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Critiques de Michel-Ange (7)
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Poèmes

Je ne voyais pas le peintre. Trop grand, trop haut. Ce n'était pas une question d'angle, c'était une question de longueur..celle de ma vue. C'est par son geste que j'ai appris un peu à le comprendre.

Et son geste, celui qui a oeuvré l'homme lui même, c'est la pierre, le marbre. Michel Ange est effectivement immense. David, Moïse, le Dôme, la Chapelle, ses piétas, la beauté de l'esclavage de son Seigneur et celle de son Maître.

Son seigneur : l'Amour, son Maître : sa hauteur céleste.

Les poèmes de Michel Ange n'ont pas été publié de son vivant. Je ne pense pas qu'il l'aurait souhaité. Je pense même que le feu de sa colère aurait été terrible. A faire fondre tout l'or blanc de Carrare.

Michel Ange nous a donné le chemin du Ciel, il gardait en lui ses enfers. Et la profondeur de ses enfers n'a rien à envier à celle de l'éternelle félicité.

C'est la chair de l'homme qui éclate , brûle et saigne dans l'éclat de ses vers.

Michel-Ange a porté, cogné nuit et jour son cœur aux portes des montagnes pour que nous puissions entrevoir toute la beauté qu'il pressentait.

Tous les sommets ont leur faille, la sienne était un étroit jugement dernier.

Mais l'esprit de son geste n'a pas failli et a rejoint le regard de son âme.

Michel-Ange : celui par qui l'Amour est arrivé.

« L'art l'emporte, en conséquence, sur la nature ». LIX

Mais, à vous entendre, Maître, ...en étiez vous si sûr ?..



Astrid Shriqui Garain



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Poésies/Rime

Michel-Ange à écrit "Dieu a donné une sœur au souvenir et il l'a appelée espérance".

Était-ce une manière de dire qu'il caressait l'espoir que l'on se souvienne de lui ?

Ou alors se souvenir était-il pour lui une forme d'espérance ?



Dans ses "Vite", voici comment Vasari entame son portrait de Michel-Ange :

"Tandis que les esprits industrieux et élevés, grâce à la lumière du très célèbre Giotto et de ses successeurs, s’efforçaient de donner au monde une preuve de la valeur dont la bienfaisance de leur étoile et leur complexion naturelle les avaient doués ; tandis que, désireux d’imiter la grandeur de la nature par l’excellence de l’art, pour parvenir, autant qu’il leur était permis, à cette suprême connaissance des choses qu’on nomme généralement l’intelligence, ils se livraient aux plus grands efforts, quoique bien souvent en vain ; le bienveillant Maître des cieux tourna les yeux vers la terre, et voyant la vaine infinité de tant de fatigues, l’insuccès de tant d’études opiniâtres et la présomptueuse opinion des hommes plus éloignés de la vérité que les ténèbres ne sont distantes de la lumière, le Maître des cieux, dis-je, se décida à envoyer sur la terre un génie qui fût universel dans tous les arts et dans tous les métiers, et qui montrât par lui seul quelle chose est la perfection de l’art du dessin, tant pour esquisser, faire les contours, les ombres et les lumières, donner du relief aux choses de la peinture, introduire un jugement droit dans les procédés de la sculpture, enfin, en architecture, rendre les habitations commodes et sûres, saines,agréables, bien proportionnées et riches dans les ornements variés. Il voulut en outre douer ce génie de la vraie philosophie morale, en l’agrémentant de la douce poésie, en sorte que le monde le considérât et l’admirât comme son unique miroir, dans la vie, dans les œuvres produites, dans la sainteté des mœurs, en un mot dans toutes les actions humaines de manière enfin que cet homme fût regardé par nous comme une créature divine plutôt que terrestre."



Il est des livres qui n’en « finissent pas de dire ce qu’ils ont à dire. »

Il est des livres qui, lorsqu’ils nous parviennent, portent en eux la trace des lectures antérieures à la nôtre.

Il est des livres dont on entend toujours proclamer : « Je suis en train de le relire... » et jamais : « Je suis en train de le lire... »



Offrir à la (re)lecture quelques-uns de ces ouvrages, proprement classiques selon la définition d’Italo Calvino, tel est le cadeau que les Éditions Les Belles Lettres offrent avec leur collection "La Bibliothèque italienne".

