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EAN : 9782889011605
218 pages
Editions Antipodes (01/06/2019)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Peut-on avoir un engagement féministe tout en revendiquant un ancrage au sein d’un courant religieux? En s’intéressant aux initiatives féministes qui se développent à l’intérieur du christianisme, du judaïsme, de l’islam et de nouveaux mouvements religieux, ce numéro donne des repères pour penser ce double engagement. Face aux fondamentalismes, il importe d’éviter que ces femmes soient doublement marginalisées – au sein du féminisme comme dans leur tradition religie... >Voir plus
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Que lire après Féminismes religieux. Spiritualités féministesVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Aborder le « religieux » ou le « spirituel » comme tout autre fait social

Une remarque préalable. Les analyses médiatiques sont le plus souvent réductrices, la simplification défigure les réalités. du coté des sciences humaines et de la politique – y compris de celleux qui pensent l'émancipation -, le schématisme et la dé-historisation me semblent dominer. Il y a un certain refus d'aborder les conditions matérielles et les contradictions qui traversent tous les rapports sociaux. Pour le dire autrement, il nous faut à la fois penser l'imbrication des rapports sociaux, dont le genre, leurs histoires et leurs contradictions. Sans oublier de prendre en compte notre point de vue toujours situé.

Je souligne donc, du coté du féminisme matérialiste, le refus du schématisme, la volonté d'historiciser les dominations, la mise en avant des contradictions. Ce numéro, et en particulier l'introduction, « Oser penser un engagement féministe et religieux » en est un bel exemple.

Catherine Fussinger, Irene Becci, Amel Mahfoudh et Helene Fueger reviennent sur les ruptures avec les institutions et les institutions religieuses dans les mouvements féministes, le rôle de subalterne réservé aux femmes au sein des monothéismes, les rôles assignés aux femmes au sein de la société, le différentialisme et le renvoi des femmes à la nature, « Faut-il le rappeler, ce sont fréquemment des arguments religieux qui, aujourd'hui comme hier, sont mobilisés à l'encontre de revendications centrales pour le féminisme dit de la deuxième vague, liées à l'autodétermination et à une valorisation du corps qui implique, par exemple, le droit à la contraception et à l'avortement, la légitimité d'une sexualité non reproductive et indépendante du mariage ou encore, plus récemment, une égalité de traitement entre homos et hétéros »

Le point de vue associant mécaniquement avancée du féminisme et renoncement aux croyances et pratiques religieuses ne permet ni de rendre compte des engagements au sein des religions, ni de comprendre les motivations et les significations de certaines femmes (ni par ailleurs de souligner les engagements antiféministes du coté de celleux qui ne jurent que par une conception étriquée de la laïcité).

« Au niveau politique, une telle lecture a pour effet d'imposer une double marginalisation aux femmes pour lesquelles féminisme et attachement à une tradition religieuse ne sont pas en contradiction : en effet, leurs postures féministes les mettent en situation de disgrâce au sein de leur courant religieux et, inversement, leur affiliation à un cadre de référence religieux les rend illégitimes dans le mouvement féministe de la société civile ».

Les autrices abordent les revendications féministes émergeant au sein des trois monothéisme majeurs, les claires dimensions féministes se dessinant dans différents nouveaux mouvement religieux, « En proposant de consacrer un numéro de NQF au sujet « Féminismes religieux – Spiritualités féministes », nous souhaitions mieux comprendre cette réalité sociohistorique, souvent peu connue dans nos milieux francophones, à savoir la structuration d'une critique féministe « de l'intérieur », portée par des femmes optant pour une posture féministe tout en s'engageant au sein d'un des trois monothéismes ou d'un nouveau mouvement religieux ou spirituel. Il s'agit là des traditions religieuses les plus présentes dans les sociétés occidentales de la seconde moitié du XXe siècle ».

Catherine Fussinger, Irene Becci, Amel Mahfoudh et Helene Fueger abordent, entre autres, la nécessité de traiter le « religieux » en lien avec la sécularisation, la diversification des courants religieux, les formes individualisées du rapport à la religion, la polarisation accrue entre des ailes conservatrices et progressistes au sein des communautés religieuses, les enjeux qui « se (re)jouent en matière de rapports sociaux de sexe, tant au sein des différents courants religieux qu'au niveau de leur emprise sur la société civile », les positions sociales des religions, les distinctions de positionnement en matière d'ordre sexué, les ressources « tactiques » de certaines, « au sein de certaines religions dont les croyances ou les pratiques officielles ne sont pas nécessairement émancipatrices, des femmes peuvent trouver des ressources « tactiques » qui leur permettent d'améliorer leur condition »…

