AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Émile Zola a imaginé et construit une immense fresque, Les Rougon-Macquart, bâtie sur vingt romans pour décrire et aussi décrier un certain univers social sous le Second Empire. Neuvième volume de la série des Rougon-Macquart, Nana a un ton que j'ai trouvé inouï par rapport aux autres ouvrages de ce cycle. Comme je me suis fait fort de les lire dans l'ordre chronologique, mon avis ne concerne donc que les seuls romans lus jusqu'ici...
Ceux qui connaissent cette saga savent le poids de l'hérédité de la lignée des Rougon et des Macquart sur les personnages...
Je me suis réjoui de la lecture de ce roman et je me suis encore plus réjoui d'imaginer la déflagration qu'a pu susciter la parution de ce roman en 1880, dans une France alors très conventionnelle.
Mais qui est Nana ? Gustave Flaubert, qui en connaissait un rayon sur le sujet, disait de ce personnage féminin haut en couleurs : « Nana tourne au mythe, sans cesser d'être réelle ».
Les premières pages nous invitent au théâtre. Comme souvent, Zola use de ce procédé narratif où le personnage principal est évoqué et tarde à venir.
Et puis Nana finit par entrer en scène, sensuelle, dégageant un érotisme irrésistible et c'est l'émoi parmi le public des hommes...
Mais qui est Nana ?
Insouciante, frivole, Nana ne pense pas au lendemain, demain n'existe tout simplement pas. Elle obéit simplement à sa nature. Elle n'est pas vraiment belle mais elle plaît, elle fait venir les foules chaque soir au théâtre où elle apparaît en Vénus presque dévêtue, ce n'est pas forcément pour son talent de comédienne que les hommes se pressent mais pour son coup de hanche, elle est même déjà célèbre, les hommes viennent la voir, se bousculent pour cela.
Pourrait-on dire que Nana est un pur produit du second Empire dans son parcours insolite, sa volonté de conquête dans le désir qu'elle porte en elle ? Nana, femme presque encore enfant et devenue trop vite adulte par la force des choses, fille capricieuse, insolente, déchue et vengeresse du monde d'où elle vient, c'est-à-dire la rue, les trottoirs, le quartier de la Goutte d'Or, là-bas où elle faisait déjà les quatre cents coups, gamine des ruisseaux et des lavoirs, Gervaise sa mère, le peuple, le peuple de Paris et de ses faubourgs.
Elle a la cervelle d'un moineau et elle est gaie comme un pinson. Peut-on lui reprocher cela ?
Nana n'est pas méchante, elle est juste cruelle sans vouloir le mal au début.
Elle commence à comprendre peu à peu le pouvoir qu'elle détient, un pouvoir qui peut séduire, attirer, annihiler, détruire aussi. Elle se sent alors brusquement toute puissante. Par sa sensualité et par le sexe aussi...
Alors, elle affole les hommes, en fait des marionnettes, elle triomphe. Ah ! Ce pauvre comte Muffat... Pitoyable personnage symbolisant à lui seul ce second Empire et ce à quoi cette période ressemble alors...
Nana croque la fortune des banquiers comme on croque une pomme. Elle fait tourner les hommes riches qu'elle séduit dans une danse frénétique et endiablée.
C'est une époque, une classe sociale qui s'écroule, elle leur porte l'estocade, le pied de Nana posé sur cette hécatombe, ce charnier de la bourgeoisie et de l'aristocratie chancelantes déjà...
Ce récit est d'une férocité joyeuse, Nana rosse l'empire, elle humilie ce monde de pantomimes, elle se vautre dans le luxe des autres, et j'imagine que Zola, derrière elle, derrière sa créature diabolique qu'il a créée, jubile, jubile et se moque de l'empire, lui fait un bras d'honneur...
Les personnages secondaires, - mais sont-ils si secondaires que cela ? sont parfois touchants comme Georges qu'on surnomme Zizi, ou encore Satin, amie de Nana et même un peu plus après...
Je pense aussi à la position de la femme incarnée par le personnage de Nana sous le second Empire, ce qu'a voulu dire, transmettre Zola, ce que serait Zola aujourd'hui...
Je pense qu'aujourd'hui, Zola serait encore Zola, un homme d'esprit et de combat qui nous manque terriblement...
Commenter  J’apprécie          5913



Ont apprécié cette critique (54)voir plus




{* *}