Parapluie en main, les pieds mouillés à cause de ses tongs, elle longea la promenade qui courait au bord de l'océan, soudain euphorique. Elle n'avait rien à faire. Elle n'était pas pressée. Pas de devoir à rendre, pas de covoiturage à attraper, pas d'amis à écouter, pas de sœur à surveiller, pas de parents à réconcilier. Elle était libre.
Parce qu’il y a des gens qu’on ne veut pas laisser s’échapper. Même quand ils nous on fait du mal, même quand ils ont commis les pires erreurs. Parce qu’on sait que ces gens-là ont un bon fond et qu’on les aime. Parce qu’on a envie de renouer. Parce qu’on sait que ça peut valoir le coup. Même si on risque de se tromper. On prend, ce risque. On le prend, car la vie est trop courte pour les regrets.
Au loin, la mer est bleue, elle aussi, bleue comme ces souvenirs d’été qui s’entrechoquent et qui se superposent, grande mosaïque mouvante, en perpétuelle reconstruction.
– J’ai fait un truc frappadingue. Un truc qui ne devrait exister que dans les films et qui aurait dû capoter il y a longtemps.
– Considère ma curiosité doublement piquée, je t'écoute.
– J'ai échangé d'identité avec ma meilleure amie.
Pensant que je plaisante, Dean attend la chute, un sourire moqueur aux lèvres. La chute ne vient pas. Son sourire s'efface.
Tess était rarement honnête à propos des belles choses. Elle réprimait les compliments et les encouragements, car Esmée les retenait aussi. Cercle vicieux. Ne pas vouloir donner l'impression de faiblesse.
Ce n'était pas une faiblesse ; c'était de l'amour, et il n'aurait pas dû être invisible entre elles.
Il l'était, pourtant.
On n’a qu’une vie. Si on la passe à vivre dans sa tête, alors on manque tout ce que le monde a en réserve pour nous.
« On dira que je suis toi ».
Ça a commencé comme ça, avec un pari un peu fou. Franchement, je ne pensais pas que ça nous mènerait aussi loin. Je ne pensais même pas qu'on le ferait.
Mais il n'est pas question que je renonce à ce que j'ai gagné.
Elle, c'est moi maintenant.
Quand un secret n’appartient qu’à soi, il est en sécurité. On peut en prendre soin, le garder contre sa poitrine et s’endormir avec lui. Dès qu’on le place entre les mains de quelqu’un d’autre, on prend le risque qu’il s’évente.
– Grandir ne devrait pas signifier qu’on renonce aux petits bonheurs. Ça devrait signifier qu’on en découvre des nouveaux.
– Je crois qu’on a grandi de travers.
– Non. Je crois qu’on a grandi entourées de travers.
L’éternité l’étreignit. Une éternité où ils mouraient au ralenti. Une éternité où chaque mouvement ne paraissait mener nulle part. Une éternité toujours plus douloureuse. Une éternité sans oxygène.