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Critiques de Nouvelles Questions Féministes (36)
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Nouvelles questions feministes, n°42 : En c..

Merci beaucoup à Babelio et à la revue pour cet envoi.

Le n° 42/2 de cette revue féministe concerne la place des femmes dans la cuisine familiale ou professionnelle, mais pas seulement.

Très complète, cette revue, fondée entre autres par Simone de Beauvoir, et à laquelle collaborent beaucoup d'autrices intellectuelles diverses, aborde tous les aspects du féminisme.

En l'occurrence, dans la partie Grand angle, il est d'abord question de l'utopie des coopératives cuisinières, avec ses bons et mauvais côtés : entraide, autonomie et possibilité d'avoir une profession pour les femmes mais laquelle et surtout pour les bourgeoises.

Puis, avec l'analyse de la place des femmes dans les cuisines professionnelles chinoises, il est constaté de profondes inégalités (elles sont reléguées, parfois seules, à des postes difficiles et avec peu de possibilités d'évolutions) même si les choses sont en train de changer avec la nouvelle génération de cuisinières diplômées.

Le texte sur le métabolisme m'a moins convaincue, malgré une certaine justesse ("on est ce que l'on mange et l'on mange ce que l'on est") : les pauvres et les racisé.es ont été incité.es à manger des produits sucrés (issus de la colonisation comme le sucre de canne) et gras, mauvais pour la santé.

On quitte la cuisine avec la partie Champ libre pour explorer l'influence des idées féministes sur la sexualité masculine : celle-ci a été modifiée au contact de leurs amies, elle est devenue "sympathique" mais des progrès restent à faire, les hommes ne doivent pas seulement se donner bonne conscience en s'occupant mieux de leur partenaire.

Les deux Parcours suivants retracent la vie des femmesnoires (en un seul mot, l'autrice y tient) en Colombie, entre souffrances et résistances et celui d'une militante féministe genevoise, cocréatrice du MLF, ayant exercé dans un dispensaire féminin aidant les femmes à s'approprier leur corps. Ses actions spectaculaires en faveur de l'IVG sont admirables.

Dans la partie Actualité, il est prouvé que les femmes de pouvoir sont plus exposées que les hommes, de plus en plus d'ailleurs avec l'arrivée des réseaux dits sociaux et pourtant certaines se comportent parfois de manière aussi odieuse que ceux-ci...

Sept compte-rendus de lectures approfondissent différents thèmes, comme les mouvements des droits des pères qui prennent de l'importance, un livre sur le consentement (sujet dont on entend beaucoup parler actuellement), la vie d'Emma Goldman, anarchiste capitale en avance sur son temps, la gynécologie formelle et informelle (la Suisse, elle, n'était pas trop en avance sur ces sujets : droit de vote des femmes en 1972, IVG autorisée en 2000), et l'analyse de postes féminins à responsabilité dans l'Éducation nationale (progrès ou pas ?).

On revient à la cuisine avec la présentation du Collectif Bondir.e sur les violences dans ce domaine (le #metoo reste à améliorer) et le Collectif Philosophes, trop peu de femmes penseuses étant connues, mises à part quelques "têtes de gondole", il faudrait démasculiniser la philosophie.

Un femmage mérité est rendu à Maria Mies, écoféministe de subsistance, sachant l'importance de prendre soin du vivant, décédée récemment.

La biographie de certaines autrices (et un auteur) se trouve à la fin de cet ouvrage oh combien nécessaire par les temps qui courent.
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Nouvelles questions féministes, n°39 : Partir..

Cette revue diffuse des articles scientifiques en sciences humaines et sociales sur des questionnements sociaux à l’origine des inégalités et des discriminations de genre. La revue publie sur tous les sujets : l’éducation, le travail, la famille, la justice, la sexualité, la santé, les médias…

Ce numéro contribue à la réflexion individuelle et collective par ses apports théoriques, par les événements historiques et d’actualités analysés : la politique en première personne des féministes des années 1970, l’expérience corporelle, historiciser et penser le féminicide, les hommes et le féminisme après #MeToo, l’écoféminisme, clash et la lutte contre le sexisme dans le monde médical, les sorcières…

Le numéro questionne l’étude de l’ignorance en féministe, la lutte pour combattre son oppresseur, des pratiques de non-mixité, l’expérience de la maladie, le sexuel et le sexué, les implications psychiques, le potentiel critique et utopiste, le pouvoir du revenu conjugal… Ce numéro est d’une grande richesse de savoirs qui amène chaque lecteur-trice à s’interroger lui-elle-même.

Sa lecture est abordable, les articles se lisent et se relisent indépendamment ou dépendamment les uns des autres en fonction de nos intérêts et de notre envie de lecture. Chaque article est suivi d’une ou deux pages de références à d’autres ouvrages et/ou articles en lien avec le sujet étudié.

La couverture intrigue par ses formes et son graphisme malgré des couleurs ternes.

Un grand merci à Babelio et à la maison d’édition pour cette revue très intéressante et instructive !
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Nouvelles questions feministes, n°42 : En c..

J'ai été très heureuse de découvrir cette revue (fondée en 1982 par, entre autres, Simone de Beauvoir et Christine Delphy tout de même !) à l'occasion de la masse critique de février. Ce numéro consacré au travail alimentaire (vu au prisme du genre) comprend des articles de fond, mais aussi des portraits et des comptes rendus sur des publications féministes récentes (et me voilà donc à rédiger une recension sur une recension).



Le tout est très riche et intéressant, mais cela reste une revue scientifique, et les articles n'ont clairement pas été écrits pour le grand public. Un lectorat intéressé par ces questions, et déjà averti, y trouvera par contre largement de quoi alimenter sa réflexion (ce qui est parfaitement raccord avec le thème du numéro)
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Nouvelles Questions Feministes, n°32 : Viol..

Les violences sexuelles sont un problème politique



« S’appuyant sur une remise en cause de l’opposition entre espace public et espace privé, entre les questions publiques dont la société doit se préoccuper et les questions privées tenues au silence, les réflexions menées au sein du mouvement féministe ont mis en évidence la banalité des différentes formes de violence commises par des hommes à l’encontre des femmes – harcèlement dans la rue ou au travail, violences conjugales, violences sexuelles ».



Ces violences relèvent du contrôle social que les hommes exercent sur les femmes. Les chercheuses féministes ont analysé puis disqualifié « les différentes formes de justification sociale des violences sexistes ». Elles ont développé des savoirs « dans un contexte où les biais androcentriques de la production des savoirs scientifiques faisaient que les violences sexuelles et intrafamiliales (qui touchent majoritairement des femmes) n’étaient purement et simplement pas étudiées ni même conçues comme des violences par les chercheurs, généralement masculins, spécialistes de la délinquance et de la criminalité, pas plus qu’elles n’étaient appréhendées par les responsables politiques comme des violences devant être prévenues et sanctionnées par l’État ».



Les études ont mis à jour l’étendue et l’ampleur de ces violences. Il faut cependant souligner la complaisance des hommes des couches sociales les plus aisées « vis à vis de la violence, ainsi que la solidarité qu’ils se manifestent les un aux autres », voir, entre autres, les affaires Bernard Cantat, Roman Polanski ou Dominique Strauss-Khan (sur cette dernière affaire, voir le livre coordonné par Christine Delphy : Un troussage de domestique, Syllepse 2011)

Complaisance d’un coté et attribution aux classes populaires de l’exclusivité de ses violences. Très hypocritement, les uns « se donnent l’apparence de vouloir sauver les femmes des milieux populaires du sexisme des hommes qui les entourent », tout en euphémisant leurs propres violences.



Les auteures aborderont aussi le mythe de la grossesse réduite à un « heureux événement », la contrainte à l’hétérosexualité, l’invisibilité des lesbiennes, la confusion entre violence et conflit, la fausse symétrie entre la violence des uns et celle des unes, les discours masculinistes, la masquage des réalités sociales des violences par le langage sexiste, le viol comme crime dans tous les milieux sociaux, la violence comme question politique, comme problème de santé publique, les crimes fémicides au Canada, la nécessité de repenser la formation des professionnel-le-s (de police, justice, du corps médical ou du secteur social) ou de « porter un autre regard sur les questions d’insécurité qui sont aujourd’hui largement pensées, dans les représentations communes, comme le produit de pratiques délinquantes motivées par le vol ou les trafics ».



Je souligne le grand intérêt de l’entretien avec Jalna Hanmer.
Lien : http://entreleslignesentrele..
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Nouvelles questions féministes, n°40 : Androcène

Ce numéro de la revue scientifique Nouvelles questions féministes fait la part belle à l'écoféminisme. La frontière entre les combats écologistes et féministes est définie comme mince, à travers plusieurs articles qui posent les contours de l'Androcène. La notion d'Anthropocène est remise en question, nous ne serions pas dans une ère industrielle sans être dans une société patriarcale. "Revenir aux racines du problème et s'intéresser à ses causes est indispensable pour savoir quoi et qui cibler, comment caractériser le système à l'origine de l'Anthropocène , quelles attitudes et quelles politiques modifier pour arrêter le saccage".

Merci à Babelio et aux éditions Antipodes pour cette belle découverte.
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Féminismes religieux. Spiritualités féministes

Aborder le « religieux » ou le « spirituel » comme tout autre fait social



Une remarque préalable. Les analyses médiatiques sont le plus souvent réductrices, la simplification défigure les réalités. Du coté des sciences humaines et de la politique – y compris de celleux qui pensent l’émancipation -, le schématisme et la dé-historisation me semblent dominer. Il y a un certain refus d’aborder les conditions matérielles et les contradictions qui traversent tous les rapports sociaux. Pour le dire autrement, il nous faut à la fois penser l’imbrication des rapports sociaux, dont le genre, leurs histoires et leurs contradictions. Sans oublier de prendre en compte notre point de vue toujours situé.



Je souligne donc, du coté du féminisme matérialiste, le refus du schématisme, la volonté d’historiciser les dominations, la mise en avant des contradictions. Ce numéro, et en particulier l’introduction, « Oser penser un engagement féministe et religieux » en est un bel exemple.



Catherine Fussinger, Irene Becci, Amel Mahfoudh et Helene Fueger reviennent sur les ruptures avec les institutions et les institutions religieuses dans les mouvements féministes, le rôle de subalterne réservé aux femmes au sein des monothéismes, les rôles assignés aux femmes au sein de la société, le différentialisme et le renvoi des femmes à la nature, « Faut-il le rappeler, ce sont fréquemment des arguments religieux qui, aujourd’hui comme hier, sont mobilisés à l’encontre de revendications centrales pour le féminisme dit de la deuxième vague, liées à l’autodétermination et à une valorisation du corps qui implique, par exemple, le droit à la contraception et à l’avortement, la légitimité d’une sexualité non reproductive et indépendante du mariage ou encore, plus récemment, une égalité de traitement entre homos et hétéros »



Le point de vue associant mécaniquement avancée du féminisme et renoncement aux croyances et pratiques religieuses ne permet ni de rendre compte des engagements au sein des religions, ni de comprendre les motivations et les significations de certaines femmes (ni par ailleurs de souligner les engagements antiféministes du coté de celleux qui ne jurent que par une conception étriquée de la laïcité).



« Au niveau politique, une telle lecture a pour effet d’imposer une double marginalisation aux femmes pour lesquelles féminisme et attachement à une tradition religieuse ne sont pas en contradiction : en effet, leurs postures féministes les mettent en situation de disgrâce au sein de leur courant religieux et, inversement, leur affiliation à un cadre de référence religieux les rend illégitimes dans le mouvement féministe de la société civile ».



Les autrices abordent les revendications féministes émergeant au sein des trois monothéisme majeurs, les claires dimensions féministes se dessinant dans différents nouveaux mouvement religieux, « En proposant de consacrer un numéro de NQF au sujet « Féminismes religieux – Spiritualités féministes », nous souhaitions mieux comprendre cette réalité sociohistorique, souvent peu connue dans nos milieux francophones, à savoir la structuration d’une critique féministe « de l’intérieur », portée par des femmes optant pour une posture féministe tout en s’engageant au sein d’un des trois monothéismes ou d’un nouveau mouvement religieux ou spirituel. Il s’agit là des traditions religieuses les plus présentes dans les sociétés occidentales de la seconde moitié du XXe siècle ».



Catherine Fussinger, Irene Becci, Amel Mahfoudh et Helene Fueger abordent, entre autres, la nécessité de traiter le « religieux » en lien avec la sécularisation, la diversification des courants religieux, les formes individualisées du rapport à la religion, la polarisation accrue entre des ailes conservatrices et progressistes au sein des communautés religieuses, les enjeux qui « se (re)jouent en matière de rapports sociaux de sexe, tant au sein des différents courants religieux qu’au niveau de leur emprise sur la société civile », les positions sociales des religions, les distinctions de positionnement en matière d’ordre sexué, les ressources « tactiques » de certaines, « au sein de certaines religions dont les croyances ou les pratiques officielles ne sont pas nécessairement émancipatrices, des femmes peuvent trouver des ressources « tactiques » qui leur permettent d’améliorer leur condition »…



Avant de présenter les différents articles, les autrices soulignent leur volonté d’aborder de front et de manière critique « l’articulation entre féminisme et religion », le refus de l’essentialisation des religions, « Plutôt que d’envisager les religions comme des institutions sociales univoques, monolithiques et immuables – ce qui revient en fin de compte à les essentialiser –, il s’agit de prendre en considération les marges de manœuvre, les tensions et les contradictions tant internes qu’externes », les changements qui parcourent à la fois les espaces religieux et les espaces sociaux plus larges…



Elles indiquent aussi l’importance que revêt pour des femmes « l’acquisition de compétences culturelles et interculturelles au sein de leurs espaces religieux respectifs », le besoin d’accéder de manière autonome à un savoir, la non mixité comme choix et ressource, les places de la vie spirituelle des féministes impliquées dans des milieux religieux différents…



« Le religieux est partie intégrante des conditions de vie des femmes, non seulement une cause, mais aussi un possible levier pour les changer »



Sommaire



Edito



Catherine Fussinger, Irene Becci, Amel Mahfoudh et Helene Fueger : Oser penser un engagement féministe et religieux



Grand angle



Béatrice de Gasquet : Quels espaces pour les féminismes religieux ?



