Lily-Belle de Chollet publie aux éditions
Didier Jeunesse "
Le bleu des souvenirs d'été", un roman familial émouvant et intense.
Comme tous les étés, Lucile et Salomé passent leurs vacances dans la maison de famille. Mais cette année, Colombe, la troisième cousine, est absente. Entre sentiments et rancoeurs, cet été sera résolument différent : le poids des souvenirs et des secrets sera-t-il trop lourd à porter pour surmonter leur souffrance ?
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- Astrale, ça suffit maintenant. Grandis un peu. Tu ne vas pas pleurnicher sur ta maman toute ta vie, quand même !
- Grandir? Je ne fais que ça, grandir ! Si tu passais un peu plus de temps avec moi, tu t'en rendrais peut-être compte. Et si tu lui parlais comme ça, à Maman, ça ne m'étonne pas qu'elle soit partie !
Parapluie en main, les pieds mouillés à cause de ses tongs, elle longea la promenade qui courait au bord de l'océan, soudain euphorique. Elle n'avait rien à faire. Elle n'était pas pressée. Pas de devoir à rendre, pas de covoiturage à attraper, pas d'amis à écouter, pas de sœur à surveiller, pas de parents à réconcilier. Elle était libre.
Il parait que ce qui compte, c'est d'essayer. D'essayer encore et encore, de se relever lorsqu'on tombe, de batir des victoires sur ses échecs.
Au loin, la mer est bleue, elle aussi, bleue comme ces souvenirs d’été qui s’entrechoquent et qui se superposent, grande mosaïque mouvante, en perpétuelle reconstruction.
Parce qu’il y a des gens qu’on ne veut pas laisser s’échapper. Même quand ils nous on fait du mal, même quand ils ont commis les pires erreurs. Parce qu’on sait que ces gens-là ont un bon fond et qu’on les aime. Parce qu’on a envie de renouer. Parce qu’on sait que ça peut valoir le coup. Même si on risque de se tromper. On prend, ce risque. On le prend, car la vie est trop courte pour les regrets.
– Grandir ne devrait pas signifier qu’on renonce aux petits bonheurs. Ça devrait signifier qu’on en découvre des nouveaux.
– Je crois qu’on a grandi de travers.
– Non. Je crois qu’on a grandi entourées de travers.
C'est elle, ça ? Cette fille, là, dans le miroir ? Avec ses bras spaghettis et ses coudes proéminents, avec sa cage thoracique dessinée comme pour en étudier la composition, avec ses fesses plates, avec ses cheveux ternes et abîmés, avec ce teint
cireux et ce regard halluciné?
Comment a-t-elle pu devenir cette fille-là ? Elle n'a jamais voulu devenir cette fille-là !
Grandir ne devrait pas signifier qu'on renonce aux petits bonheurs. Ça devrait signifier qu'on en découvre des nouveaux.
Sa famille va encore râler, mais ces chaussures, elle ne les remettra pas avant fin aout. D ici à quelques jours, ses talons seront recouverts de corne et elle marchera sans se soucier des gravillons. Elle sèmera sable et poussière sur le carrelage et le plancher, et elle salira ses draps de lit. Elle se sentira libre.
Ça devrait être si facile de répondre. Aisling sait, elle. Elle sait qui elle est et ce qu'elle veut. Elle est plus jeune, mais elle
a mille lieues d'avance sur Lucile, qui est encore prisonnière de ses peurs.
Ce sont ces peurs qui les séparent. Elles qui tricotent des nœuds avec les mots de Lucile pour les empêcher de sortir. Peur d'être vulnérable. Peur d'être rejetée. Peur d'être blessée. Peur de ne jamais être aimée. Peur de plein de choses. Le sang qui pulse contre les tempes et la tête qui tourne, Lucile vacille.