Qu’ils aient trait à la littérature, à la philosophie, à l’histoire ou à l’esthétique, les livres de cette collection un tous en commun : d'avoir marqué non seulement la culture italienne, mais diverses cultures de l’Europe ; d'avoir suscité des nuées de discours critiques, ou d’ouvrages de seconde main, dont il importe de les dégager ; et leur lecture « les rend d’autant plus neufs, inattendus, inouïs, qu’on a cru les connaître par ouï-dire. »



Systématiquement présentés dans une édition bilingue, les textes sont travaillés avec soin, aussi bien dans l’établissement du texte original que dans la traduction française. Celle-ci est l’œuvre de spécialistes reconnus de la littérature italienne, particulièrement soucieux de restituer la saveur étonnante de ces textes où se mêlent souvent les registres les plus variés de la langue.



Pour les plus fins connaisseurs, ou observateurs, des collections de cet éditeur, chacune des ses collections porte un signe distinctif la chouette pour la collection grecque, la louve pour la collection romaine et.... Un centaure pour la collection italienne

Mais le centaures ne sont pas des mythologie grecque certes nés d’un dieu, mais d’une sauvagerie inouïe, violeurs, égorgeurs, buveurs, mangeurs de viande crue, querelleurs jusqu’au crime, les centaures vivent en bandes dans les forêts de Thessalie où il vaut mieux ne jamais avoir affaire à eux.

Celui de la nouvelle couverture, cependant, est représenté seul, sans marque d’animosité, la tête un peu inclinée, le bras levé comme pour un signe de ralliement ou d’apaisement, la poitrine offerte. Et il n'est pas interdit de penser immédiatement à Chiron, cité même par Machiavel dans "Le Prince"

Chiron qui fut un sage, éleva entre autres Achille, Castor et Pollux, Thésée, Esculape, Melampode, Pelée, Actéon, Dionysos et Hercule.

Xénophon attribue au centaure l’intelligence de l’homme jointe à la force et la rapidité du cheval.

Et comme le dit la chouette elle-même, dans l'ouvrage "Chouette & Cie" : "Nos directeurs de collection ont mis, eux, Chiron sur nos couvertures pour le saluer comme « le maître des princes » et considéré que son enseignement est un remède « aux maux de la société civile » selon les mots de Nuncio Ordine et d’Yves Hersant. Nul doute qu’après avoir inspiré Machiavel, il n’accompagne chacun dans ses lectures, en parfait pédagogue, avec autant de fermeté que de bonté."



Alors suivons-le sur les traces de Michel-Ange, le poète

Certes Michel-Ange occupé une place centrale au sein de la fameuse trinité artistique de la Renaissance : il naît en 1475, vingt-trois ans après Léonard, et huit ans avant Raphaël.

Raphaël qui lui rendra hommage dans "l'école d'Athènes", car leur rivalité légendaire cachait aussi un profond respect, il l'a représenté sous les traits du ténébreux philosophe Héraclite , qui plus est, en train d'écrire....

Cet ajout à eu lieu suite à la création de la fresque, lorsque Raphaël a admiré la voûte Sixtine, un détail visible dans le dessin préparatoire de la Pinacothèque Ambrosienne de Milan, où Michel-Ange n'apparaît pas. Une sorte de reconnaissance picturale posthume.



Dans la famille des arts comme dans toute famille, la place du milieu est inconfortable, et elle demande à son récipiendaire force et originalité pour se distinguer.

Michel-Ange n’en a pas manqué, lui qui sut se distinguer par sa terribilità et son audacia. Il fut le seul des trois artistes à marquer de son génie les trois segments des beaux-arts : peinture, sculpture, architecte. Cette plénitude humaniste fut rendu possible par la maîtrise du dessin, seul vecteur commun aux trois disciplines. Mais il manque un pan entier et souvent méconnu de son Grand Œuvre : ses écrits.



Marcel Brion écrivit : "Il caressait de son ciseau la chair du Crucifié, et en même temps un poème chantait en lui, qui était la prière qui était la prière ardente de ce siècle nouveau qui retrouvera à sa manière et sur ses propres voies le chemin vers Dieu :

« Daigne, Seigneur, te manifester partout à mes yeux, pour que mon âme, pénétrée de ta lumière divine, étouffe toute ardeur qui te serait étrangère et brûle éternellement dans ton amour.

Je crie vers toi, ô mon Dieu ! C’est toi seul que j’invoque contre mon aveugle et vaine passion. Régénère en mon cœur, par un vif repentir, mes sentiments, mes désirs et ma vertu mourante.

Tu abandonnas au temps mon âme immortelle et, captive sous sa fragile enveloppe, tu la livras au destin.