Lauriane Savoy : Des groupes de théologiennes protestantes à Genève (1978-1998) : entre espace de partage et laboratoire féministe



Juliette Masquelier : Ni vraiment dissidentes, ni complètement obéissantes : promotion des femmes, essentialisme et constructivisme dans deux organisations d’Action catholique (Belgique, 1960-1990)



Patrick Snyder : Le Mouvement de la déesse : controverses dans le champ académique féministe



Lisa Anteby-Yemini : Les revendications actuelles de femmes juives orthodoxes : défis et controverses



Sophie Schrago : Du religieux comme matrice d’émancipation : le cas de la mobilisation des Indiennes musulmanes



Parcours



Marie-Andrée Roy, sociologue des religions et chercheuse féministe : Quarante ans avec la Collective féministe et chrétienne L’autre Parole au Québec. Entretien réalisé par Catherine Fussinger



Malika Hamidi, sociologue, musulmane et féministe : Un double engagement scientifique et militant. Entretien réalisé par Amel Mahfoudh



Elyse Goldstein, deuxième femme rabbin du Canada : De l’enseignement à la congrégation, une pionnière juive féministe.Entretien réalisé et traduit par Justine Manuel



Comptes rendus



Laeticia Stauffer, Melissa M. Wilcox, Queer nuns. Religion, activism, and serious parody



Marianne Modak : Travail, Genre et Sociétés, Delphine Gardey et Nicole Mosconi (coord.), La gestation pour autrui en débat



Armelle Weil : Christel Gumy, Jeune dans sa tête : Une histoire critique du cerveau adolescent



Catherine Marry : Delphine Gardey et Marilène Vuille (dir.), Les sciences du désir. La sexualité féminine, de la psychanalyse aux neurosciences



Vanina Mozziconacci : Philosophiques, Marguerite Deslaurier et Charlotte Sabourin (coord.), Les nouveaux horizons du féminisme dans la philosophie francophone



Joy Charnley : Feminist Studies, Judith Kegan Gardiner et Millie Thayer (dir.), Women’s Friendships



Elsa Boulet : Françoise Vergès, Le ventre des femmes. Capitalisme, racialisation, féminisme



Joy Charnley : Patricia Ménissier, Être mère. XVIIIe siècle – XXIe siècle



Collectifs



Anouk Essyad et Nadia Lamamra : Regards croisés sur la Grève féministe de 2019 en Suisse



Béatrice de Gasquet interroge les espaces sociaux concrets, espace religieux et espace féministe, en regard des revendications de femmes et des transformations des pratiques religieuses. Elle souligne, entre autres, que « les religions sont rarement aussi cohérentes ou unifiées qu’il y paraît de l’extérieur », l’oubli des voix critiques et réformatrices religieuses de la période suffragiste, les dénonciations androcentrées des textes religieux, les références à la bible « pour argumenter en faveur de l’abolition de l’esclavage et du féminisme », l’origine humaine et non divine de l’infériorité énoncée des femmes, les soutiens des catholiques « libéraux » et les sanctions de la hiérarchie ecclésiastique, la Ligue des femmes juives et la dénonciation de « l’absence d’accès des femmes à l’étude des textes en hébreu », l’accès – dans certains courants protestants ou juifs – de femmes à la prédication, les thématique de l’égalité professionnelle, la sécularisation productrice de « nouveaux espaces religieux pour les femmes », des moments de différentiation interne aux institutions et aux réformes religieuses, la porosité entre organisations féministes séculières et organisations religieuses libérales, l’égalité des sexes dans les rituels, la temporalité distincte des catholiques liée au centralisme de cette église, la théologie de la libération en Amérique du Sud, les argumentaires audibles construits par des femmes religieuses… L’autrice discute aussi de la cause des femmes dans les courants religieux conservateurs, de l’invisibilité de celles qui luttent au sein des courants religieux éloignés du « pôle libéral » (catholicisme, protestantisme évangélique, judaïsme orthodoxe, islam), de la politisation religieuse du genre, des contestations au sein du judaïsme orthodoxe et de l’islam, de la contestation du « caractère divin de lois dites musulmanes, en déconstruisant, avec l’aide d’expert·e·s musulman·e·s, les argumentaires religieux les sous-tendant », du féminisme islamique, de l’investissement du terrain rituel, de l’accès aux savoirs religieux, des contestations féministes au sein des religions, « la capacité des féministes à contester avec succès les interprétations masculines des textes religieux s’inscrit plus largement dans les transformations religieuses induites par l’accès croissant des pratiquant·e·s à des savoirs religieux de plus en plus spécialisés »…



J’ai été particulièrement été intéressé par les articles sur les groupes de théologiennes protestantes, la mise en lumière des biais androcentriques de l’interprétation des textes bibliques, l’élaboration collective « en empruntant aux pratiques féministes telles les groupes de conscience », le groupe Fuscia et le plafond de vitrail, l’ambivalence de la non-mixité comme concept en Eglise, l’aller au-delà de l’égalité de façade affichée, les deux organisations d’Action catholique en Belgique, la distance critique à l’idée de complémentarité, les évolutions de la Vie Féminine, les revendications de femmes juives orthodoxes, les demandes de changements dans le droit religieux de la famille, l’émergence d’un féminisme juif orthodoxe, l’accès à l’étude et à l’interprétation de la loi juive, la participation active aux rituels religieux, l’exercice de nouveaux rôles religieux publics, l’ordination de femmes rabbins et sa contestation, les espaces entre femmes « pour étudier, prier et célébrer », la reconfiguration radicale « pour penser la justice de genre dans la sphère religieuse », les cheminements intérieurs, les recours à la justice civile, les analyses interreligieuses…



Je souligne l’article « Du religieux comme matrice d’émancipation : le cas de la mobilisation des Indiennes musulmanes » qui aborde les agendas et les revendications de mobilisations, différenciées en fonction de la position sociale de groupes de femmes. Sophie Schrago présente, entre autres, des discussions autour de la réforme du « Code personnel musulman » et d’un « Code civil uniforme », les rapports entre religion et féminisme à partir du cas du Mouvement indien des femmes musulmanes (BMMA), la possibilité que le champ religieux puisse constituer une matrice d’émancipation, les discours patriarcaux conservateurs, le désir de justice et d’égalité sans compromettre l’appartenance religieuse, les discriminations et leurs différents niveaux, les agendas mêlant répertoire séculier et religieux, la réappropriation de savoir religieux afin « de mieux défendre leurs droits au sein de la communauté », la création de tribunaux chariatiques féminins, les lectures critiques et contextualisantes des sources religieuses, la contestation du monopole de la parole, l’élaboration d’un autre contrat de mariage islamique, les relations entre le BMMA et les autorités religieuses…



En conclusion, Sophie Schrago indique « En revendiquant l’existence d’un point de vue situé de matière endogène au sein de leur communauté, les activistes du mouvement BMMA tentent de conjuguer leur lutte féministe et civique en réarticulant les catégories de « musulmane » pratiquante et de « féministe » engagées censées être mutuellement exclusives ». La configuration séculière et religieuse en Inde ne ressemble pas à celle que nous connaissons dans l’Etat français. Les contradictions à l’oeuvre sont, me semble-t-il, bien présentées par l’autrice. Aucune réponse ne va de soi (mais peut-il en être autrement en politique ?). D’où la dernière phrase : « Néanmoins, il n’est pas question d’affirmer dans cette conclusions que l’émancipation de ces femmes passe nécessairement par l’islam, mais plutôt de concevoir que le religieux, dans une société historique donnée, peut être un vecteur décisif d’émancipation ».



Le dossier est complété par trois entretiens, le premier avec une sociologue des religions et chercheuse féministe « Quarante ans avec la Collective féministe et chrétienne L’autre parole au Québec » ; le second avec Malika Hamidi, sociologue musulmane et féministe « Un double engagement scientifique et militant » ; le troisième avec Elyse Goldstein deuxième femme rabbin au Canada « De l’enseignement à la congrégation, une pionnière juive féministe ». Des autres manières passionnantes d’aborder les liens entre engagements spirituels et engagements féministes…



Sans m’y attarder, je signale aussi le dernier texte : « Regards croisés sur la Grève féministe de 2019 en Suisse ».
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Nouvelles questions féministes, n°41-2 : Fair..

L’analyse sérieuse n’exclut pas les délices de la provocation verbale



Ce numéro spécial de Nouvelles Questions Féministes entend relayer la vitalité et l’actualité de l’œuvre de Christine Delphy. Début 2021, nous lancions l’appel à contributions « Faire avec Delphy ». Il aura fallu que Christine entame sa 80e année et que certaines d’entre nous aient déjà passé vingt ans dans le comité de rédaction de la revue à ses côtés pour que nous entreprenions de lui consacrer un numéro !

Chacun à leur manière, les trente-trois textes publiés ici montrent comment les écrits et les interventions de Delphy viennent questionner des expériences communes aux femmes, mais également l’action politique et scientifique, la réflexivité et les postures personnelles. Il en ressort que sa pensée transforme des trajectoires militantes et intellectuelles, elle peut même transformer des vies. « Faire avec Delphy » provoque ces changements, par des débats et des confrontations, des émotions et des expériences, par des manières fortes de s’approprier son travail théorique et engagé.



Dans leur édito, Laurence Bachmann, Ellen Hertz, Marianne Modak, Patricia Roux, Lucile Ruault abordent, entre autres, les traductions, le militantisme et les activités intellectuelles, les profils hétérogènes de celleux qui contribuent à ce numéro, « En ce sens, nous avons choisi de jouer pleinement le jeu du titre du numéro : nous avons laissé libre champ aux auteur·e·s pour décrire leurs manières de s’approprier la pensée de Christine Delphy, ses actions et ses écrits, sans prendre position, notamment dans cet édito, sur le «vrai» ou le «faux» des propos tenus », l’entrelacement entre les activités de théoricienne et de militante, « Sans doute parce que ses activités de théoricienne et de militante n’ont cessé de s’entrelacer, ses idées restent incisives et indispensables pour qui veut penser le monde en féministe et s’investir dans une lutte radicale contre le patriarcat ; ses engagements au fil du temps attestent d’une pensée en mouvement, courageuse et à l’affût des formes, sans cesse renouvelées, d’injustices sexistes, racistes, lesbophobes et homophobes ».

Les éditorialistes insistent sur la personnalité généreuse de l’autrice, son humour et sa capacité à tourner en dérision, l’articulation entre sexisme et racisme, les ressources « pour penser et agir », un féminise exigeant « avant tout pour les féministes elles-mêmes », la démystification des codes de la masculinité – y compris dans le domaine des savoirs -, les mots politiques, les traductions des vécus subjectifs des dominé·es, etc. Un femmage, des partages, des transmissions…

Les contributrices et les rares contributeurs racontent comment iels se sont approprié les idées de Christine Delphy, les bouleversements qu’iels ont connu, y compris dans le registre de l’intime.

Il ne me semble pas utile d’entrer dans le détail de chaque ou de quelques contributions. Il est significatif que certain partage des analyses de Christine Delphy conduise à des conclusions en partie contradictoire. Une pensée radicale ne peut-être enclose.



Une lecture subjective. Je souligne particulièrement les discutions sur le travail domestique, la division sociale et sexuelle du travail, le genre et les sexes, le concept de classe de sexe, les dimensions matérielles de l’oppression, les discours et les pratiques coercitives et autoritaires faisant système, l’imbrication des systèmes de domination, l’illusion de « l’égalité-déjà-là », les pratiques sociales, les hiérarchies dissimulées sous couvert de différences, les travaux pionniers du « féminisme radical », l’hétéronormativité, le pouvoir de nommer, le racisme, la fabrique sociale du marqueur d’âge et le statut de mineur, les paysannes, les catégories et les hiérarchies, le continuum de violences masculines, l’intersectionnalité, la matérialité du patriarcat, la critique de la théorie de la reproduction sociale (SRT), « Ainsi dans la SRT, l’oppression des femmes n’est pas comprise comme ayant une existence en soi, et de multiples aspects de cette oppressions – partagée entre classes – sont ignorés » (CatherineWeiss)…



Je n’oublie pas le sens de l’effort théorique féministe, les luttes de femmes, l’autonomie féministe, la révolte et la colère, « il faut abattre tous les murs en abolissant le genre » (Sabine Lambert), la discrimination positive, les quotas…



Je n’oublie pas non plus les « amis » et leurs leçons de féminisme (du point de vue des hommes), l’occultation des dominants (le genre ne concerne pas que les femmes) et de leur appropriation individuelle ou collective du travail des femmes, le répertoire d’inaction domestique des hommes, « l’embauche d’une travailleuse domestique est une manière parmi d’autres de continuer à se faire servir – et par deux femmes plutôt qu’une : il leur suffit de mettre la main à la poche pour ne pas avoir à la mettre à la pâte » (Laure Carpentier-Gofffre), leur consentement aux violences et au viol…



Christine Delphy a contribué à reformuler les horizons du possible, les lectures proposées en sont une illustration.



