidité, ce scrupule du juste qui l'enfermaient dans les jouissances stériles des dévotes ! Non, non, c'était assez, elle voulait vivre ! Et une raillerie terrible lui venait contre sa raison. Sa raison ! en vérité, elle lui faisait pitié, cette raison qui, dans une vie déjà longue, ne lui avait pas apporté une somme de joie comparable à la joie qu'elle goûtait depuis une heure. Elle avait nié la chute, elle avait eu l'imbécile vanterie de croire qu'elle marcherait ainsi jusqu'au bout, sans que son pied heurtât seulement une pierre. Eh bien, aujourd'hui, elle réclamait la chute, elle l'aurait souhaitée immédiate et profonde. Toute sa révolte aboutissait à ce désir impérieux. Oh ! disparaître dans une étreinte, vivre en une minute tout ce qu'elle n'avait pas vécu !
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