Citations de Michel-Ange (65)
Tout ce qui est beau, tout ce qui charme, passe en un instant des yeux au cœur...
J'ai vu un ange dans le marbre et j'ai seulement ciselé jusqu'à l'en libérer.
LXXV
ÉPIGRAMME
Il m'est cher de dormir et plus d'être de pierre,
Tant que la honte dure et le malheur ;
Ne pas sentir, ne pas voir, c'est bonheur ;
Ne m'éveille donc pas ; de grâce, parle bas.
[ extrait des notes :
Écrite à la fin de 1545 ou au début de 1546, cette très célèbre épigramme répondait à celle que Giovanni di Carlo Strozzi avait rédigée " Sur la Nuit du Buonarroto " ( c'est à dire sur l'allégorie de la chapelle des Médicis ), et dont voici la teneur : " La Nuit que tu vois si doucement / Dormir fut sculptée par un Ange / Dans cette pierre, et, parce qu'elle dort, elle vit : / Éveille-là, si tu n'y crois, elle te parlera. " ]
XI Distique
Toute rage, toute misère, toute force :
Qui s'arme de l'amour vaincra toute fortune.
LII Madrigal
Il n'était point besoin à ton alme beauté
De me lier, déjà vaincu, par quelque corde ;
Car, s'il m'en souvient bien,
D'un seul regard je fus proie et captif.
Aux grands tourments que nous savons,
Force est qu'un faible cœur aussitôt cède ;
Mais qui jamais croira
Que, pris à tes beaux yeux, en peu de jours,
Un bois brûlé, desséché, reverdisse ?
L'art vit des contraintes , et meurt de liberté
Le plus grand danger pour la plupart d’entre nous n’est pas que notre but soit trop élevé et que nous le manquions, mais qu’il soit trop bas et que nous l’atteignons.
Dieu a donné une sœur au souvenir et il l'a appelée espérance.
J'ai vu un ange dans le marbre et j'ai seulement ciselé jusqu'à l'en libérer.
Je reste seul à me consumer dans le noir
quand le soleil dérobe au monde sa lumière.
D'autres, c'est par plaisir qu'ils s'étendent à terre,
moi, c'est dans mon malheur pour gémir et pleurer.
Ici, il m'a lié, là il m'a délié;
j'ai pleuré sur mon sort et, douleur infinie,
je l'ai vu s'éloigner de ce marbre, celui
qui m'a pris à moi-même et puis m'a rejeté.
SONNET 248
Dal ciel discese, e col mortal suo, poi
che visto ebbe l'inferno giusto e 'l pio,
ritornò vivo a contemplare Dio,
per dar di tutto il vero lume a noi,
lucente stella, che co' raggi suoi
fe' chiaro a torto el nido ove nacqu'io,
né sare' 'l premio tutto 'l mondo rio
tu sol, che la creasti, esser quel puoi.
Di Dante dico, che mal conosciute
fur l'opre suo da quel popolo ingrato
che solo a'iusti manca di salute.
Fuss'io pur lui ! c'a tal fortuna nato,
per l'aspro esilio suo, co' la virtute,
dare' del mondo il più felice stato.
Du ciel il descendit, puis quand il eut,
lui mortel, parcouru l'enfer juste et pieux ,
il retourna vivant contempler Dieu,
pour nous donner sur tout la vraie lumière.
Brillante étoile, qui de ses rayons
à tort illustra le nid où je nacquis,
ce monde vil ne saurait la payer,
toi seul le peux, [Seigneur], qui l'as créée.
De Dante je parle, dont méconnues
furent les œuvres de ce peuple ingrat,
qui aux seuls justes dénie son salut.
Fussé-je lui ! Né pour un tel destin
pour son âpre exil, avec sa vertu,
je donnerais le sort le plus heureux du monde.
« Michel-Ange était-il aussi poète ? » . C'est là une question que les contemporains de l'artiste ne se posaient pas.
Le 14 juillet 1564, lors des funérailles solennelles que Florence réserva à son fils illustre, qui l'avait boudée pendant une trentaine d'années pour vivre, produire et mourir à Rome, le pompeux catafalque était orné, aux quatre coins, de statues en bois représentant les quatre arts où il avait excellé sa vie durant : la sculpture, la peinture, l'architecture, la poésie.