Le titre de cette note est emprunté à Afi Avdela et Angelika Psarra.
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Nouvelles questions féministes, n°40 : Androcène

Productivisme industriel, destruction environnementale et masculinité



« Avec ce numéro, Nouvelles Questions Féministes souhaite explorer les relations entre modernité industrielle, destruction environnementale et patriarcat. Nous partons d’une analyse critique du terme « Anthropocène », lequel vise à rendre compte d’une nouvelle époque géologique dans laquelle serait entré le système Terre à cause de « l’humanité » (anthropos) ». Dans leur édito, Patriarcat, capitalisme et appropriation de la nature, Lucile Ruault, Ellen Hertz, Marlyse Debergh, Hélène Martin et Laurence Bachmann discutent du concept d’anthropocène, de la conception d’une humanité indifférenciée et de ses critiques, d’historicisation des dynamiques et des responsabilités, des termes et d’un grand absent : l’« androcène ».



« Ainsi, ce numéro mobilise la notion d’Androcène afin de rendre visible ce que le monde académique ainsi que de larges fractions du mouvement écologiste, tendent à ignorer : le genre de l’Anthropocène »



Les éditorialistes abordent, entre autres, les apports de l’écoféminisme, l’exploitation de la nature et l’exploitation des corps des femmes, la définition de la nature, « La définition dominante de la nature relève en effet du modèle dualiste qu’a produit la modernité occidentale », l’opposition nature/culture, la subversion nécessaire des dualismes.



« Les recherches de féministes et d’écoféministes ont montré depuis un certain temps déjà l’impact disproportionné des désastres et changements climatiques sur les femmes et d’autres catégories sociales dominées ». Les autrices soulignent les conséquences de l’oubli des rapports de pouvoir et des discours patriarcaux dans le « cadrage climatique », de l’invisibilisation de « la part active prise par les hommes dans ce problème au caractère systémique », de l’utilisation du terme « genre » comme équivalent à « femmes ».



« Décalant le regard de celles et ceux qui subissent l’altération des conditions environnementales, ce dossier thématique porte la focale sur les acteurs qui sont responsables de cette dégradation, sur ceux qui en ont le plus bénéficié – et qui continuent d’innover en la matière. Il s’agit d’explorer la centralité du patriarcat, ses modalités d’action et de pensée à l’œuvre dans ce changement global ». Lucile Ruault, Ellen Hertz, Marlyse Debergh, Hélène Martin et Laurence Bachmann reviennent, entre autres, sur l’importance des rapports sociaux de sexe, les responsabilités historiques de certains groupes sociaux dans les événements destructeurs et le basculement climatique, les rapports de pouvoir, les racines et les causes à l’origine de l’anthropocène, les déclinaisons de la masculinité occidentale, les liens concrets « entre industries, organisation militaire et agriculture intensive », le largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, « Dans ce numéro, en somme, nous nous attachons ainsi à déterminer ce qui unit, à l’aune du genre, les responsables de l’exploitation forcenée de la planète, au risque de la destruction de la possibilité de vivre ».



Elles abordent la destruction du vivant, les influences des rapports sociaux de sexe sur les connaissances scientifiques, l’imaginaire techniciste, des figures alternatives de faire science, les effets de la socialisation au masculin et les dividendes touchés par les hommes, l’analyse historique incarnée « du basculement dans une économie carbonée », le coût des injonctions virilistes, les processus de conscientisation et des pistes de changement…

Quelques éléments choisis subjectivement.



Jean-Baptiste Vuillerod discute de perspective écoféministe, d’inscription « de la question environnementale dans un cadre social et culturel plus large », de réappropriation du concept de nature « en cherchant à l’arracher aux stratégies idéologiques de naturalisation », de critique d’une approche « scientifico-technique » de l’Anthropocène, « l’usage massif des énergies fossiles depuis la révolution industrielle n’a pas été décidé et organisé par l’ensemble des êtres humains, ni n’a été réalisé en vue du bien-être du lus grand nombre », de causes et d’effets, d’exclusion des enjeux politiques et de survalorisation de solutions techniques, de conception de l’histoire des sociétés, des arguments naturalistes, de violence des idées. « une perspective écoféministe sur la question vise à mettre en cause l’ensemble des pratiques et des conceptions idéelles qui sont solidement ancrées dans notre culture ».



Benedikte Zitouni présente d’« autres figures et manières de faire science » dans et par les réalités étudiés »,d’autres figures du savoir. Donna Haraway, Isabelle Stengers, Vinciane Desprêt, « Il s’agira d’analyser comment ces trois auteures, qui se disent héritières de la Révolution scientifique, ont affronté la figure de l’autorité scientifique désengagée. L’analyse portera sur la façon dont elles s’en sont prises au caractère neutre, transparent et innocent du gentleman savant en créant des contre-figures du savoir ». L’autrice aborde notamment les mécanismes d’exclusion et d’autorité, les premiers laboratoires des sciences expérimentales, la figure du scientifique soi-disant neutre, l’invention des sciences modernes, « L’événement est là : la science moderne consiste en cette capacité à sélectionner les énoncés scientifiques vrais et ainsi à faire exister des entités dont la présence ne peut plus être niée. Elle est à la fois autoritaire et émancipatrice », les usages sociaux des sciences, l’entrée en laboratoire, les réalités réfractaires, les « emmerdeuses », l’arrivée des femmes dans le champ de la primatologie, le moule genré des méthodes, les possibles nouveaux en terme de savoir, « Tout terrain est digne d’intérêt pour autant qu’un potentiel passé, présent et futur s’y dessine, que ce soit au cœur du cas étudié ou dans les interstices »…



Bob Pease interroge les liens entre masculinisme et changement climatique et développe « une réponse environnementale proféministe ». L’auteur indique que « la réduction des risques de catastrophe doit s’atteler aux causes sociales et humaines du changement climatique ». Il aborde, entre autres, les impacts du changement climatique sur les populations les plus vulnérables, les conséquences différenciées en raison de la division sexuelle du travail ou des places socio-économiques, les formes hégémoniques de la masculinité (une notion que je trouve plus que discutable, comme celle d’« identité de genre »), la valorisation des approches « surplombantes » sans prise en compte des rapports sociaux…



« … je dialogue avec les recherches actuelles qui considèrent les expressions contemporaines de la masculinité en relation avec le changement climatique et les politiques énergétiques en explorant les concepts de masculinité écomoderne et de pétro-masculinité ». Miriam Tola aborde, entre autres, des aspects importants des imaginaires élitaires, le « verdissement » d’un sujet dominant, la théorisation d’absence de limites, l’exploitation minière, la mise en valeur des déchets, dles enclosures modernes, les acteurs privés financés par des fonds publics, le consumérisme vert et des contre-histoires féministes…



Armel Campagne propose des analyses des racines du « Patriarcat capitalocène », du genre de l’accumulation, du basculement dans l’économie carbonée, de la place des énergies fossiles, de l’offensive patriarcale des hommes des classes aristocratiques et bourgeoises, de l’histoire des mécanismes de dépossession des femmes anglaises.



« Dans la suite de cet article, il s’agira de tester l’hypothèse selon laquelle c’est en vertu d’un héritage structurellement inégalitaire en termes de genre et de classe d’âge qu’une minorité d’hommes des classes aristocratiques et bourgeoises anglaises ont pu être en possession, au moment du basculement fossile du capitalisme anglais, d’un capital suffisant soit pour moderniser les mines de charbon et accélérer leur transport (ferroviaire ou maritime), soit pour acquérir des machines à vapeur et des machines à filer et à tisser automatiques pour leurs industries textiles ». L’auteur analyse donc le système d’héritage, le « malheur » des héritières, les accords contractualisés entre pères, le mécanisme de primo-géniture agnatique, l’aggravation « moderne » de la dépossession des femmes et des veuves, l’accumulation primitive de moyens de production houiller, l’histoire genrée du capitalisme industriel, le rôle de l’inégale transmission, les dépossessions actives…



J’ai notamment apprécié l’article sur les voitures (de collection, de fonction, électriques), les rapports masculins à la mobilité et à l’« écologie », la place de l’automobile dans les imaginaires masculins « de mouvement, de liberté, de vitesse et de puissance », les déplacements dans l’espace public, le « Club », les normes tenues pour acquises, les espaces privilégiés de construction des homosocialités, l’exercice de la « liberté » de déplacement…



Je souligne aussi, sans m’y attarder deux autres articles, le premier sur les expériences et les point de vue de femmes autistes, le second sur Anna Maria Crispino dans un entretien réalisé par Silvia Ricci Lempen…
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Nouvelles Questions Feministes, n°36.2 : No..

Mettre en œuvre un processus critique qui repense le monde, la réalité et la culture



Dans leur Edito : Légitimité du féminisme contemporain, Martine Chaponnière, Lucile Ruault et Patricia Roux reviennent sur le précédent numéro de la revue, Nouvelles formes de militantisme féministe (I), chroniqué sous le titre : Nous ne voulons pas 50% de l’enfer capitaliste, mais nous voulons 100% du paradis féministe et de trois axes développés :



La (non-)mixité des collectifs féministes, question indissolublement liée à celle de leurs alliances avec d’autres groupes, de leur autonomie et de l’entrelacement des luttes sur lesquelles les féministes s’engagent.



La question de l’articulation entre théorie et action, les grilles explicatives des processus de domination prenant une place de plus en plus importante dans les luttes féministes, voire dans les formes d’organisation des collectifs.



Les liens intergénérationnels les changements marquant le militantisme contemporain se fondent en bonne partie sur une prise en compte des succès et des échecs que les mouvements féministes ont connus par le passé.





Les éditorialistes parlent des autrices présentes dans ce numéro-ci, « Leurs conceptions de l’engagement, leurs modalités d’organisation et d’action, ainsi que l’ancrage social de leurs revendications rendent compte non seulement du sens féministe donné au fait de militer, mais aussi de la manière dont se construit la légitimité du type de militantisme qu’elles promeuvent et dans lequel elles s’engagent ». Elles questionnent, entre autres, les bases de leur légitimité, « 1) au nom de qui parle-t-on, 2) comment l’imbrication des pouvoirs fonde-t-elle la légitimité pour agir et 3) comment le travail sur l’estime de soi construit-il une légitimité individuelle d’abord, peut-être collective ensuite ? »



Martine Chaponnière, Lucile Ruault et Patricia Roux abordent la blogosphère, la multiplication des sites féministes, l’expression de chacune, « il convient de s’exprimer sur la base de son expérience personnelle, celle que l’on vit dans ses tripes, et c’est celle-ci, allant de pair avec l’écoute bienveillante ou empathique qu’elle reçoit, qui confère la légitimité pour parler ou agir », du souci de la prise en compte de l’imbrication des oppressions, « les luttes ne sont estimées légitimes que si elles prennent en compte la diversité des discriminations vécues par les femmes », du socle commun et des spécificités, du rapport aux institutions et à l’Etat, d’une certaine approche de l’égalité réduite à l’aménagement des « rôles sociaux attribués aux femmes et aux hommes ainsi qu’aligner les droits des femmes sur ceux des hommes » ne posant pas – ou refusant – la transformation radicale des « structures sociales fondées sur d’autres principes hiérarchiques tels que la méritocratie, le capitalisme, le néocolonialisme ou le racisme ».



Les autrices soulignent différentes thèmes, « théorie intersectionnelle » (je préfère pour ma part le terme d’imbrication), l’exclusion et l’inclusion, « une grande différence entre ne pas exclure l’Autre et l’inclure » et « l’inclusion de l’Autre reste la tache aveugle de la pratique militante féministe » (Je souligne que cette dimension ne concerne pas que le mouvement féministe, il reste le point aveugle de bien des mouvements classistes (syndicats, partis politiques), ou antiracistes), le travail sur l’« auto-estime » (« La confiance en soi est alors un outil de lutte politique, en ce sens qu’elle permet d’articuler sa propre libération à celle de toutes les femmes. » ; l’« estime envers sa propre classe de sexe »).



Martine Chaponnière, Lucile Ruault et Patricia Roux présentent les différents textes en insistant sur la pluralité des formes de domination subies et sur la multiplicité des expériences.



Je n’aborde que certains articles et certains points traités, des choix subjectifs.



Le mouvement féministe québécois francophone, la santé et les droits sexuels et reproductifs non réductibles au seul droit à l’avortement. Caroline Jacquet, Geneviève Pagé et Magaly Pirotte analysent l’histoire du mouvement « afin de faire ressortir les continuités et les ruptures, les avancées et les zones négligées dans la prise en compte de la diversité des oppressions, tant dans les idées dans la pratique de lutte ». Elles abordent, entre autres, le mouvement pour la justice reproductive (JR), les réalités diversifiées des femmes, l’intégration limitée de l’imbrication des rapports de pouvoir, le mouvement pour le droit à l’avortement libre et sa place centrale « pour la constitution d’un mouvement féminisme radical », le journal « Québecoises Deboutte ! », l’inscription du mouvement dans « une perspective critique du « système capitaliste et patriarcal » », le « droit de choisir » à sa tendance à « individualiser les luttes pour l’autonomie collective des femmes », la critique des stérilisations forcées, le réseau féministe d’« inspiration libérale » RAIF et ses accents malthusiens. Les autrices soulignent les angles morts des discours, l’oubli des femmes marginalisées, la reconnaissance tardive des Amérindiennes du Canada, l’enlèvement systématique des enfants autochtones, la mise de coté des femmes autochtones, racisées ou migrantes.



