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Critique de Alcapone


Conscience contre violence ou Castellion contre Calvin raconte le combat au sommet entre "la mouche et l'éléphant". Dans cette Suisse du 16e siècle, alors que la Réforme protestante se met en marche, Jean Calvin impose sa "bibliocratie" dictatoriale (cf. le traité de théologie Institution de la religion chrétienne, en latin Christianae Religionis Institutio publié en 1536 qui impose la nouvelle doctrine de l'orthodoxie protestante). Dans la ferveur de son fanatisme, Calvin qui ne souffre aucune idéologie différente de la sienne, réduit au silence tout opposant. le plus curieux, nous confie Stefan Zweig, est l'engouement des foules pour le dictateur en puissance : la population est muselée, contrôlée, punie. On ne compte plus les interdictions et les mesures drastiques imposées aux Genevois. Les prisons sont bondées de détenus arbitrairement condamnés (n'est-il pas vrai ainsi que le dit ironiquement Stefan Zweig que : "Réduire au silence les dissidents, ce n'est pas là, pour les dictateurs, excercer une contrainte, c'est agir d'une façon juste et servir une idée supérieure" ? (p.128). Malgré ces règlements drastiques et liberticides imposés au nom de la religion, les rênes du pouvoir sont tout de même confiés à Calvin qui se livre à la pire tyrannie théocratique. La soumission de l'État et des notables de Genêve en témoigne. Les courageux qui ont osé prostesté contre Maître Calvin sont tous réduits au silence. Les quelques sages dont l'honorable Érasme, qui choisissent de taire leur voix pour détourner l'attention de leurs travaux non moins critiques, n'inquiètent nullement le fervent défenseur de la "justice religieuse". Pour la nature foncièrement pacifiste de Sébastien Castellion, c'en est pourtant trop lorsque Calvin envoie au bûcher Michel de Servet au nom de Dieu : est-ce acceptable qu'un homme puisse être condamné à mort par l'État pour un débat théologique ? La réponse est clairement non. Pressantant une catastrophique confusion entre politique et religion ainsi que de nouveaux meurtres injustifiés, Castellion qui défend l'idée que : "Chercher la vérité et la dire, telle qu'on la pense, n'est jamais criminel. On ne saurait imposer à personne une conviction. Les convictions sont libres" (p.123), abandonne alors ses paisibles travaux de traduction de la Bible et s'engage à contrecoeur dans une âpre lutte au nom de la liberté de conscience et de la tolérance...

Comment ne pas adhérer à cette évidente déclaration de Castellion : "Tuer un homme, ce n'est pas défendre une doctrine, c'est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine ; ils tuaient un être humain ; on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme, mais en se faisant brûler pour elle." (p.157) ? Lorsqu'il se décide enfin à se dresser contre le despotique Calvin, c'est à un "monstre sacré" que s'attaque Castellion. Tant pis, il sait qu'il prend le risque de mourir en martyr mais il désormais est le seul à pouvoir mener ce combat magnifiquement rapporté par Stefan Zweig. A travers la lecture de ce précieux document à mi-chemin entre l'essai polémique et le roman historique, c'est à un véritable tournant de l'histoire de la Réforme protestante que l'on asssiste. Publié en 1936 alors que l'Allemagne nazie est en pleine expansion, ce livre que l'éditeur considère comme un "texte prémonitoire", traduirait-il l'inquiétude de Zweig face à la montée du fascisme ? Il semblerait pour certains que ce soit le cas. Quoiqu'il en soit, Conscience contre violence délivre un message qui ne manque pas de pertinence même de nos jours. Et c'est justement parce qu'il dépasse le cadre purement historique, que ce texte est intemporel...

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Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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