Hélas, veille sur elle, et pour la fortifier et pour la soutenir. Sans toi, elle est privée de tout bien, et son salut dépend de ta seule puissance »



Durant toute sa vie, Michel-Ange avait l’habitude d’écrire ses poèmes, soit au dos des lettres qu’il recevait, soit sur des feuilles de dessins. Parfois, nous rencontrons ainsi des sonnets ou des madrigaux complets, parfois quelques lignes, seulement, quelques mots même qui prennent alors pour nous une valeur de choc comparable à celle que possèdent les fragments d’Héraclite, d’Anaxagore, ou d’Empédocle.

Car ce n’est pas l’élaboration poétique qui s’exprime ainsi, mais la vivacité subite de l’inspiration, l’illumination, l’éclair du génie. Car le Michel-Ange poète est mu par diverses inspirations.



Son travail comme dans ce sonnet 84 :



"Tout comme en la plume et l'encre réside

le style bas, élevé ou moyen ,

et dans le marbre image noble ou vile,

selon qu'en sait extraire notre esprit ,



ainsi, cher seigneur, votre sein peut-être

abrite orgueil autant qu'humilité ;

mais je n'en tire que ce qui m'est propre

comme au-dehors le montre mon visage.



Qui sème soupirs et larmes et plaintes,

(l'eau du ciel, simple et pure, sur la terre

se fait diverse en nos divers semis),



ne moissonne que larmes et souffrances ;

qui mire en si grand deuil haute beauté,

en tire âpres peines et tourments certains."



Ou encore le sonnet 46



" Si mon grossier marteau de durs rochers

tire telle ou telle forme d'image humaine,

de l'agent qui le tient, guide et manie,

tirant son élan, il suit les pas d'autrui.



Mais le marteau divin qui au ciel demeure

les autres et soi-même orne de sa course ;

et si nul marteau sans marteau ne peut être,

de ce vif outil tout autre procède.



Or comme le coup est d'autant plus puissant

qu'il s'élève plus haut dessus l'enclume,

bien plus haut, celui-ci au ciel s'est envolé.



Dès lors mon œuvre, imparfaite, échouera,

si le divin forgeron or ne l'aide lui,

qui était unique au monde, à l'accomplir."



L'âme timide et sombre de l'artiste se confie au lecteur, attentif à la sphère privée, des désaccords religieux aux désirs amoureux, avec une mélancolie subtile qui devient la trame des sonnets, trame également précieuse pour analyser sa magnifique production artistique.



Michel-Ange est devenu l'emblème de la solitude de l'artiste et en même temps de la grandeur créatrice, de ce qu'est un homme lui seul peut créer, trouvant au plus profond de lui-même la détermination et la courage de continuer, tout en étant conscient, comme il l'écrit à la fin, de ne pas être peintre et de se retrouver dans un lieu hostile, faisant référence au contexte romain et à la cour papale.



Il ajoute dans une lettre à son père à l'hiver 1509 : « Moi J'ai encore une grande imagination, [...] parce que mon travail n'avance pas d'une manière qui me semble le mériter. Et c'est là la difficulté du travail, et encore ce n'est pas ma profession. Et pourtant, je perds mon temps en vain. Dieu aide moi" »



Et on ne peut s'empêcher de s'émouvoir sur certains sonnets comme celui-ci, l'un des derniers de l'ouvrage, sur la mort qui le hantait particulièrement



SONNET 295



Certain de ma mort, mais non de son heure,

ma vie est brève, et il n'en reste guère ;

ce séjour charme nos sens, mais non l'âme,

qui me supplie sans cesse de mourir.



Le monde est aveugle et son triste exemple

détruit et submerge tout vertueux usage ;

éteinte est la lumière, enfuie toute assurance,

le faux triomphe et le vrai reste coi.



Ah, quand donc, Seigneur, viendra ce qu'attend

qui croit en toi ? Chaque nouveau retard,

brisant l'espoir, de mort menace l'âme.



À quoi bon promettre tant de lumière

si mort la devance et, sans nul remède,

fixe à jamais l'état où elle nous surprend ?



Di morte certo, ma non già dell'ora,

la vita è breve e poco me n'avanza ;

diletta al senso, è non però la stanza

a l'alma, che mi prega pur ch'i' mora.



Il mondo è cieco e 'l tristo esempro ancora

vince e sommerge ogni prefetta usanza ;

spent'è la luce e seco ogni baldanza,

trionfa il falso e 'l ver non surge fora.