Caroline Jacquet, Geneviève Pagé et Magaly Pirotte reviennent sur la Coalition « Avortons leur congrès ! » (CALC) contre le mouvement auto-mal-nommé « pro-vie », en réaction au rassemblement de la droite religieuse conservatrice contre l’avortement, la mise en avant des revendications de la coalition : autonomie et liberté de notre corps, refus de l’imposition de modèles et des rôles sociaux sexués, soulignage des aspects racistes et homophobes dans les discours conservateurs, soutien à certaines luttes « queer et trans »… Puis les autrices analysent les actions de La Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN), le recentrage sur les expériences et les vécus traditionnellement marginalisés, l’éducation sexuelle, les problèmes de structuration et de fonctionnement… Elles présentent et interrogent enfin les discours de Riposte féministe, la défense de l’autonomie corporelle, l’accès à l’avortement et aux soins de santé sexuelle et reproductive, les voix de toutes les personnes opprimées « par le genre »…



Des combats pour l’autonomie des femmes, la transformation du système de genre et des conditions de vie et non leur simple aménagement, l’intégrité physique des femmes…

Brésil, les nouvelles formes d’autonomie, l’oppression de sexe appréhendée « dans sa relation directe à la classe, la race ou l’ethnie, la sexualité, entre autre » (édito), l’usage du « genre » édulcorant ou niant « le sens politique, radical et transformateur du féminisme » (édito), l’importance de l’auto-estime – « la découverte de soi comme sujet » – des femmes et sa construction à travers des pratiques collectives, l’auto-désignation, l’auto-gouvernement, la Marcha das vadias (Marche des salopes), le collectif Vadias (Salopes), le collectif Diadorim, le groupe Tambores de Safo, le collectif Leila Diniz…



Mirla Cisne, Telma Gurgel et Héloïse Prévost analysent l’institutionnalisation sous le poids – entre autres – des organismes internationaux, la naturalisation des inégalités hommes/femmes, l’utilisation du terme « genre » pour « éviter le terme « féministe » », l’édulcoration du « caractère radical et transformateur de l’usage politico-analytique » des outils conceptuels élaborés par les féministes, les effets des politiques d’ajustement structurel et des programmes d’austérité en particulier pour les femmes, les liens passés entre mouvement et gouvernement…



Les autrices discutent des expressions critiques autonomes, de la « conscience militante », des rapports de pouvoir imbriqués, des femmes comme groupe hétérogène et des effets de la socialisation, du caractère systémique de l’oppression, de la nécessité de rompre avec la « restriction de mobilité », de la visibilité des femmes, de questionnement de l’assignation naturalisée d’un rôle reproductif, d’articulation entre « luttes concrètes et formation politique permanente », des liens avec les secteurs organisés par ou autour de la Théologie de la Libération, de la sororité « entendue comme alliance féministe entre les femmes » et non une donnée a-historique, de la construction de l’autonomie…



Le titre de cette note est un extrait d’une « Declaración de feminismo autónomo » de 2009, citée dans cet article.



Travail sur soi, transformation collective, le privé est politique, le caractère ordinaire des violences envers les femmes. Anne-Charlotte Millepied aborde l’autodéfense « comme objectif de donner aux femmes les moyens – physiques, émotionnels, mentaux – de se défendre », l’inclusion de la confrontation aux violences « au moment où elles se produisent », la construction de la confiance en soi, les techniques du corps, les techniques de soi, les parties du corps vulnérables, riposter versus se débattre, les ruptures avec les cadres normatifs de « la féminité », l’imbrication des violences dans les différents espaces de la vie quotidienne, la diversité des violences de genre, l’opposition aux acquis de la socialisation, la non-mixité comme espace de partage ou espace bienveillant, le développement « de nouvelles manières de voir, se penser, de se comporter », l’usage politique du corps et de la violence, la légitimité de se défendre…



Armelle Weill discute des pratiques et engagements féministes sur internet, de nouvelles formes de militantismes (qui à mes yeux ne peuvent être considérées comme « virtuelles »), de la potentialité toxique et des violences sur le réseau web, de la censure et de l’auto-censure, des dynamiques engendrées par les fonctionnements d’internet, de la légitimité à se considérer comme légitime, de « la non-négociabilité de la critique féministe, nécessaire au changement social », des injonctions et des moyens de s’en libérer, d’« identité publique politisée », de partage et de l’importante des relations de face-à-face, de l’usage et de la « réappropriation des moyens de production de l’information », de réécriture de l’information en ligne, des nouvelles tonalités…



Je reste plus que réservé sur la reprise a-critique ou l’utilisation de certains termes. Ceux venant des activistes « trans » (mais ne disant rien ni sur les oppressions spécifiques ni sur les moyens de les combattre) comme « cis » (centré sur une « identité » pensée comme pré-existante et détachée des rapports sociaux, sans oublier l’invisibilisation des femmes qui sont ainsi renommées, par d’autres qu’elles-mêmes, comme des cis-femmes), « personne qui ont un vagin »… ou d’autres comme « classes moyennes » à la définition (catégorie sociologique réductrice passée dans le langage courant) probablement liée aux revenus et non à la place dans les rapports sociaux de production et reproduction, « pro-sexe », « malléabilité » des catégories…



Je souligne l’article sur la responsabilité historique des Etats : le cas des « femmes de réconfort ». Annie Jisun Bae parle d’esclavage sexuel, de la terminologie « de réconfort » exprimant le point de vue de l’Etat japonais et méprisant envers les femmes, de la société coréenne les appelant communément « grands-mères » et participant à la fois à l’enfouissement du crime et à l’a-sexualisation des femmes, des connexion entre colonialisme-patriarcat-sexualité, de vérité historique et de mémoire, d’idéologie de la chasteté (réservée aux femmes), de la responsabilité du Japon en termes de crimes de guerre – dont ces crimes de guerre contre les femmes, du silence narcissique des hommes coréens (« pendant longtemps, les Coréens ont considéré que l’existence de ces femmes anéantissait leur virilité, estimant qu’elle constituait une preuve de leur incapacité à contrôler leurs biens, ici les femmes coréennes »).



L’autrice insiste à juste titre sur les mouvements actuels de déni ou de réécriture de l’histoire au Japon, de falsification de l’histoire et de responsabilité. « Les survivantes n’ont d’ailleurs jamais été sollicitées pour être entendues »…



Et qu’en est-il de la responsabilité des hommes qui ont utilisé le corps de ces femmes, qui ont pratiqué ces viols ?



Je signale aussi le bel entretien avec Yanar Mohammed sur l’engagement féministe en Irak, la création des centres d’hébergement pour les femmes victimes de violences, le souvenir de sa grand-mère et de son viol lors de la nuit de son mariage (une réalité sordide et passée sous silence des mariages arrangés), le machisme des compagnons, les femmes captives et réduites en esclavage, les manifestations et l’engagement, la vie où « tu ne peux pas marcher librement », les menaces émanant des membres des milices islamistes, la critique ouverte du voile, le combat pour la laïcité…
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Nouvelles questions féministes, n°40 : Androcène

Livre reçu par la Masse critique Babelio, merci!

Androcène : fait de déterminer les caractéristiques du concept, mot, objet, l'ensemble des propriétés essentielles de l'homme, du mâle.

Ici ce néologisme semble indispensable pour parler de patriarcat blanc, capitalisme et appropriation de la nature : plutôt Androcène que Anthropocène, tant il apparaît que l'homme blanc dirige et que les principales victimes du dérèglement climatique sont les femmes et autres dominés. L'écoféminisme met en avant la soumission de la femme au même titre que celle de la nature, par l'homme, au titre de la supériorité conférée par son autorité scientifique. Cette masculinité de toute puissance, de contrôle de la nature, du pouvoir, de la destruction, de la compétition … - normes difficilement atteignables - engendrant des violences contre eux et contre les autres, fait pourtant débat et amène à réfléchir sur les stéréotypes transmis dès l'enfance : jouer à la guerre, tuer les petits animaux, détruire…



Il faut donc remettre en question le fonctionnement managérial et technocratique ainsi que le caractère patriarcal de faire des sciences : cesser de vouloir tout contrôler (les autres, les animaux, la nature et même l'espace) et accepter la vulnérabilité humaine.



Particulièrement représentatif, l'article de Bénédicte Fontaine sur les rapports masculins à la mobilité et à l'écologie dans un cercle d'affaires bruxellois. Les hommes de ce club (très majoritaires, blancs entre 35 et 70 ans, dirigeants d'entreprises) se réunissent entre eux (cooptation) pour des activités onéreuses, dans des endroits préservés de toute pollution sonore, visuelle… Ils profitent de l'espace public à leur guise (même des endroits piétons pour leurs défilés de voitures de collection : un placement idéal : vous ne perdez jamais d'argent!). Ils se plaignent des embouteillages et souffriraient que les infrastructures (décidées par leurs amis politiques) leur soient réservées ; le reste de la population pouvant aisément utiliser les transports en commun en vélo. Leurs voitures (ils en ont plein, adaptées à leurs différents usages) sont indispensables à leur liberté d'agir tant dans leur vie professionnelle que privée.



Rendons FEMMAGE à ces recherches sérieuses et documentées, qui permettent d'étudier ces phénomènes sous le prisme patriarcal ; non dans la seule idée de chercher des responsables, mais bien d'identifier les concepts à l’œuvre pour les modifier et arrêter le saccage !
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Allaiter

Normes d’allaitement et construction du genre



Dans leur introduction, « Mon corps nous appartient », Isabelle Zinn, Alix Heiniger, Marianne Modak et Clothilde Palazzo-Crettol abordent l’allaitement comme injonction paradoxale. Elles constatent que ce sujet reste à la marge de la pensée féministe et proposent de penser l’allaitement en féministes matérialistes.



L’acte d’allaiter ou de ne pas le faire, les jugements ou les suspicions sur les mères, « vise de fait à les remettre en place en tant que femmes ». Des reproches, de l’implicite, des injonctions « en provenance des institutions et des professionnel·le·s de la santé et du social »…



Les autrices reviennent sur la fin du XIXème siècle et le début du XXème, la protection de l’enfance et le contrôle social des mères. Aujourd’hui les femmes salariées et des « dispositifs de « conciliation » famille-travail » largement inopérants en termes d’égalité réelle, les normes sanitaires édictées, « Ces normes sanitaires pèsent un poids considérable dans le contrôle des mères de par l’obligation qui leur est faite d’élever des enfants en bonne santé et de faire face – bien que seules et souvent sans le soutien nécessaire – aux conséquences de leur soi-disant choix parmi des prescriptions souvent contradictoires ». Un culte de parentalité souvent conjugué seulement au féminin, « code de conduite impératif destiné aux parents, mais qui très concrètement vise les mères et mise sur elles comme garantes de la « bonne » parentalité »…



Contre les inscriptions de l’allaitement dans une « naturalité » saisie comme anhistorique, les autrices soulignent que l’allaitement est un problème social, « à la fois symptomatique de la forte diffusion de la culture de la parentalité et un catalyseur d’inégalités de genre dans le couple et sur le marché du travail ».



Il est impossible de penser l’allaitement hors des réalités économiques et sociales, hors des rapports sociaux et de leur imbrication historique. Il est plus que concevable que le choix d’allaiter ou non (« tout comme celui de la durée d’allaitement ») soit pensé et défendu « comme un droit des femmes », au même titre que la contraception ou l’avortement…



Les autrice parlent d’expériences et de disparités au sein du groupe des femmes, de « travail » et de celles qui le refusent, de conditions « qui rendent possible un allaitement en féministes », de reproduction des inégalités de sexe, « Pour que nulle part la question de l’allaitement ne soit synonyme de l’arraisonnement des femmes ».



Elles présentent les différents articles. J’en souligne quelques points, l’historicisation des discours et des normes, le registre sanitaire et moral, la création d’un « lien spécial » à construire entre l’enfant et la mère, la discipline prônée pour les corps féminins à travers la « fonction maternelle », la conception naturaliste de l’allaitement, l’attribution aux pères d’un « rôle protecteur et de soutien », les positions de l’OMS, la tension entre le « normal » et le « déviant »…



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Nouvelles Questions Feministes, n°37 : Soli..

Peu importe qui elles épousent, elles épousent aussi un ménage



« Peut-on utiliser le terme de « solidarités familiales » pour désigner les diverses formes d’entraide entre les membres de la famille élargie, donnant ainsi l’illusion que toutes et tous se soucient mutuellement de leur bien-être, alors qu’une bonne partie de ces entraides, qui impliquent du travail non rémunéré, sont exécutées par les femmes ? Que signifie pour les féministes de parler de solidarité dans une institution qui repose, entre autres, sur l’assignation du travail domestique aux femmes. »



Dans leur édito, Clothilde Palazzo-Crettol, Carola Togni, Marianne Modak et Françoise Messant examinent, entre autres, les enjeux sexués de la construction d’un « nous familial », le « prétendu contrat de réciprocité » véritable rempart contre l’égalité, (En complément possible, Carole Pateman : Le contrat sexuel), les formes d’entraide quotidienne et la solidarité quotidienne reposant « largement sur la responsabilité et le travail matériel et émotionnel des mères, filles, sœurs, nièces, voire amies et voisines ».