Avant de présenter les différents articles, les autrices soulignent leur volonté d'aborder de front et de manière critique « l'articulation entre féminisme et religion », le refus de l'essentialisation des religions, « Plutôt que d'envisager les religions comme des institutions sociales univoques, monolithiques et immuables – ce qui revient en fin de compte à les essentialiser –, il s'agit de prendre en considération les marges de manoeuvre, les tensions et les contradictions tant internes qu'externes », les changements qui parcourent à la fois les espaces religieux et les espaces sociaux plus larges…

Elles indiquent aussi l'importance que revêt pour des femmes « l'acquisition de compétences culturelles et interculturelles au sein de leurs espaces religieux respectifs », le besoin d'accéder de manière autonome à un savoir, la non mixité comme choix et ressource, les places de la vie spirituelle des féministes impliquées dans des milieux religieux différents…

« le religieux est partie intégrante des conditions de vie des femmes, non seulement une cause, mais aussi un possible levier pour les changer »

Sommaire

Edito

Catherine Fussinger, Irene Becci, Amel Mahfoudh et Helene Fueger : Oser penser un engagement féministe et religieux

Grand angle

Béatrice de Gasquet : Quels espaces pour les féminismes religieux ?

Lauriane Savoy : Des groupes de théologiennes protestantes à Genève (1978-1998) : entre espace de partage et laboratoire féministe

Juliette Masquelier : Ni vraiment dissidentes, ni complètement obéissantes : promotion des femmes, essentialisme et constructivisme dans deux organisations d'Action catholique (Belgique, 1960-1990)

Patrick Snyder : le Mouvement de la déesse : controverses dans le champ académique féministe

Lisa Anteby-Yemini : Les revendications actuelles de femmes juives orthodoxes : défis et controverses

Sophie Schrago : du religieux comme matrice d'émancipation : le cas de la mobilisation des Indiennes musulmanes

Parcours

Marie-Andrée Roy, sociologue des religions et chercheuse féministe : Quarante ans avec la Collective féministe et chrétienne L'autre Parole au Québec. Entretien réalisé par Catherine Fussinger

Malika Hamidi, sociologue, musulmane et féministe : Un double engagement scientifique et militant. Entretien réalisé par Amel Mahfoudh

Elyse Goldstein, deuxième femme rabbin du Canada : de l'enseignement à la congrégation, une pionnière juive féministe.Entretien réalisé et traduit par Justine Manuel

Comptes rendus

Laeticia Stauffer, Melissa M. Wilcox, Queer nuns. Religion, activism, and serious parody

Marianne Modak : Travail, Genre et Sociétés, Delphine Gardey et Nicole Mosconi (coord.), La gestation pour autrui en débat

Armelle Weil : Christel Gumy, Jeune dans sa tête : Une histoire critique du cerveau adolescent

Catherine Marry : Delphine Gardey et Marilène Vuille (dir.), Les sciences du désir. La sexualité féminine, de la psychanalyse aux neurosciences

Vanina Mozziconacci : Philosophiques, Marguerite Deslaurier et Charlotte Sabourin (coord.), Les nouveaux horizons du féminisme dans la philosophie francophone

Joy Charnley : Feminist Studies, Judith Kegan Gardiner et Millie Thayer (dir.), Women's Friendships

Elsa Boulet : Françoise Vergès, le ventre des femmes. Capitalisme, racialisation, féminisme

Joy Charnley : Patricia Ménissier, Être mère. XVIIIe siècle – XXIe siècle

Collectifs

Anouk Essyad et Nadia Lamamra : Regards croisés sur la Grève féministe de 2019 en Suisse

Béatrice de Gasquet interroge les espaces sociaux concrets, espace religieux et espace féministe, en regard des revendications de femmes et des transformations des pratiques religieuses. Elle souligne, entre autres, que « les religions sont rarement aussi cohérentes ou unifiées qu'il y paraît de l'extérieur », l'oubli des voix critiques et réformatrices religieuses de la période suffragiste, les dénonciations androcentrées des textes religieux, les références à la bible « pour argumenter en faveur de l'abolition de l'esclavage et du féminisme », l'origine humaine et non divine de l'infériorité énoncée des femmes, les soutiens des catholiques « libéraux » et les sanctions de la hiérarchie ecclésiastique, la Ligue des femmes juives et la dénonciation de « l'absence d'accès des femmes à l'étude des textes en hébreu », l'accès – dans certains courants protestants ou juifs – de femmes à la prédication, les thématique de l'égalité professionnelle, la sécularisation productrice de « nouveaux espaces religieux pour les femmes », des moments de différentiation interne aux institutions et aux réformes religieuses, la porosité entre organisations féministes séculières et organisations religieuses libérales, l'égalité des sexes dans les rituels, la temporalité distincte des catholiques liée au centralisme de cette église, la théologie de la libération en Amérique du Sud, les argumentaires audibles construits par des femmes religieuses… L'autrice discute aussi de la cause des femmes dans les courants religieux conservateurs, de l'invisibilité de celles qui luttent au sein des courants religieux éloignés du « pôle libéral » (catholicisme, protestantisme évangélique, judaïsme orthodoxe, islam), de la politisation religieuse du genre, des contestations au sein du judaïsme orthodoxe et de l'islam, de la contestation du « caractère divin de lois dites musulmanes, en déconstruisant, avec l'aide d'expert·e·s musulman·e·s, les argumentaires religieux les sous-tendant », du féminisme islamique, de l'investissement du terrain rituel, de l'accès aux savoirs religieux, des contestations féministes au sein des religions, « la capacité des féministes à contester avec succès les interprétations masculines des textes religieux s'inscrit plus largement dans les transformations religieuses induites par l'accès croissant des pratiquant·e·s à des savoirs religieux de plus en plus spécialisés »…