Cette glorieuse promotion de la poésie était évidemment due pour partie aux circonstances funèbres, et... aux nécessités de la symétrie. Elle devait disparaître d'ailleurs bientôt pour laisser toute la place aux trois arts « majeurs ». Néanmoins, il y a là une attestation du renom dont jouissait de son temps Michel-Ange poète.
(INCIPIT)
A 15 ans, on veut plaire ; à 20 ans, on doit plaire ; à 40 ans, on peut plaire ; mais ce n'est qu'à 30 ans qu'on sait plaire.
Rappelons, en effet, que Michel-Ange n'était pas un lettré humaniste, formé dans les universités, les académies ou les cours princières. C'était un artisan, devenu artiste de génie, mais qui dans ses lettres signait le plus souvent « Michelagniolo, scalpellino » : un homme, en somme, qui maniait d'abord le marteau et le ciseau. Il est autodidacte, comme Léonard et la plupart des artistes de son temps, ce qui ne signifie nullement qu'il soit inculte, ni indifférent aux vertus de l'écriture ou aux courants littéraires de son époque : pétrarquisme, néoplatonisme, poésie burlesque et bernesque, maniérisme. Et il connaissait, disait-on, Dante presque par cœur !
La plus irréparable des pertes est celle du temps.
Poésies (1531-1547), Madrigal XXI
je viens m’abriter sous tes cils….
mon vif désir ne peut, pour mon malheur,
ne pas le revoir en ton être mortel.
Comme du feu la chaleur, mes pensées
ne peuvent être abstraites du beau éternel,
louant qui le créa et plus lui ressemble.
Puisqu’en tes yeux tient tout le paradis,
pour remonter où d’abord je t’aimai,
ardant, je viens m’abriter sous tes cils.
Mon allégresse est la mélancolie,
ma tranquillité, ce sont mes tourments ;
La mia allegrezz'è la maninconia,
e 'l mio riposo son questi desagi;
SONNET 250
Jamais on n'en dira ce qu'on devrait,
tant sa splendeur éblouit les aveugles ;
on peut blâmer le peuple qui l'outragea,
mais qui peut parvenir au moindre de ses dons ?
Quante dirne si de' non si può dire,
ché troppo agli orbi il suo splendor s'accese ;
biasmar si più 'l popol che l'offese,
c'al suo men pregio maggior salire.
Il descendit au tréfonds des péchés,
pour notre bien, puis s'éleva vers Dieu ;
mais les portes qu'au ciel on daigna lui ouvrir,
sa patrie les ferma a ses justes vœux.
Questo discese a' merti del fallire
per l'util nostro, e poi a Dio ascese ;
e leporte, che 'l ciel non gli contese,
la patria chiuse al suo giusto desire.
Oui ! Ingrate, et de son triste destin,
à son dam nourrice : signe patent
qu'aux plus dignes elle octroie les pires maux.
Ingrata, dico, e della suo fortuna
a suo danno nutrice ; ond'è ben segno
c'a' più perfetti abonda di più guai.
Entre mille preuves, une que voici :
si sans pareil fut son indigne exil,
jamais l'on ne vit naitre un plus gand homme.
Fra mille altre ragion sol ha quest'una :
se par non ebbe il suo exilio indegno,
simil uom né maggior non nacque mai.
(Sonnet en hommage à Dante)
SONNET 153
Comme d'argent ou d'or
fondus par le feu, attend d'être empli,
vide de l'œuvre achevée,
le moule qui, brisé, seul la délivre,
ainsi moi, du feu d'amour
en mon sein je nourris
le désir, vide d'infinie beauté,
de celle que j'adore,
cœur et esprit de ma fragile vie.
Une noble et accorte dame
descend en moi par si étroits pertuis,
que pour l'en arracher il faut me fendre et rompre.
Non pur d'argento o d'oro
vinto dal foco esser po' piena aspetta,
vota d'opra prefetta,
la forma, che sol fratta il tragge fora ;
tal io, col foco ancora
d'amor dentro ristoro
il desir voto di beltà infinita,
di coste' ch'i' adoro,
anima e cor della mie fragil vita.
Alta donna e gradita
in me discende per si bravi spazi,
ça trarla fuor convien mi rompa e strazi.