Elles présentent les différents textes du Grand angle, mettent l’accent sur l’« immense charge de travail », les raisons pour que des féministes s’intéressent particulièrement à ce sujet, les enjeux politiques « en termes de reconnaissance, de justice, de redistribution que soulève la question des solidarités », l’articulation entre dimension contraignante et « portée « capacitante » des solidarités familiales », la nécessité de « repenser des espaces d’appartenance favorisant une réelle égalité, une part étendue de liberté et davantage de bien-être », le caractère genré des « obligations morales, matérielles et légales », les revendications de prise en charge collective de la dépendance, la réduction du temps de travail pour toutes et tous…



Je n’aborde que certains articles et thèmes traités.



Quel est donc cet objet « solidarités familiales » peu abordé dans l’univers théorique des rapports sociaux de sexe ?



L’offensive néolibérale contre certaines fonctions socialisantes des Etats, entraine une recomposition des rapports « entre sphère privée et sphère publique ». Marianne Kempeneers, Isabelle Van Pevenage et Renée B. Dandurand analysent les « solidarités familiales sous l’angle du travail » au Québec. Elles abordent, entre autres, les nouveaux risques sociaux, les échanges de biens et de service entre les membres d’un réseau familial élargi, les étapes critiques de parcours de vie, la non-solidarité de toutes les parentèles, l’implication en premier chef des femmes, l’oubli du travail « comme concept structurant les rapports sociaux », le travail du care, le travail informel de prise en charge des individu·es vulnérables, l’extension du travail non rémunéré des femmes, la division sexuelle du travail, les rapports d’appropriation, l’auto-dispense des homme de certains travaux, les solidarités privés en regard des « solidarités publiques concomitantes »…



Les autrices étudient plus particulièrement, les solidarités entourant la petite enfance, les reconfigurations sans précédent de l’univers du travail des femmes…



Il me semble que face « au recul de certaines solidarités publiques », un écartèlement des pratiques se manifeste – en fonction de l’imbrication des rapports sociaux de sexe avec les autres rapports sociaux et/ou de la force des normes genrées. Et s’il convient de réclamer la gratuité de prestations socialisées (donc un financement public), c’est plus du coté de l’auto-organisation des femmes (y compris pour peser contre l’inactivité des hommes) que de la sollicitation de l’Etat-organisateur qu’il faut rechercher des solutions émancipatrices.



Ceux qui en parlent et ceux qui en font. Marie-Clémence Le Pape, Élise Tenret, Bérangère Véron, Karine Pietropaoli et Marie Duru-Bellat parlent, entre autres, des obligations légales, de la subjectivité de l’engagement, des différences normatives entre hommes et femmes, des variations d’« exigence morale », des relations aux plus jeunes et aux plus agé·e·s, des « deux morales familiales différenciées, notamment en ce qui concerne la prise en charge des personnes âgées dépendantes ». Les hommes se dégagent très facilement (ou ignorent les tâches) du « caractère routinier et accaparant de l’aide familiale »



Les autrices montrent aussi que « l’identité familiale masculine se construit davantage en référence à la lignée et au statut de fils ». Elles soulignent certains éléments de construction de modèle ou de normes familialistes, les mécanismes d’exigence différents suivant le sexe, le sur-investissement des femmes… « Les inégalités entre les femmes et les hommes ne sont donc pas seulement une affaire de pratiques : elles trouvent leurs fondements dans une vision archaïque et statutaire des relations familiales qui légitime que chacun·e reste à sa place ».



Cette analyse devrait être complétée par la prise en compte d’autres rapports sociaux, liés à la modification des lieux de vie ou à la racisation. Les agencements et leurs temporalités pouvant prendre d’autres configurations et engendrer d’autres contradictions.



Les communautés de religieuses, des femmes au service des missions apostoliques de l’Eglise, un ordre social, l’inscription dans des secteurs principalement assignés aux femmes, des relations parfois conflictuelles tant envers l’Eglise que l’Etat, « Pour se faire reconnaître, elles se sont parfois opposées aux pouvoirs en place et ont pu faire preuve de désobéissance à l’égard des autorités ecclésiastiques », l’expérience des responsabilités « non communément attribuées à des femmes », le double renoncement « identitaire et familial », le prix des transformations « du couvent à la maison de retraite ». Un mode vie qui ne peut être réduit à la soumission, des dimensions « émancipatrices » pour certaines. C’est aussi en analysant des configurations particulières des rapports sociaux de sexe, que l’on peut mieux appréhender les réalités de la division sexuelle du travail et des concurrences entre femmes.



Il m’a semblé important de m’attarder sur l’article consacré à La fragmentation du genre dans l’Irak post-invasion.



Loin du campisme (l’ennemi de mon ennemi serait mon ami) ou de l’anti-impérialisme de pacotille (Saddam Hussein ou Bachar el Assad comme figures de l’anti-impérialisme), refusant l’essentialisation des phénomènes religieux ou la culturalisation des pratiques sociales, Zahra Ali prend en compte les évolutions historiques et leurs contradictions. Elle ne dissout pas les femmes dans une neutralité masculiniste, ni les événements dans des discours simplificateurs.

L’autrice aborde les violences indicibles contre les femmes, les atrocités commises par les soldats de l’Etat islamique (EI) – viol et asservissement systématiques des femmes et des minorités ethniques et religieuses telles que les Yézidis – et porte « un regard minutieux sur les dimensions structurelles sociales, économiques et politiques qui ont permis l’existence de cette version extrême de fondamentalisme religieux ».

Loin de toute naturalisation, Zahra Ali rappelle que la « culture islamique n’existe pas sous la forme d’une réalité homogène et dans un vacuum, tout comme le fondamentalisme islamique », qu’il s’agit toujours de rapports sociaux historiquement situés, que « la religion n’est pas extérieure au monde social, politique et économique et à ses transformations, mais plutôt en relations complexes et multiples avec elles ». Il n’existe pas de formes a-historiques, invariables, de tous temps, ni dans la religion, ni dans la culture, ni dans aucun rapport social. Il convient à chaque fois, d’analyser les réalités concrètes, les contextes socio-politiques et les expériences vécues.

L’autrice aborde principalement trois éléments : l’évolution des luttes concernant les droits juridiques des femmes en Irak – ce qui nécessite de dépasser les associations entre question de genre et religion musulmane – ; le développement de la violence politique, économique et militaire – en particulier depuis 1980 – et son impact sur les « normes et relations de genre » ; enfin, le contexte de vie depuis 2003, la fragmentation sociale et politique du pays.

Le Code du statut personnel (CSP) comme « champ de lutte » entre les différents groupes sociaux (Etat, ulémas, chefs tribaux, forces politiques dont communistes et féministes) et ses évolutions, les modifications des droits des femmes, la contestation de l’impérialisme et les « discours d’authenticité et de résistance aux modèles européens », les femmes considérées comme « porteuses de la nation et de ladite authenticité culturelle », la sphère de la famille et des droits juridiques des femmes comme « unique domaine soumis à la pseudo-authenticité de la religion », les structures et les pratiques patriarcales légitimés « à travers un pseudo-islam utilisé comme un symbole authenticité culturelle »…

La guerre contre l’Iran, l’inversion des politiques relevant du féminisme d’Etat, le démantèlement « du système éducatif, du secteur public et des services de l’Etat » suite à l’embargo et ses conséquences sur la vie des femmes, les mesures imposées par Saddam Hussein « ciblant directement les droits des femmes », la place centrale du CSP dans les débats autour « de l’identité nationale et de l’Etat », l’instrumentalisation des droits des femme par une politique de confessionnalisation…

« L’Irak est l’un des pays les plus brutalisés au monde ». Zahra Ali revient sur la « généalogie militaire, politique et économique de la violence fondée sur le genre », la violence du régime baathiste – « l’une des dictatures les plus violentes qui soit », le renforcement des conceptions normatives de lamasculinitéet de la féminité, les répressions des soulèvements des populations au nord et au sud du pays, la violence de l’embargo de l’ONU suite à l’invasion du Koweït, la destruction de toutes les infrastructures, l’« économie de survie », toutes les charges du foyer reposant sur les femmes, « Dans un contexte de pauvreté extrême, les formes nouvelles de patriarcat ont émergé, marquées par le conservatisme social et religieux et l’idée que les femmes « ont besoin de protection » », les choix de vie dégradants pour survivre, les nouvelles formes structurées du patriarcat, « cette imbrication entre genre, ethnicité et confessionnalisation qui est au cœur de l’Irak post-invasion »

L’autrice détaille aussi la campagne de débathification, la marginalisation des forces sunnites, le renforcement des identités communautaires, les répressions, l’émergence de milices armées politiques et partisanes, la dimension confessionnelle de la retribalisation sociale, le genre de la violence confessionnelles, la limitation de la liberté des femmes de se vêtir et de circuler comme elles le veulent, « Au nom de la religion nous avons été volé·e·s par des bandits », l’espace public transformé en une « ville d’hommes », l’appauvrissement généralisé, la faiblesse structurelle du nouvel Etat, les violations des droits humains… Elle explique pourquoi des chefs tribaux et politiques ont rejoint les rangs d’EI en 2004 et les positionnements d’autres forces dont les responsables chiites…

L’autrice souligne aussi « le lien essentiel entre la question de l’égalité des sexes et la lutte pour l’égalité confessionnelle, ethnique et religieuse ».

Instrumentalisation néocoloniale du discours sur les droits des femmes, politique néocoloniale et néolibérale, « Le système ethno-confessionnel imposé par le gouvernement de l’occupation depuis 2003 a eu pour conséquence une violence généralisée et la fragmentation tant de la vie sociale et politique que du territoire irakien ».

Les violences terribles d’EI, sa caractérisation comme « ennemi principal » par le nouveau régime et la légitimation de toutes les formes de violence au nom de la lutte contre le terrorisme, la célébration de la violence militaire masculinisée, une définition exclusive de la citoyenneté irakienne, « la militarisation et la violence politique qui a débuté sous l’ancien régime sont des vecteurs centraux de la violence à la fois genrée et confessionnelle que vit quotidiennement l’Irak d’aujourd’hui ».

Zahra Ali ajoute « Il est clair que la détérioration des droits juridiques et des conditions de vie des femmes en Irak aujourd’hui n’est pas le simple produit d’une mauvaise lecture de l’islam, mais bien davantage la conséquence directe d’une série de guerres, d’interventions militaires, de crises sociales et économiques aux dimensions multiples qui ont fragmenté la réalité du pays et ont conduit à l’émergence de forces sociales et politiques conservatrices, dont les Irakiennes sont les premières victimes »

Un article important, bien loin des simplifications de certain·es, de l’oubli ou de la secondarisationdes femmes des mêmes ou d’autres. Une piste forte pour d’autres analyses sur des convulsions réactionnaires ici et là.



Le droit à l’avortement au Québec, les luttes historiques, le Centre de Santé des femmes de Montréal, les pratique abortives alternatives, le partage des savoirs en matière de santé sexuelle, « Ainsi, la mise en place du service d’avortement s’est nourrie de la critique féministe radicale de la pratique médicale « ordinaire », née dans le contexte de contestation sociale et politique des années 1970 et de l’expérience aixoise en la matière ».



Les trois « D » : déprofessionnaliser, démédicaliser, désexiser. Comme le souligne Marie Mathieu, il s’agit bien de « santé pensée par et pour les femmes », de réinscription de l’avortement dans les actes de la vie ordinaire, de choix élargi quant à la prise en charge de la douleur, de gestion non pharmaceutique de la douleur et de l’angoisse, de limitation des actes médicaux, de respect des choix des femmes, d’équipe de soins exclusivement féminine, d’acquisition par les femmes des savoir-faire, de connaissance de « la nature des gestes posés sur leurs corps », de gratuité générale de l’avortement, de pilule abortive, et, d’individualisation de l’acte du « pro-choix » contre les mal-nommé·es « pro-vie » ne respectant ni les choix ni les vies des femmes au nom d’un futur possible d’un embryon, etc. Reste comme l’indique l’autrice une certaine hiérarchisation entre un événement positif – la maternité en construction – et l’avortement « un épisode encore à dissimuler et bien souvent tu ». Il conviendrait donc d’associer la critique sociale du contrôle médical des femmes à l’extension de leur maitrise de tous leurs droits sexuels et reproductifs.







En avant première de la publication en français du livre d’Andrea Dworkin Coïts (Intercourse) – à paraître aux Editions Syllepse (France) et Remue-ménage (Québec) – la préface de l’autrice. Elle y parle, entre autres, des conseils offensants de ses collègues, du monde sexué de la domination et de la soumission, des frontières qu’ont tracées les hommes, d’auteurs entaillés et disséqués, des habitudes de déférence qui doivent être brisées, de sexualité et de domination, de baise sans liberté ni égalité…



J’en reproduis le dernier paragraphe : « Intercourse est quête et assertion, passion et furie ; et sa forme mérite, tout comme son contenu, l’attention critique et le respect ».



