Citations sur Le Tourneur de page, tome 1 : Passage en Outre Monde (14)
-Tu veux que je te rapporte quelque chose ?
-Oui ! Toi. Reviens vivant...
Mais chez Tahar, cet apprentissage semblait n'avoir pas de prise. C'était plus fort que lui. Impossible de réprimer son envie de dessiner. Rien ne pouvait empêcher sa main de tracer des silhouettes et des visages inconnus. Sa volonté n'était pas de taille à lutter. Son instinct triomphait.
Le Tourneur de Page veille au bonheur de chacun.
Guitin fit un pas, un autre et accéléra. Il savait que chaque pas le rapprochait d'Iriulnik et Rustor. Et pourtant, il avançait, pressé. Car chaque pas qu'il faisait, éloignait le tourneur de ses parents. Guitin leur offrait la seule minime chance de survie possible. Au risque d'u perdre la sienne.
-Ils sont vivants, mère. Je veux croire qu'ils sont vivants car sinon, à quoi bon ?
Ne voyaient-ils pas qu'il avait mal à s'en faire exploser la poitrine, son cœur tordu en tout sens par une main de fer ? Sa tête brassait des pensées contradictoires. Tantôt, la haine prenait le pas sur l'amour qu'il leur portait. Tantôt, il les regardait comme il l'aurait fait d'une espèce humaine inconnue. Ses parents étaient des victimes, trahis par un système qui pouvait leur enlever un fils aussi facilement qu'un bambou du jardin.
Mais son indifférence était feinte. Comme cette chance de nouveauté le tentait ! Plus encore qu'il n'osait se l'avouer. La colère de sa mère avait déclenché une prise de conscience brutale. Il savait que jamais il ne pourrait se soustraire aux règles, à la vie triste et soigneusement balisée qui l'attendait.
"– Allons, allons, mon garçon, sois raisonnable ! Je n’aimerais pas recommencer comme lors du dernier interrogatoire. Un brave type venu chercher son potentiel de fils. J’ai dû changer mon tapis tellement il était taché de sang. Tu ne voudrais pas salir mon tapis, n’est-ce pas ? Tu parleras de toute façon. Un conseil : fais-le maintenant !"
"« Personne ne saurait représenter la vie », une autre règle du manuel. Les parents, les maîtresses, les voisins le lui avaient répété de mille et une façons, sur tous les tons. Même s’ils n’esquissaient qu’un objet, les enfants s’exposaient à des critiques. Tous comprenaient rapidement qu’il convenait d’éviter ce mode d’expression."
"À l’exception des patrouilleurs, personne ne sortait avant l’heure fixée par la règle 213. Pour la préparation de son forfait, Alkan avait donc tablé sur un risque de collision s’approchant de zéro. Bien sûr, dévaler la rue sur un chariot à roulettes, les yeux fermés fermés, n’était pas pour autant la chose la plus intelligente à faire."