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Critique de fanfanouche24


Un ouvrage –dont un ami m'a très longuement parlé et ensuite prêté…Une lecture impressionnante, qui ne laisse pas indemne !

Ce témoignage de première main est des plus singulières, et ceci à plus d'un titre : Luce d'Eramo, fille de dignitaires fascistes, est partie comme volontaire pour intégrer un camp de travail nazi…Elle voulait se rendre compte par elle-même ; Expérience extrême aussi choisie pour marquer son désaccord avec son père, secrétaire d'Etat, mais aussi avec tout son milieu familial [ à un point difficilement concevable !! ]!

Les éditions du Tripode ont un catalogue exceptionnel, et ces récits personnels de la guerre, ne font pas exception. L'avertissement de l'éditeur est très précieux et explicite ; je le transcris tel quel :

« Nous devons la découverte du présent ouvrage à ce bref passage des Carnets intimes de Goliarda Sapienza : « Fini de lire –Le Détour- de Luce d'Eramo, assurément le plus beau livre de ces dix dernières années et peut-être un chef-d'oeuvre absolu ; cela m'obligera à relire –Si c'est un homme- et –Le dernier des Justes-, pour vérifier ce que je soupçonne. C'est-à-dire que le livre de Luce est le plus actuel sur ce sujet, le plus durement approfondi dans la démonstration de l'aventure nazie, le plus polémique et
courageux ».
La valeur du –Détour- tient de fait autant à ce que vécut Luce d'Eramo durant la Deuxième Guerre mondiale qu'au singulier processus de remémoration dans lequel elle s'engagea par la suite , et dont le livre témoigne.
Les textes qui composent ce récit ont été écrits successivement en 1953, 1954, 1961, 1975 et 1977. Conformément au choix de l'auteure, ils sont présentés dans l'ordre chronologique de leur rédaction, non nécessairement dans celui des événements qu'ils décrivent. La confusion qui en résulte parfois pour le lecteur répond à celle que connut Luce d'Eramo, aux esquives de sa mémoire et aux détours qu'elle emprunta avant de retrouver la cohérence de son histoire. «

On perçoit en effet, à travers ses presque deux années d'expériences atroces et difficilement dicibles dans différents camps, la distorsion et les importantes fluctuations de la mémoire ainsi que la perception du Temps se brouillant…

J'ai alterné cette lecture impressionnante et bouleversante, avec des écrits « plus légers »… car si ce livre est d'une qualité certaine, il n'en reste pas moins, très , très éprouvant à lire…Je reconnais, que j'ai faibli sur le dernier tiers…

Une oppression compréhensible devant la succession des ignominies humaines… même si au coeur de la barbarie, des petits ilôts de camaraderie, d'entraide, de compassion surgissent, redonnent l'Espoir, lorsque tout paraît « foutu » !.

Le ton de ce témoignage est d'autant plus percutant qu'il traite des sujets tragiques, épouvantables, universels de la guerre, de la cruauté humaine, en apportant des réflexions affinées, subtiles, sur le Bien et le Mal… pas la moindre trace de manichéisme mais une analyse des comportements ambivalents victimes-bourreaux…les renversements qui peuvent se faire très vite… L'AMBIVALENCE des comportements des individus en tant de conflit…de survie, en situations extrêmes ! !

« J'avoue que les nazis, je ne les haïssais même plus. Instruments d'un pouvoir qu'ils ne comprenaient pas, ils se donnaient l'illusion de ne pas être des marionnettes par leurs initiatives de cruauté que n'imposait aucun règlement. Les clouer à leur esclavage, tout était là. Ne jamais oublier qu'on leur rendait service chaque fois qu'on désespérait. (p. 361)”

Je dois avouer aussi qu'à plusieurs reprises j'ai apostrophé intérieurement et violemment l'auteure : « Mais pourquoi être retournée volontairement une seconde fois dans les camps de travail nazis « ? « Quelle folie furieuse ? » , « Dans quel but ? »…

En partie éclairée par les mots de Luce d'Eramo reconnaissant ne pas même comprendre totalement ses décisions de l'époque, à tel point que cet ouvrage lui a demandé 25 années d'écriture pour tenter de recoller les morceaux de sa mémoire et dépasser tous les dénis qu'elle avait fini par intégrér !!

« Que tout se soit passé ainsi, je l'ai nié ensuite à moi-même. Il m'a fallu arriver à cinquante ans pour reconnaître que j'avais été rapatriée. Après Vérone, j'ai pris l'habitude de raconter que j'avais été déportée à Dachau avec mes camarades à la suite de la grève, et j'ai fini par m'en convaincre. […] Mes souvenirs se rétrécissent. […] En 1961 seulement, année de « Sous les pierres » […], j'ai osé reconnaître ouvertement que je m'étais engagée volontaire dans un Lager. […] Et après, il m'a fallu encore quinze ans pour admettre que dans les Lager, j'y étais retournée de ma propre initiative «
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