Cette préface est précédée d’un texte du traducteur Martin Dufresne. « Cette démarche de lèse-virilité est peut-être en même temps la plus optimiste quant à notre avenir commun »



Mais il nous faudra encore attendre quelques mois pour découvrir, enfin en français, toute la puissance des analyses de cette immense écrivaine féministe.

Je signale aussi le femmage de Cristelle Hamel à Colette Guillaumin et celui de Christine Delphy à Kate Millett.



Le titre de cette note est issu de l’article sur Iris von Roten.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Nouvelles Questions Feministes, n°27

En édito (Françoise Messant, Hélène Martin, Marta Roca i Escoda, Magdalena Rosende, Patricia Roux) une question « Le travail, outil de libération des femmes ? »



Et d’abord un rappel, apport des analyses des féministes radicales « le travail domestique est un travail à part entière », le travail rémunéré ne peut se comprendre qu’en relation avec le travail gratuit, celui effectué par les femmes dans la sphère dite privée. Les auteures soulignent « Rappelons que le travail ménager est gratuit ”non en raison de la nature des services qui le composent – puisqu’on les trouve tous sur le marché – ni en raison de la nature des personnes qui le fournissent (puisque la femme qui cuit gratuitement une côtelette dans son ménage est rémunérée dès qu’elle le fait dans un autre ménage), mais en raison de la nature particulière du contrat qui lie la travailleuse – l’épouse – au ménage, à son ”chef”. »



Cette continuité, « pour les femmes et pour les femmes seulement », entre travail salarié et travail domestique, transposée en « non-disjonction entre sphère privée et professionnelle » pourrait révéler un « potentiel subversif », pour autant que des expériences collectives permettent de dépasser un rapport au travail (domestique et productif) perçu le plus souvent comme individualisé.



Je ne mentionne que quelques articles.



Caroline Ibos : « Les ” nounous” africaines et leurs employeurs : une grammaire du mépris social ». L’auteure nous rappelle, entre autres, différents éléments : que contrairement aux idées reçues « les Africaines qui arrivent en France sont souvent dans leurs pays parmi les femmes les plus efficaces scolairement et les plus ambitieuses », « que l’absence d’une efficace politique publique de la petite enfance crée un marché de ”nounous discount” », que les femmes qui emploient les ”nounous” « peine à considérer que s’occuper de son enfant soit un travail » et qu’elles peuvent assigner à leur employée « toutes sortes de travaux qui prolongent à l’infini le soin de l’enfant ». Sans oublier « l’ignorance » du savoir-faire, de l’expérience professionnelle, la réduction du « métier à une supposée nature féminine, donc maternelle ».



Outre le rapport de classe institué entre l’employeuse et l’employée, et l’évitement de la question du partage des taches domestiques entre celle-ci et son éventuel conjoint, cette asymétrie fondamentale qui divise alors profondément la classe des femmes, « Dans l’espace privé de la maison de l’employeuse, la relation professionnelle, soustraite aux regards extérieurs, échappe à tout contrôle. Du coup, il s’agit d’une relation exorbitante au droit du travail », le type d’emploi, dont ses objets, sa durée et ses conditions de rémunération, se combine avec un réel « mépris social ». Trois types d’actes méprisants, sont indiqués par l’auteure : les actes d’humiliation, dont l’invisibilité de l’employée, les actes de discriminations, dont la séparation ou la différence péjorative, et les actes de suspicion.



Globalement les ”nounous”sont des « étrangères, dans une condition d’extériorité extrême puisque confrontées à et même en charge de l’intimité familiale ».



L’auteure analyse aussi « gestion de la morale quotidienne » par la femme employeuse.



Irène Jonas, Djaouida Séhili : « Les nouvelles images d’Épinal: émancipation ou aliénation féminines? » dénoncent « Ces images d’Épinal de la réussite au féminin non seulement continuent d’appréhender la conciliation, donc la gestion conjointe de la famille et du travail, comme une affaire de femmes, mais elles alignent les critères de réussite des femmes tant au travail qu’à la maison, sur des critères masculins, tout en postulant haut et fort que les femmes sont différentes ». Sans oublier « Le discours sur la nature féminine est désormais axé sur des valeurs de coopération, d’harmonie et sur les capacités relationnelles, et tout comme certains attributs de la féminité traditionnelle ont été remodelés pour être en accord avec l’image valorisée de la ”femme nouvelle”, les qualités féminines ”utiles” dans le monde professionnel ont connu le même sort ».



Les auteures soulignent les conséquences de la substitution « des compétences » aux « qualifications », tout en ajoutant que « les compétences féminines semblent donc se mesurer à l’aune de la prise en compte de l’apparence physique des femmes et à leur appartenance biologique bien plus qu’à celle des qualifications acquises ». Elles indiquent aussi que les « nouvelles pathologies féminines » au travail « ne sont pas considérées comme des phénomènes sociaux ».



L’émancipation ne peut se limiter à acquérir des « positions autrefois exclusivement réservées aux hommes ».



Sur la conciliation, voir Travail genre et sociétés : Maudite conciliation, N° 24/2010 (Editions La Découverte, Paris 2010). Sur la qualification, voir la récente réédition du livre de Pierre Naville : Essai sur la qualification du travail ( Editions Syllepse) préfacé par Djaouida Séhili. Sans oublier le récent ouvrage d’Irène Jonas Moi Tarzan toi Jane. Critique de la réhabilitation « scientifique » de la différence hommes/femmes (Editions Syllepse, Paris 2011)



Elsa Galerand, Danièle Kergoat : « Le potentiel subversif du rapport des femmes au travail ». Les auteures partent de la notion d’émancipation « Par ce terme, nous entendons non pas le renversement ou l’abolition des rapports sociaux de sexe mais le mouvement par lequel le rapport de forces entre les classes de sexe peut être déstabilisé, les enjeux reconfigurés. Ce mouvement est nécessairement collectif, il tend vers le renversement de toutes les formes de domination, mais il n’est pas ce renversement ».



D’où la question « qu’est-ce qui est subversif ou émancipateur ? » et une réponse à chercher, non dans le travail lui-même « mais dans le rapport particulier que les femmes entretiennent au travail en raison des positions qu’elles occupent dans la division sexuelle du travail ».



Leur texte se divise en trois parties « Le potentiel subversif (la théorie) », « Le potentiel subversif (la démonstration empirique) » et « Du potentiel subversif à l’émancipation »



Ce texte me semble très important tant par sa méthode que par ses analyses. Ne pouvant le résumer, je choisis deux autres citations, en espérant qu’elles serviront d’entrée à des lectures multiples :



« Il est indispensable de repasser par une conceptualisation du travail, c’est-à-dire d’une part de différencier les niveaux activité, emploi, travail salarié, et d’autre part d’intégrer le travail domestique dans la conceptualisation sociologique du travail et, par suite, dans l’interrogation de la société salariale ».



« S’il y a bien domination, oppression et exploitation, il s’agit de prendre au sérieux ce que les femmes disent de leur travail, de les considérer comme sujet probable de résistances au travail et non seulement comme objet d’analyse pour penser l’aliénation au travail : les conditions de leur situation sont aussi celles de l’émancipation ».



Pour compléter voir la récente réédition des textes de Danièle Kergoat, Se battre disent-elles…. (La dispute,legenredumonde)



J’ai, de plus, particulièrement apprécié l’article de Céline Bessière : « ”Travailler à l’extérieur” : des implications ambivalentes pour les compagnes d’agriculteurs » dont je reproduis la dernière phrase « … ce que peut montrer la sociologie, c’est que les conditions d’émancipation des compagnes d’agriculteurs se jouent dans les conditions d’emploi des femmes sur le marché du travail salarié, dans la capacité des femmes et des hommes à davantage partager les charges domestiques, et dans les politiques publiques de prise en charge de la petite enfance ».



A cela, je voudrais ajouter les conditions d’acquisition de la nationalité française. De « vieux » agriculteurs seuls, n’hésitent pas à rechercher des compagnes (pour mariage), beaucoup plus jeunes qu’eux, en Europe de l’est. Les conditions d’accès à la nationalité exigent, aujourd’hui, une durée du mariage, rendant ces femmes corvéables à merci, ne pouvant quitter leur mari sans risquer de se trouver dans une situation administrative permettant l’expulsion. Les pouvoirs publics favorisent ainsi à la fois une forme de prostitution et l’exploitation de travail gratuit…

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Nouvelles Questions Féministes, n°42 : Pratiq..

Cette revue concernant le féminisme est très intéressante. Elle aborde par plusieurs points de vues l’actualité et l’histoire en règle plus générale féministe.



La revue est découpée par articles de différentes personnes, traitant des inégalités de genres, des violences conjugales et autres thèmes percutant dans divers pays et contextes.



C’est le premier ouvrage que je lis concernant le féminisme et je pense que je n’aurai pas dû commencer par celui ci. Je pense me tourner vers des ouvrages expliquant tout d’abord la base des bases.



Néanmoins, c’est un livre très enrichissant, avec des articles précis et complets.



Je vous conseille cet ouvrage si vous suivez l’actualité ou vous intéressez de près ou de loin aux questions féministes.
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Nouvelles Questions Féministes, n°41-1 : Viei..

J'ai reçu le numéro 1 du volume 41 de la revue Nouvelles Questions Féministes dans le cadre d'une opération Masse critique.

Je n'avais pas connaissance de cette revue (ou alors cela m'a échappé) alors qu'elle a entre autres été fondée par Simone de Beauvoir.

Ce numéro porte sur la vieillesse et plus spécifiquement les vieilles.

Cette revue est une revue scientifique, avec un comité de lecture : si la lecture est parfois difficile et demande la concentration, les données ont le mérite d'être fiables. Les différentes parties de la revue et les articles sont relativement courts, ce qui permet de diviser sa lecture si besoin.

J'ai trouvé les articles et autres parties de la revue très intéressants car ils permettent de s'informer sur des sujets (par exemple, comment les vieilles sont représentées dans l'art) pour lesquels je n'aurais pas spontanément rechercher des informations. Je trouve le thème du vieillissement dans une perspective de genre très pertinent et cette revue permet de l'aborder sous différents angles.

Finalement, j'ai même décidé de m'abonner à la revue car je trouve que le contenu est de qualité et permet d'enrichir ses connaissances et questionnements féministes.

Je recommande !

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Nouvelles questions féministes, n°40 : Androcène

Ouvrage reçu dans le cadre d'une opération Masse Critique, merci pour l'envoi ! Cela faisait un certain moment que je voulais découvrir Nouvelles Questions Féministes, revue scientifique fondée en 1981 par Simone de Beauvoir et Christine Delphy (entre autres) dans la lignée du Mouvement de libération des femmes (MLF). Ce numéro me faisait d'autant plus envie qu'il traite de la question environnementale depuis une perspective féministe, et aborde la notion d'Androcène.



L'édito permet d'avoir une première approche sur ce terme qui est encore largement absent dans les débats sur le réchauffement climatique. Depuis les années 2000, nous entendons parler (un peu...) d'Anthropocène : alors que nous vivons depuis 12.000 ans dans l'époque géologique de l'Holocène, l'influence de l'activité humaine sur l'évolution de la biosphère nous aurait fait basculer dans une nouvelle ère géologique, celle de l'Anthropocène.



Le problème avec ce terme, c'est que l'humanité, prise dans son entièreté, est considérée comme responsable de la crise climatique. Tout comme l'approche individualiste « colibriesque » chère à Pierre Rahbi, ce concept met l'accent sur la responsabilité individuelle de chacun·e, sans questionner le rôle des États et des entreprises. Car il faut bien admettre une chose : le paysan andin n'a pas la même part de responsabilité dans le réchauffement climatique que le patron d'une multinationale polluante. Ainsi, plusieurs auteur·trices vont proposer des réflexions à partir de grilles d'analyse incluant les rapports de classe, ou de race, pour «cerner plus précisément des acteurs (individuels et collectifs) et leurs responsabilités historiques dans la dégradation généralisée des milieux de vie», en créant de nouveaux concepts, comme le Capitalocène par exemple, pour parler du rôle du capitalisme dans la crise climatique.



Les rapports de genre, eux, sont quasiment absents des analyses sur le réchauffement climatique, et il aura fallu attendre les apports théoriques des écoféministes (ou féminisme environnemental) pour permettre de comprendre comment se conjugue l'exploitation de la nature et l'exploitation du corps des femmes, d'autant plus que ce sont ces dernières, et d'autres catégories sociales dominées, qu subissent de manière disproportionné les impacts des désastres et changements climatiques.



L'article de Jean-Baptiste Vuillerod, «L'Anthropocène est un Androcène : trois perspectives écoféministes» tente de retracer l'origine de cette double domination des femmes et de la nature en présentant trois grandes orientations de la pensée écoféministe.

Premièrement, il résume les travaux de Maria Mies pour qui les dominations femmes/nature remontent à l'époque Néolitihique, avec la naissance du pastoralisme nomade (début de la domination sur les animaux) et de l'agriculture (contrôle des plantes), dont le développement a favorisé des formes d'esclavages dont les femmes auraient particulièrement souffert.

Autre point de vue : les écoféministes Carolyne Merchant et Silvia Federici, situent, elles, la transformation du rapport social à la nature et aux femmes à la naissance du capitalisme moderne (XVI et XVIIe siècle). Dans Le Caliban et la Sorcière, Federici analyse l'épisode européen de la chasse aux sorcières, comme étant une disciplinarisation du corps des femmes par le capitalisme. Suite à la catastrophe démographique engendrée par la peste noire, l’État et l’Église vont mettre en place une biopolitique qui favorise les naissances pour répondre aux besoins grandissant en main d’œuvre du capitalisme moderne. La soumission des femmes se réalise ainsi dans un processus généralisé de maîtrise de la nature (naissance des enclosures).