Deh, quando fie, Signor, quel che s'aspetta

per chi ti crede ? c'ogni troppo indugio

tronca la speme e l'alma fa mortale.



Che val che tanto lume altrui prometta,

s'anzi vien morte, e senza alcun refugio

ferma per sempre in che stato altri assale ?



Une chose est certaine j'ai bien fait de suivre Chiron, et que après l'espoir de pouvoir lire l'intégralité de ses Rime, j'en garderais un souvenir magnifique...
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Poèmes



C'est un homme couché pendant cinq ans pour peindre un ciel,

le ciel de l'histoire de notre mémoire.

C'est un homme caché derrière un visage qui inspire l'effroi

qui sait qu'avec toi dans mon coeur, je vaux plus que moi-même

Un homme fasciné par la chute,

celle de Phaëdon - dessinée aussi vite que la chute du char.

C'est un homme qui a grandement osé

et qui a grandement réussi,

tiraillé entre un art - fenêtre béante

sur tous nos rêves

et une conscience de son âme à la recherche de l'amour divin.

Un homme qui partant de rien a fait le temps

et n'avait plus qu'une seule joie, la mélancolie,

jusqu'à demander la mort,

une mort debout

comme le Christ de la Piéta Rondanini.

Hasard,

si dans le même temps des siècles et de leur âge

très avancé,

messieurs Tiziano Vecellio et Michel Angelo Buanorotti

sont mort

en travaillant sur une piéta

les deux à peine inachevées.





Nous lirons Michel-Ange devant ses dessins, ses sculptures ou ses peintures,

nous regarderons en lisant ses sonnets,

avec les quatuors de Beethoven



Ce sera à Rome, à Milan ou ailleurs.



Nous boirons après le plus possible

Pour assimiler tant de force
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L’Œuvre littéraire de Michel-Ange

Une traduction de Jean-Augustin Boyer d'Agen (romancier, essayiste, éditeur) regroupant, après une longue introduction en trois parties dans laquelle est insérée la Vie de Michelagnolo Buonarroti d'Ascanio Condivi - la référence en matière de biographie du génie de la seconde Renaissance italienne qui, à ce qui se raconte, fut soufflée à l'oreille de son auteur par Michel-Ange lui-même dont il fut l'élève -, quelques fragments de la correspondance personnelle de l'artiste mêlant ses propres écrits aux messages de ses correspondants et des extraits de son œuvre poétique (sonnets, épigrammes, élégies, stances, madrigaux et cansone).
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Rime

Nous connaissons tous Michelangelo Buonarotti (Michel-Ange en français) comme architecte, peintre et sculpteur dont le talent n'est plus à démontrer. Mais, à travers le Rime, c'est un poète que l'on découvre.



Dans ses poèmes, on découvre un être en souffrance à tout point de vue et notamment dans ses relations amicales et amoureuses ou encore en tant qu'artiste.

Plusieurs thématiques sont évoquées dans ses poèmes : la religion, la mort, son activité de peintre et les difficultés qu'il rencontre au quotidien, le concept de la sculpture ('enlever la matière pour dévoiler l'oeuvre d'art qui se cache dans le bloc de marbre'). Certaines poésies sont en réalité une correspondance qu'il entretient avec Vittoria Colonna, le grand amour de sa vie (même s'il s'agit en réalité d'un amour platonique) qui aura eu une influence considérable sur Michelangelo.



Ces poèmes confirment le génie artistique de Michel-Ange, l'écriture est poignante, les mots sont forts et bien choisis et reflètent parfaitement son état d'esprit plus que tourmenté. Une pépite d'émotions !
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Correspondance : Coffret 2 volumes

