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Critique de Ansault


Résumé :

La première nouvelle qui ouvre ce recueil est Brûlant secret. Elle raconte l'histoire d'une mère et de son fils à la santé fragile âgé d'environ une douzaine d'année partis en vacances au grand air dans un hôtel luxueux. Un jeune dandy, oisif, baron de sa condition, aimant les femmes se trouve dans ce même hôtel. le baron est un chasseur cherchant aventures et trophées. Il trouvera en la mère d'Edgar comme un défi ou un challenge à relever. C'est sûr avant la fin de son séjour celle-ci sera sienne et succombera dans ses bras, car tel était son bon vouloir et tel sera son plaisir. Pour arriver à ses fins et conquérir une mère ne daignant pas répondre à ses avances, le fourbe Baron s'arrangera pour gagner l'amitié d'Edgar qui jouera bien malgré lui le rôle d'entremetteur.
Mais c'était sans compter sur la perspicacité du jeune Edgar. Et dés lors qu'il aura compris qu'il n'était aux yeux de son ami que le vulgaire instrument de sa fourberie, Edgar mettra tout en oeuvre pour contrecarrer les projets du Baron et se livrera à une surveillance étroite pour tenter de percer le mystère, ce brûlant secret dont l'innocence de son âge ne lui en avait pas encore révéler la teneur.

La seconde nouvelle, Conte Crépusculaire, nous parle de jeunes gens oisifs occupant leurs journées estivales en de longues promenades à cheval. Parmi eux un jeune homme, ou plutôt un adolescent. Alors que les autres occupent leurs soirées en fumant et jouant aux cartes, ce dernier se promène dans l'allée du parc qui entoure l'imposante demeure où il séjourne.
C'est alors qu'une jeune femme sortant de nulle part, tel un fantôme, se jettera sur lui effrontément et l'embrassera fougueusement. Elle s'en ira tout aussi mystérieusement sans qu'il ait eu le temps de voir qui elle était.
Hanté par la fulgurance de cet instant qui lui laissa entrevoir les délices d'une sensualité insoupçonnée jusqu'alors, il lui faudra trouver coûte que coûte qui parmi les convives pourrait être cette mystérieuse jeune femme.

La troisième nouvelle, La Nuit Fantastique, raconte l'histoire d'un homme dégagé de tout souci matériel et dont la vie, sans grand intérêt, s'écoule paisiblement. Il occupe son temps en distractions diverses et en relations mondaines. Désabusé, le confort de sa situation lui permettant d'obtenir ce qu'il veut quand il veut, la vie lui apparaît à la longue insipide. Il s'ennuie.
C'est alors qu'un dimanche après-midi enjoué par la chaleur estivale, ravi par l'allégresse des promeneurs, se laissant aller à ses humeurs printanières, il décide brusquement de se rendre à la campagne. Mais c'était sans savoir que là où il se rendait, se déroulait un Derby à l'hippodrome où toute la bonne société de Vienne avait rendez-vous. D'abord distant, ne semblant guère concerné, la vision d'une femme débordante d'opulence et d'extravagance, le conduira à jouer un jeu où les provocations s'enchaîneront et finiront par établir les circonstances qui changeront à jamais sa vie et sa vision du monde.

La dernière nouvelle, Les Deux Jumelles, est un conte drolatique, il nous emmène en des temps reculés et incertains. Là-bas deux soeurs jumelles, Hélène et Sophie, filles d'un chef de cavalerie de l'armée du Roi et d'une boutiquière, vivent dans la précarité et sont élevées par leur seule mère. Leur père, à l'âme guerrière et peu scrupuleuse, trahit son Roi par ambition et pour l'appât du gain. Démasqué, il sera rapidement désavoué et exécuté le jour de la naissance de ses filles.
Les deux soeurs si elles avaient héritées de la beauté de leur mère n'en étaient pas moins les dignes représentantes de la folie ambitieuse de leur père si bien que sans cesse elles étaient en concurrence l'une envers l'autre.
Quelques années plus tard alors qu'Hélène s'était jetée dans la luxure pour ravir aux hommes jeunes ou vieux leur fortune et vivre ainsi une vie de facilités et de débauches, Sophie en proie à une profonde jalousie se devait de faire plus qu'elle. C'est alors que l'idée de rentrer dans les ordres s'imposa d'elle-même. Elle restera pure quand sa soeur sera souillée par le vice, elle sera vertueuse quand sa soeur se livrera à la débauche et à la luxure.
Mais Hélène n'avait pas encore dit son dernier mot…

Mon appréciation :

En commençant la lecture de ces nouvelles, j'ai d'abord été enthousiasmé et j'ai franchement bien accroché au premier récit où l'action est pleine de rebondissements et où le personnage du jeune garçon est très attachant. C'est à la fois une quête initiatique vers la maturité, la fin d'un âge, la découverte de l'amour, l'apprentissage d'un nouveau monde, le passage vers l'âge adulte où les choses vous apparaissent tout à coup en une sorte de révélation extralucide. L'étude psychologique des personnages est d'une grande maîtrise, les sentiments et les émotions sont expliqués, justifiées, disséquées et tout cela est d'une parfaite cohérence.
Fort de ces constats, la lecture de la seconde nouvelle m'est apparue déjà comme moins palpitante. le portrait psychologique des personnages est toujours aussi pointu mais bien que les apparitions surnaturelles de l'être aimé soient d'une grande beauté, l'intrigue plus simple m'a laissé un peu sur ma faim.
Quant à la troisième nouvelle, l'analyse psychologique du personnage poussée dans ses extrêmes a fini par carrément m'ennuyer. Je lisais glissant sur ses longues phrases, perdu dans mes rêveries. Bref, j'étais blasé…