Enfin, l'auteur présente les travaux de Rosemary Ruether et Val Plumwood, qui se penchent sur les fondements religieux (la Genèse) et philosophiques (Platon) de notre culture qui sont incriminés comme justifications idéologiques du patriarcat et de l'appropriation du monde naturel, et pointent l'importance des systèmes conceptuels dans le fonctionnement de la domination.

Si ces autrices écoféministes établissent des analyses chronologiques et attribuent des causes différentes à la double domination femme/nature (qui selon moi se complètent), elles sont d'accord sur un point : c'est le même monde qui a produit la domination des femmes et la domination de la nature, et c'est avec ce monde qu'il s'agit de rompre.



Cela passe-t-il notamment par une transformation de la masculinité ? Oui, affirme le chercheur américain Bob Please : du fait de leur position sociale, les hommes sont plus soucieux de protéger une société industrielle et patriarcale qui affirme leur masculinité et leur privilège de classe plutôt que de protéger l'environnement. Pour trouver une solution au désastre écologique, il faut « viser à la fois le pouvoir institutionnel des hommes culturellement puissants et l'intériorisation par les hommes du modèle dominant de la conscience humaine». Selon lui, même l'activisme environnemental est largement dominé par des hommes blancs de classe moyenne, dont les préoccupations ont façonné les réponses collectives à la crise écologique. Les préoccupations des femmes, des personnes de la classe ouvrière et des personnes racisées sont ainsi absentes de l'agenda écologiste, et il est important pour Bob Please d'entreprendre une démarche intersectionnelle (analyse mêlant rapports de genre, de classe et de race) pour comprendre la relation des individus à l'environnement.

Ainsi, il est urgent que des hommes proféministes s'attaquent à la masculinité hégémonique, et trouvent des nouvelles manières d'entrer en relation avec la nature, les femmes et les autres hommes. Lutter contre les violences de genre, renoncer à des positions privilégiés, et s'engager dans les luttes écologistes vont de pair pour le chercheur américain.



D'autres articles scientifiques de la revue abordent les racines historiques du Patriarcapitalocène, ou encore les rapports masculins à la mobilité. Les articles permettent de stimuler notre réflexion sur la question du réchauffement climatique sous le prisme du genre, mais il faut admettre que ce n'est pas une lecture aisée, accessible au grand public. Un grand travail d'éducation populaire doit être entrepris pour que ces concepts soient accessibles au plus grand nombre, et pour que nous prenions conscience que les luttes environnementales, féministes, classistes et antiracistes sont étroitement liées et ne pourront être victorieuses que si elles sont menées conjointement.

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Le physique de l'emploi

Corps sexués et division sexuelle du travail



« Ce numéro s’intéresse à la construction des corps au travail, disciplinés par les systèmes de genre et de classe. Formatés en amont par la socialisation primaire et secondaire, ces corps n’arrivent pas bruts sur le marché de l’emploi. L’intérêt de porter la focale sur le travail est alors double : il s’agit à la fois de saisir comment le travail dans une entreprise donnée transforme les corps et de faire apparaître combien les normes imposées dans celle-ci peuvent entrer en tension avec celles héritées des socialisations antérieures. »



Dans leur éditorial, Discipliner les corps dans des métiers de production et de service, Nadia Lamamra, Ellen Hertz, Françoise Messant et Patricia Roux rappellent des expressions mettant en scène le corps au travail, insistent sur l’impossibilité de penser le travail indépendamment du corps.



Elles présentent les articles, la production des corps dans cinq types d’entreprises. Elles soulignent, entre autres, la pénibilité physique des tâches au travail, les mises en scène de soi, les stratégies d’accommodement ou de résistance, les modèles du féminin et du masculin, le physique de l’emploi à acquérir…



Les éditorialistes discutent du « rôle que joue la construction des corps dans la reconduction des inégalités sexuées sur le marché de l’emploi », du système de genre qui « divise et hiérarchise les places attribuées aux femmes et aux hommes sur le marché de l’emploi » et « structure leurs expériences quotidiennes du travail qui modèlent leurs corps selon des critères sexués », des reconfigurations des logiques de division et de hiérarchisation, de l’invisibilité des qualification des femmes, de santé au travail, « L’étude de la souffrance au travail a ainsi permis de dégager des pathologies physiques ignorées jusque- là, dont celles plus propres aux emplois féminins, et de porter une attention croissante à la question de la santé mentale », d’ergonomie, de travail émotionnel…



Les autrices soulignent, entre autres, la mobilisation des corps, les contraintes d’acquisition du physique de l’emploi, de naturalisation d’expériences ordinaires, l’omniprésence des normes et des contraintes, des stratégies de résistance…



Nadia Lamamra, Ellen Hertz, Françoise Messant et Patricia Roux donnent à voir la production d’un sexisme au travail, le caractère oppressif des productions du « physique de l’emploi », le temps et le coût (financier et temporel) de la préparation des « corps exigés pour la mise au travail », les asymétries des normes de féminité et de masculinité, les qualifications « pensées comme des qualités innées propre aux femmes », la violence des constructions et des regards, la difficulté de « se considérer comme une personne à part entière »…



Avant d’aborder les articles, il me semble important d’indiquer que le mouvement syndical ne peux faire l’impasse sur ces contraintes liées au travail salarié. L’égalité ne peux être réduite à l’égalité salariale. Il est nécessaire de questionner la construction ou la négation des qualifications (en complément possible, Pierre Naville : Essai sur la qualification du travail), les injonctions corporelles, les coûts différenciés – en terme de temps et de finance – de mise au travail des corps, les formes de sexisme propres à chaque configuration de travail, l’ensemble des éléments qui concourent à la hiérarchisation sexuée. Le combat pour l’égalité passe aussi par la dénonciation de l’arbitraire patronal en matière d’exigences de présentation…



Marie Mathieu analyse la fabrication du corps des « hôtesses de table », le rôle de l’uniforme dans la production des classes de sexe, les règles vestimentaires et corporelles du personnel de service dans une chaîne de restauration « populaire », les attitudes jugées conformes, le travail de l’ombre de la préparation de l’apparence, (l’autrice parle de travail esthétique, « il m’a paru que le travail esthétique qu’elles fournissent pour répondre aux attentes de l’employeur se déroule dans des conditions révélatrices de la valeur accordée au travail de très nombreuses femmes dans les services ») la gestion de l’exposition aux regards des clients sur les corps des femmes, l’invisibilisation (et donc le non-paiement) d’une myriade de petites tâches, le coût des prescriptions patronales, des éléments renforçant la pénibilité du travail et les inégalité de genre (chaussures à talons, jupe et bas, exposition des corps, maquillages)…



L’autrice souligne aussi comment le travail salarié « s’immisce jusque dans les espaces considérés les plus privés, tels les salles de bain », l’invisibilisation des salarié·es souvent racisé·es travaillant en cuisine. Marie Mathieu parle de représentation/figuration, d’organigramme vestimentaire (combinant genre et position hiérarchique), de vêture soulignant les courbes du corps, de division sexuée du travail de service, de temps de travail non comptabilisé en tant que tel (préparation, habillage et déshabillage), du coût des obligations vestimentaires ou maquillages, de la (re)construction perpétuelle du corps en « vraie femme », de corps exposés, de la station debout, des micro-résistances et des gestes de protection…



En conclusion elle indique que les employées font souvent référence à la prostitution Elle souligne les effets de la sexualisation, la notion d’« ambassadrice de charme », le réel vendu par les employeurs aux clients, « ce que vendent les employeurs suppose un travail invisible et quasi gratuit des femmes qui, pour elles, a un coût certain »…



Amélie Beaumont analyse les stratégies corporelles des employés de l’hôtellerie de luxe – de ceux qui sont en service vis-à-vis d’une clientèle très aisée, l’adossement de l’identité professionnelle à une identité masculine, les différences sexuées du « droit de servir », la relative valorisation (au sein d’un secteur fortement féminisé) de certains emplois masculins – il ne faut cependant pas oublier la subordination sociale des employés envers les fractions des classes « supérieures » clientes, le recodage de leur position sous un jour plus valorisant, les stratégies corporelles…



« J’examiner successivement deux thématiques, le rapport aux femmes d’abord, le rapport à l’esthétique ensuite qui montrent deux facettes différentes mais imbriquées de ce que le service entraine comme positionnement de genre et de classe chez les employés ». L’autrice discute, entre autres, de la réaffirmation de sexe « face aux clientes et aux collègues femmes », la double face de soumission et de promptitude, la monstration de sa disponibilité, les écarts entre normes prescrites et manières d’effectuer le travail, l’incarnation en professionnel sérieux, la recherche de pourboires, la gestion de « l’appropriation privée de l’épouse par le mari », l’utilisation « du registre sexuel dans les interactions humoristiques » avec les collègues femmes, les interdiction liées au sexe, la penibilité « construite de manière différenciée selon les stéréotypes attachés aux femmes et aux hommes »… Je souligne une phrase de l’autrice : « La matérialité des corps vient ainsi cacher la matérialité économique de l’inégalité au fondement de la division sexué du travail ».



Amélie Beaumont détaille des formes de travail esthétique, la distinction des statuts professionnels par les uniformes, le coût de l’entretien corporel, l’expression « être propre », l’usage de la notion hygiène, les stratégies corporelles, la position dominante dans les rapports sociaux de sexe et son imbrication avec une position dominée dans les rapports sociaux de classe…



Il conviendrait d’ajouter des services beaucoup moins recommandables, l’orientation vers des réseaux de prostitution, les yeux fermés sur des pratiques pénalisables (le recours à du personnel d’accompagnement pratiquement en situation d’esclavage pour les riches potentats) et sur des violences sexistes envers le personnel…



Les métiers de la viande. Isabelle Zinn aborde, entre autres, ce qui est considéré comme « le vrai boucher » du travail en abattoir au dépeçage de la viande, la valorisation du désossage et de la force physique, le travail « sale » socialement stigmatisé – mais participant de la valorisation de ceux qui l’exécutent – et le travail « propre » – disqualifié et socialement acceptable pour les femmes, les logiques défensives des hommes, la nouvelle sexuation des activités et le discours sur la complémentarité, la gestion du corps et de la « résistance » à la fatigue, les clichés sur la construction des corps (dont la naturalisation de la « force physique »), la « mise à mort », la séparation des taches et l’assignation à la féminité de certaines d’entres-elles, la division sexuelle et spatiale en boucherie, les espaces du « propre » et du « sale », la mobilisation constante de la catégorie de genre comme variable explicative, la naturalisation des qualifications des femmes et leur non-reconnaissance, les comportements considérés comme légitimes et adéquats, la défense d’un bastion masculin contre l’entrée des femmes, « Autrement dit, en associant aux femmes le « travail propre », au sens littéral, on leur réserve, en réalité le « sale boulot », celui que les membres reconnus de la profession ne souhaitent pas faire »…



Les apprenti·es en formation dans les métiers de l’automobile et de la coiffure. Sophie Denave et Fanny Renard discutent des transformations corporelles, « les logiques de classe et de genre à l’oeuvre dans le façonnage des corps par le travail », des exigences genrées, de l’ethos « par lequel ces apprenti·e·s s’habituent à la pénibilité des mouvements et des postures requis par leur nouveau métier, aux odeurs et aux effets nocifs des produits chimiques utilisés, ainsi qu’aux bruits et au stress d’un travail manuel peu qualifié » (éditorial), des procès de socialisation professionnelle différenciés, des exigences de soumission aux prescriptions et injonctions, des troubles musculo-squelettiques, de la pénibilité des postures et des mouvements répétés, du bruit, de la chaleur et des variations de températures, des produits chimiques utilisés et de leurs effets, de la douleur comme « composante ordinaire et banalisée de la carrière », de masculinité et de virilité, de l’espace domestique comme lieu de récupération physique pour les uns, des soins aux corps assumées par des femmes, des normes corporelles dites féminines, du travail relationnel et des contraintes physiques générées par celui-ci, des stratégies d’accommodement ou de résistance, « les corps des apprentis des métiers de l’automobile sont sculptés par le travail ; les coiffeuses apprenant à apprêter leurs corps »…



Je reviens sur ma remarque sur l’égalité et l’activité syndicale. Les articles présentés soulignent des modalités concrètes de la division sociale et sexuelle du travail, des conséquences invisibilisées ou valorisées. Ne pas intervenir sur ces constructions sociales réduit la portée d’éventuels discours égalitaires et renforce à la fois l’arbitraire patronal et le sexisme (y compris dans ses dimensions de privilège pour les hommes exploités). Les procès de travail doivent être abordés, me semble-t-il, dans toutes leurs dimensions – avant, pendant et après – le temps de travail salarié proprement dit. Rien de tout cela ne devrait échapper à l’intervention des syndicalistes…



J’ai notamment été intéressé par l’article sur la formation des couples chez les migrant·e·s d’Afrique subsaharienne en France, la construction de la variable « mixité », les différences entre les relations cohabitantes et non-cohabitantes, les « contraintes sexuellement différenciées » qui pèsent sur les populations migrantes, les déterminations sociales qui président aux choix de la ou du conjoint·e, les recompositions des « frontières du groupe d’appartenance », les champs des possibles et leurs limites, « En effet, le racisme et les discriminations produisent des frontières raciales dans la société française, tandis que les rapports de genre construisent des trajectoires différenciées pour les femmes et pour les hommes ainsi que des positions hiérarchisées au sein des couples hétérosexuels »…



Parmi les autres articles, je souligne Les Salopettes, le sexisme et le féminisme dans l’entre-soi d’une grande école » française élitiste, et le femmage à Toni Morrison (lire entre autres, L’origine des autres). Il n’existe pas d’étranger·es, juste d’autres versions de nous-mêmes…
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Nouvelles Questions Feministes, n°31 : Homo..