Critique de Vincent Huguet pour le Magazine Littéraire



Loin des affres de la création, la correspondance de Michel-Ange montre un artiste de la Renaissance en butte aux difficultés du quotidien. Peut-être que la critique la plus limpide du Carteggio, la correspondance complète de Michel-Ange tout juste parue aux Belles Lettres, est simplement le roman de Mathias Énard publié à la rentrée dernière : Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants (éd. Actes Sud). Imaginant que Michel-Ange aurait passé quelques mois à Constantinople pour y dessiner un pont sur la Corne d'Or, l'auteur glisse dans son roman quelques détails « vrais », dont des lettres échangées entre Michel-Ange et son frère Buonarroto, assez floues, ou floutées, pour servir le propos du romancier, mais assez réelles pour donner au lecteur un avant-goût de ce qui l'attend dans les cinq cents et quelques autres lettres. Et l'on comprend assez vite qu'il fallait bien toute l'imagination d'un romancier pour inventer, entre ces lettres, une existence qui soit à la hauteur de l'un des plus grands artistes de l'histoire, déjà considéré comme « divin » de son vivant, auteur de La Pietà, du David, des fresques de la chapelle Sixtine ou du dôme de Saint-Pierre de Rome... Car ces lettres, qui permettent de suivre l'artiste de 1496, alors qu'il a 21 ans, à 1564, quelques jours avant sa mort à l'âge canonique de 89 ans, sont dénuées de ce qu'on imaginait y trouver. Michel-Ange n'y déploie pas les fulgurances que l'on trouve dans les carnets de Léonard de Vinci, et il n'y raconte presque rien de ce qu'on lit chez un de ses premiers biographes, Vasari. Avec le Carteggio, on est aux antipodes des correspondances d'artistes tourmentés par leur désir et leur création, tels que Camille Claudel ou Van Gogh en incarneront les modèles, beaucoup plus tard. Car il serait anachronique d'oublier que Michel-Ange est un homme de la Renaissance, c'est-à-dire d'une époque où le statut de l'artiste est en train de changer. C'est sans doute l'un des grands mérites de cette correspondance que de montrer, lettre après lettre, l'ambiguïté de ce statut : d'une part, Michel-Ange est courtisé par les puissants, les Médicis, les papes, qui l'invitent régulièrement et tentent de le débaucher de ses grands chantiers, mais, en même temps, l'artiste écrit au quotidien ses difficultés, les incessants retards de paiement, souvent sur plusieurs années, les trahisons, les cabales ou, pis encore, le manque de respect pour son travail. Souvent, les lettres laissent apparaître un homme qui tient plus du chef de chantier, soucieux des délais de livraison des blocs de marbre, que de l'artiste « divin » théorisant sur son oeuvre ou la commentant. « Mieux eût valu pour moi que, dès mes premières années, je me fusse mis à fabriquer des allumettes [plutôt que de me consacrer à l'art] », écrit-il dans une lettre, mi-figue mi-raisin, et sans doute dans cette « sorte de complexe d'échec » dont parlait André Chastel.

L'intérêt de cette correspondance n'est donc pas de corriger ou d'éclairer l'image donnée du grand homme par les biographes, mais plutôt de le découvrir au quotidien, dans les préoccupations qui pouvaient être celles d'un homme du début du XVIe siècle, si génial fût-il. Acquisitions immobilières, tissus, fromages, saucisses font l'objet de la majeure partie de la correspondance entre Michel-Ange, installé à Rome, et sa famille, enracinée à Florence, pour laquelle, en raison de son succès et de son prestige, il devient une sorte de « parrain ». À son neveu Leonardo, il répond en 1560 : « Lionardo, j'ai reçu tes pois chiches rouges et blancs, les petits pois et les haricots : je les ai fort appréciés, bien que je me porte de telle sorte que je peux difficilement faire carême [...]. » L'humour relève parfois ces échanges de boutiquiers, comme quand, au même neveu, l'artiste écrit, avant son mariage : « Quant à la beauté, comme tu n'es pas toi-même le plus bel homme de Florence, tu n'as pas trop à t'en soucier, pourvu que [l'épouse] ne soit ni bancale ni repoussante » ; puis, juste après son mariage, étrangement méfiant : « Vis heureux, sois prudent et réfléchis, parce que le nombre de veuves est toujours supérieur à celui des veufs. » Au fil des lettres, on se rend compte que, pour Michel-Ange, écrire à ses proches et à certains commanditaires a une fonction essentiellement utilitaire : l'art est ailleurs, dans ses oeuvres ou même dans ses poèmes, mais pas dans ces missives qui ne servent qu'à régler laborieusement les affaires courantes : « Je n'ai pas répondu à plusieurs de tes lettres parce qu'écrire m'est d'un grand désagrément et ennui », déclare-t-il à son neveu en 1558. Un aveu qui n'empêche pas cette correspondance de créer une intimité étonnante avec l'artiste, loin de la légende mais au plus près de la vie.
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Michel-Ange - L'Oeuvre Du Maitre

Splendide ouvrage, les reproductions valent le détour!

J'ai beaucoup aimé qu'enfin, l'oeuvre de Michel Ange soit abordée dans sa globalité. Cela permet de mieux se représenter son génie, ainsi que d'appréhender son style et sa personnalité.
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