… Jusqu'au moment où, dans un éclair de lucidité, m'est apparue une thématique récurrente à nombres d'écrits de Stefan Zweig. Ca m'a d'abord interpellé, interrogé, puis intéressé avant de carrément me passionner et de redonner un éclairage nouveau et palpitant sur ce que je venais de lire. J'aurais presque pu en relire toutes les pages sous la lumière de cette découverte, si le courage ne m'avait pas fait défaut.
Tout en lisant cette histoire du jeune dandy, oisif et à l'abri du besoin, qui s'en va passer son dimanche après-midi au champ de courses, je me disais : « Mais bon sang, le Joueur d'Echecs, (que j'avais lu il y a très longtemps), m'avait laissé un souvenir enthousiaste et pourquoi donc ici, je ne retrouvais plus cette sensation ? »…
« le joueur d'échecs…, les échecs…, les courses…, le jeu…, le hasard…, l'argent…, les jeux d'argent et de hasard… »
« Mais c'est bien sûr !!! le jeu !!! »
Ici se cache l'essence même des écrits et de la personnalité de Stefan Zweig qui en font toute l'originalité. Tous les écrits qu'il m'avait été donné de lire parlaient de la même chose et le « Jeu » y joue un rôle capital.

Dans Brûlant secret, l'homme, le Baron parti en chasse de la mère d'Edgar est encore là aussi un jeune dandy, plein d'argent, issu de la noblesse cherchant à courtiser les femmes comme il miserait sur un numéro au casino. C'est un chasseur, un joueur, rien ne lui est plus plaisant que le jeu par lui-même et la femme qu'il convoite n'est rien d'autre que le lot à gagner. Il en va de même d'Edgar, qui une fois qu'il aura compris les intentions du Baron, entrera délibérément dans la partie, d'enfant immature, le voilà subitement transposé dans le rôle de joueur et d'adversaire. Les deux protagonistes jouent donc une partie serrée dont le lot ou la récompense est pour l'un les charmes sensuels de l'amour et pour l'autre la douceur et la sécurité maternelle : l'amante contre la mère.
De même dans le Conte Crépusculaire, là encore nous est décrite une société de jeunes inactifs, pour qui l'argent n'est assurément pas un problème et qui passent leur temps à jouer et à se promener. Quand il arrivera cette chose hallucinante au héros (se faire littéralement violer – nous sommes dans les années 30 !!! – par une inconnue dans les allées d'un parc d'une demeure bourgeoise), il ne cherchera plus qu'à découvrir qui pourrait bien être cette jeune fille. Il partira ainsi dans une sorte d'enquête policière, d'énigme à résoudre, comme un joueur qui chercherait des indices pour savoir sur quel numéro parier.
Dans La Nuit Fantastique, l'allusion au jeu est pour le coup flagrante en situant délibérément le début de l'intrigue dans un hippodrome au milieu des parieurs. Mais en réalité, comme dans les autres nouvelles mais d'une façon encore plus tragique ici, c'est précisément la vie du héros qui est mise en jeu. Ici le personnage ne se contente pas de jouer aux courses, il joue à la roulette russe et l'issue du jeu peut signifier une défaite c'est-à-dire la mort. Mais notre personnage en a parfaitement conscience et il en accepte l'issue de bonne grâce comme une éventualité probable. Quand on joue on accepte les règles du jeu et jouer inclus aussi le fait de perdre et même si perdre équivaut à mourir !
Et il en va ainsi dans la dernière nouvelle Les Deux Jumelles, les deux soeurs ont passé leur enfance à être en concurrence l'une envers l'autre, sans cesse elles se sont mises au défi. Leur choix de vie respectifs, luxure ou religion, luxe ou pauvreté, exubérance ou pudeur, n'a pas été déterminé par vocation mais en opposition l'une par rapport à l'autre. Elles jouent à la roulette : Hélène a misé ses jetons sur les rouges, alors que Sophie choisit de miser sur les noirs.

Alors évidemment bien que ces analogies et ces thèmes soient intéressants, ce qui en constitue la principale valeur c'est le message que Stefan Zweig tente de nous véhiculer à travers tout cela. Stefan Zweig est un poète et comme tout poète il semble habité par un certain idéalisme et une confiance en la nature humaine. Les personnages de Stefan Zweig sont en majorité désabusés et ils n'attendent plus grand-chose de la vie, ils mettent leur destin en jeu et ils s'en remettent délibérément au hasard en tentant de gagner la partie tout en sachant parfaitement qu'ils peuvent aussi bien la perdre. En réalité c'est Stefan Zweig qui tire les ficelles de tout cela et c'est lui qui décide de l'issue de cette partie. En tant qu'humaniste convaincu il nous propose toujours, et désolé si en disant cela je dévoile un peu trop de ces histoires, une issue qui vient en quelque sorte transcender le récit. Il en sort de cette errance de départ quelque chose de magnifier, quelque chose de grand, comme un espoir ou une révélation. Les personnages en sortent grandis, ils gagnent en lucidité comme si le sens de la vie venait de leur apparaître, comme s'ils venaient subitement d'accéder à la Connaissance Universelle.

Alors fort de ces constats, il me fallait désormais découvrir d'où pouvait venir cette intime conviction qui semblait être pour Stefan Zweig une véritable philosophie de vie. Quand on peut à ce point trouver des concordances, des similitudes, des thèmes directeurs dans les oeuvres d'un auteur ou d'un artiste, alors c'est sûr on est en passe de découvrir ce qui constitue l'essence même de toute une oeuvre.

Et c'est dans les travaux et la philosophie de Friedrich Nietzsche qu'on trouve, me semble-t-il, toute l'origine de l'oeuvre de Stefan Zweig.
(... suite dans autre message).
Lien : http://www.michel-danzo.com
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