Derrière la fausse neutralité du mot, ne pas oublier l’hétéro-sexisme



Une remarque préalable : le vocabulaire n’est pas neutre, certains termes contribuent à invisibiliser des situations sociales. Les auteures, en analysant leur sujet sous l’angle du féminisme matérialisme, font un travail salutaire, puisse l’ensemble des chercheuses et des chercheurs en faire autant.



« Si ce numéro de Nouvelles Questions Féministes a pour titre ”Homophobie”, c’est bien parce qu’il porte sur le rejet et les discriminations envers les personnes homosexuelles. Mais il propose en même temps une lecture critique et féministe de cette notion, qui est largement entrée dans le langage courant et dans le langage politique, comme au sein des recherches en sciences sociales occidentales portant sur les minorités (LGBTIQ – Lesbiennes, Bi, Gais, Trans, Intersexes, Queer). Le recours systématique à la notion d’homophobie, mérite en effet qu’on s’y arrête, qu’on pèse ses avantages et ses inconvénients, et qu’on examine d’autres concepts visant à décrire et à analyser plus adéquatement la stigmatisation et les discriminations envers ces minorités, même s’ils n’ont jamais bénéficié d’une reconnaissance publique et politique aussi étendue que la notion d’homophobie. » .



Dans l’édito, les auteures précisent que « la plupart des études sur l’homophobie, comme plus largement celles sur l’homosexualité, ont rarement été menées depuis une perspective féministe ». Elles avancent l’hypothèse « que l’homophobie est un produit du système de genre lorsque celui-ci repose sur une vision naturaliste des catégories de sexe ».



Il faut donc déconstruire la « normalité » de l’hétérosexualité dominante (hétéro-normativité), et mettre en cause la naturalisation du sexe et de la sexualité. Il convient aussi d’articuler le concept d’homophobie avec ceux de lesbophonie et d’hétérosexisme pour que l’invisibilisation des lesbiennes soit combattue. « Cette invisibilité, présente dans les représentations du sens commun, et dans les luttes politiques, l’est aussi au sein des sciences sociales : de la même manière que les femmes en général ont largement été invisibilisées par le biais de l’androcentrisme, nombre d’enquêtes quantitatives qui avaient pour but de mesurer l’étendue des discriminations envers les personnes homosexuelles n’intégraient tout simplement pas, jusqu’à très récemment, les lesbiennes, comme si cette réalité ne concernait que les gais. Par ailleurs, ce processus a parfois entraîné l’idée que parce que moins visibles, les lesbiennes seraient également moins discriminées que les gais. »



Et, il faut aussi donner « à voir le caractère systémique de la hiérarchie entre l’hétérosexualité et l’homosexualité » que la notion d’homophobie ne permet pas.



Je ne parlerais que des trois premiers articles du dossier, laissant à plus compétant-e, une présentation de celui de Gerard Coll-Planas et Miquel Missé « Le genre et la chair. Analyses des discours médicaux autour de la transsexualité dans le contexte espagnol ».



Dans un premier article « Rendre visible la lesbophobie », Stéphanie Arc et Philippe Vellozo s’appuient sur les travaux de la Coordination lesbienne de France (CLF) pour montrer « la fausse neutralité du terme ”homophobie” » ? Elle et il montreront aussi la limite de l’équation « Lesbophobie = homophobie + Sexisme » : « ce n’est pas parce qu’une personne fait conjointement l’expérience de deux marginalisations en apparence distinctes (sexisme d’un coté, ”homophobie” de l’autre) que cette expérience doit s’analyser comme la conjonction de ces deux marginalisations ». Les auteur-e-s nous rappellent que la lesbophobie est une expérience sociale « Majeure, l’expérience de lesbophobie l’est aussi en ce qu’elle est marquante pour la personne concernée ». Les femmes homosexuelles vivent une double marginalisation, une « double discrimination », « le sexisme, en tant que femmes, et la lesbophonie, en tant que lesbiennes. Mais, autant elles peuvent être discriminées seulement en tant que femmes, autant, lorsqu’elles sont discriminées en tant que lesbiennes, le sont-elles toujours en tant que femmes. »



Dans un second texte « Réflexions autour de la notion d’homophobie : succès politique, malaises conceptuels et application empirique » Line Chamberland et Christelle Lebreton critiquent, entre autres, le concept d’homophobie « tributaire d’une vision de l’homosexualité comme caractéristique individuelle, la sexualité n’étant pas saisie en tant que structure participant à organiser les rapports sociaux de sexe ». Ce qui réduit l’homophobie « à un préjugé personnel sans référence aux rapports de pouvoir et aux processus qui nourrissent les préjugés »



Les auteures considèrent que « Le concept d’hétérosexisme est plus apte à rendre compte de l’idéologie inscrite dans les institutions, les pratiques sociales et les interactions quotidiennes, idéologie qui privilégié systématiquement l’hétérosexualité et la présomption de la normalité hétérosexuelle » ou dit autrement « Le concept d’hétérosexisme permet quant à lui d’inscrire les attitudes et autres comportements homophobes dans un système social décrit comme produisant et reproduisant la domination de la sexualité hétérosexuelle ».



Tout en recelant les mêmes faiblesses que celui d’homophobie, le terme lesbophobie rend néanmoins visible l’oppression des lesbiennes en tant que femmes et homosexuelles.



Puis, Line Chamberland et Christelle Lebreton développent autour d’une proposition théorique : l’intersectionnalité « La nécessité théorique et politique d’analyser la multiplicité des positions sociales qui découlent de l’entrecroisement de ces logiques de domination a conduit à la formulation du concept d’intersectionnalité ».



Sur ce sujet et sans trancher, d’autant que pour toutes, les rapports sociaux de pouvoir font plus et bien autres choses que s’additionner ou se superposer, la formulation de Danièle Kergoat sur la « coextensivité », me semble plus riche que celle Kimberle Crenshaw « intersectionnalité » ou celle de Paola Bacchetta « coformation ».



Quoiqu’il en soit, je partage l’affirmation des auteures « Autrement dit, les discriminations homophobes n’ont pas pour unique but de sanctionner les personnes homosexuelles, mais plus généralement elles participent à maintenir la hiérarchie des sexes ».



Dans le troisième article, Marta Roca i Escoda et Nicole Gallus interrogent : « Ouverture du mariage aux homosexuel.le.s en Espagne et en Belgique : une mise en question du caractère hétéroséxué du droit ? » Elles tenteront de répondre à cette question en se « centrant principalement sur la question de la filiation, car dans l’ordre juridique, c’est là que la binarité des sexes est la plus ancrée ».



Ces deux pays ont brisé « partiellement » les bases hétéro-normatives, mais en Belgique, « la double filiation automatique de l’enfant issu du projet parental de deux femmes n’a pas été voulue par le législateur et n’est donc pas reconnue », et en Espagne, « contrairement aux couples hétérosexuels qui peuvent avoir recours aux procréations médicalement assistées sans être mariés, les couples homosexuels doivent passer obligatoirement par l’institution de mariage ».



Je m’attarde un peu sur la parentalité, car marqueur fort de la résistance à l’égalité des droits. Premièrement « Faire un enfant ne signifie pas devenir parent » ou dans les cas traités « La parentalité n’existe pas encore dans les droits belge et espagnol comme concept autonome ». Pourquoi parler d’homoparentalité ?, qu’est-ce que l’orientation sexuelle a à faire avec la notion de parent ? Les auteures indiquent « Il n’y a en effet pas plus d’homoparentalité que d’hétéroparentalité » et « on est parent dans la relation à l’enfant et homosexuel.le ou hétérosexuel.le dans sa vie privée » et interrogent « La présomption de parenté est-elle envisageable ? ».



Elles poursuivent autour d’un double constat de discrimination entre couples « d’une part, il y a discrimination entre couples de fait homosexuels et hétérosexuels. D’autre part, étonnamment, le droit de filiation impose plus fortement l’institution du mariage pour les couples homosexuels ». Les choix juridiques renforcent, en effet, l’institution du mariage. Il convient donc de réfléchir « sur le sens même de la parenté », d’autant que le désir d’enfant « est une aspiration parfaitement légitime qui ne relève pas, comme tel du droit ».



Marta Roca i Escoda et Nicole Gallus concluent « Les principes d’égalité et de non-discrimination devraient plutôt conduire à organiser la norme juridique par référence au seul intérêt de l’enfant et à la protection de son lien de droit vis-à-vis des personnes qui assument envers lui la responsabilité de l’engagement parental », d’où l’idée d’une « coparentalité de plein droit dès la naissance de l’enfant » face au projet parental d’un couple.



En « Champ libre », Jules Falquet revient sur « DSK ou le continuum entre les violences masculines et les violences néolibérales », complétant l’ouvrage coordonné par Christine Delphy : Un troussage de domestique (Editions Syllepse, Paris 2011 ).

En complément, entre autres, deux entretiens très intéressants : « L’égalité de certain.e.s, l’inégalité de la plupart » (Natalie Belli et Lisa Daniel, responsable des opérations à Women’s Press Collective (WPC), Brooklyn, NY, États-Unis) ; « Mais quel monde voulons-nous ? » (Gloria Casas Vila et Maïté Daebats, féministe engagée à Toulouse (F)).



Et de multiples compte-rendus de livres dont celui, coordonné par Christine Delphy, déjà évoqué, ainsi que son Un universalisme particulier. Féminisme et exception française (1980-2010) (Editions Syllepse, Paris 2010).



L’hétéro-normativité nous concernent toutes et tous.
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Nouvelles questions feministes, n°42 : En c..

Je remercie Babelio pour la réception de cette revue que je ne connaissais pas mais que j'ai beaucoup aimé découvrir.

Cette revue, fondée entre autre par Simone de Beauvoir, nous pose la question cette fois de la place de la femme à la cuisine.

J'ai trouvé ça intéressant parce que la plupart des réflexions m'ont paru justes. J'aurai eu tendance à me méfier en me disant "point de vue trop féministe", "diabolise les hommes" etc. Mais ça n'est pas du tout l'objet des propos qui sont scientifiques.

J'ai appris beaucoup de choses et je pense que tout le monde y trouverait quelque chose qui l'y intéresserait. Personnellement, ce sont les utopies du premier article qui m'ont le plus interpelées, je ne connaissais pas du tout. Mais il y a beaucoup d'autres sujets qui sont abordés.

Une revue que j'ai pris plaisir à découvrir.
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Nouvelles questions féministes, n°40 : Androcène

Sous-titre, de l'Anthropocène à l'Androcène, le genre de l'Anthropocène : qui sont les responsables de la dégradation du vivant, ceux qui en ont le plus bénéficié et qui continuent d'innover en la matière.



Comment le patriarcat et le capitalisme se sont approprié la nature, thème hautement écoféministe, sous l'ère de l'anthropos (humain) qui a modifié au cours des millénaires son environnement. Et pas que l'humain moderne, on sait que d'autres sociétés prémodernes ont modifié au point de le ruiner, leur environnement. Mais le phénomène s'est considérablement emballé à partir du XVIIIe et du XIXe siècle, avec l'avènement de notre société thermique dont le développement est basé sur les énergies fossiles. Mais au fait, qui détient le capital économique dans nos sociétés, depuis les siècles passés ? Les femmes, les hommes ? " Dès 1962, Rachel Carson dans Printemps silencieux, souligne le rôle de l'industrie, des guerres, des sciences et des techniques dans l'effondrement environnemental en cours." Ont été proposées les dénominations Chthulucène, Plantationocène, Thermocène, Capitalocène, Thanatocène..., mais les féministes et les écoféministes ont montré que les femmes (et d'autres catégories sociales dominées) non seulement ne profitaient pas dans la même mesure des profits et progrès de l'ère du pétrole, mais qu'en plus, elles supportaient de façon disproportionnée l'impact des désastres du changement climatique. Aussi ce numéro de la revue des Nouvelles Questions Féministes (NQF) se propose de le nommer Androcène (d'andros en grec, homme mâle, je précise parce qu'en français, l'homme -anthropos en grec- porte l'universel). Et elle argumente, via une succession d'articles proposés par différentes autrices et auteurs féministes, chercheuses en sciences sociales, sociologues, ethnologues, anthropologues, philosophes... français, belges, québécois ou étasuniens.



Il est impossible de résumer cet ouvrage foisonnant d'articles, cependant deux explorent comment on en est arrivé-es là : comment est advenue la "pétro-masculinité" et comme elle mute en "écomodernité", les hommes et leur mantra, la croissance illimitée dans un monde limité et la croyance au progrès technique qui va résoudre tous nos problèmes, il suffit, selon eux, de s'y atteler avec volontarisme.



Androcène, la masculinité du désastre :


Lien : https://hypathie.blogspot.co..
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