J'ai été particulièrement été intéressé par les articles sur les groupes de théologiennes protestantes, la mise en lumière des biais androcentriques de l'interprétation des textes bibliques, l'élaboration collective « en empruntant aux pratiques féministes telles les groupes de conscience », le groupe Fuscia et le plafond de vitrail, l'ambivalence de la non-mixité comme concept en Eglise, l'aller au-delà de l'égalité de façade affichée, les deux organisations d'Action catholique en Belgique, la distance critique à l'idée de complémentarité, les évolutions de la Vie Féminine, les revendications de femmes juives orthodoxes, les demandes de changements dans le droit religieux de la famille, l'émergence d'un féminisme juif orthodoxe, l'accès à l'étude et à l'interprétation de la loi juive, la participation active aux rituels religieux, l'exercice de nouveaux rôles religieux publics, l'ordination de femmes rabbins et sa contestation, les espaces entre femmes « pour étudier, prier et célébrer », la reconfiguration radicale « pour penser la justice de genre dans la sphère religieuse », les cheminements intérieurs, les recours à la justice civile, les analyses interreligieuses…

Je souligne l'article « du religieux comme matrice d'émancipation : le cas de la mobilisation des Indiennes musulmanes » qui aborde les agendas et les revendications de mobilisations, différenciées en fonction de la position sociale de groupes de femmes. Sophie Schrago présente, entre autres, des discussions autour de la réforme du « Code personnel musulman » et d'un « Code civil uniforme », les rapports entre religion et féminisme à partir du cas du Mouvement indien des femmes musulmanes (BMMA), la possibilité que le champ religieux puisse constituer une matrice d'émancipation, les discours patriarcaux conservateurs, le désir de justice et d'égalité sans compromettre l'appartenance religieuse, les discriminations et leurs différents niveaux, les agendas mêlant répertoire séculier et religieux, la réappropriation de savoir religieux afin « de mieux défendre leurs droits au sein de la communauté », la création de tribunaux chariatiques féminins, les lectures critiques et contextualisantes des sources religieuses, la contestation du monopole de la parole, l'élaboration d'un autre contrat de mariage islamique, les relations entre le BMMA et les autorités religieuses…

En conclusion, Sophie Schrago indique « En revendiquant l'existence d'un point de vue situé de matière endogène au sein de leur communauté, les activistes du mouvement BMMA tentent de conjuguer leur lutte féministe et civique en réarticulant les catégories de « musulmane » pratiquante et de « féministe » engagées censées être mutuellement exclusives ». La configuration séculière et religieuse en Inde ne ressemble pas à celle que nous connaissons dans l'Etat français. Les contradictions à l'oeuvre sont, me semble-t-il, bien présentées par l'autrice. Aucune réponse ne va de soi (mais peut-il en être autrement en politique ?). D'où la dernière phrase : « Néanmoins, il n'est pas question d'affirmer dans cette conclusions que l'émancipation de ces femmes passe nécessairement par l'islam, mais plutôt de concevoir que le religieux, dans une société historique donnée, peut être un vecteur décisif d'émancipation ».

Le dossier est complété par trois entretiens, le premier avec une sociologue des religions et chercheuse féministe « Quarante ans avec la Collective féministe et chrétienne L'autre parole au Québec » ; le second avec Malika Hamidi, sociologue musulmane et féministe « Un double engagement scientifique et militant » ; le troisième avec Elyse Goldstein deuxième femme rabbin au Canada « de l'enseignement à la congrégation, une pionnière juive féministe ». Des autres manières passionnantes d'aborder les liens entre engagements spirituels et engagements féministes…

Sans m'y attarder, je signale aussi le dernier texte : « Regards croisés sur la Grève féministe de 2019 en Suisse ».
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Faut-il le rappeler, ce sont fréquemment des arguments religieux qui, aujourd’hui comme hier, sont mobilisés à l’encontre de revendications centrales pour le féminisme dit de la deuxième vague, liées à l’autodétermination et à une valorisation du corps qui implique, par exemple, le droit à la contraception et à l’avortement, la légitimité d’une sexualité non reproductive et indépendante du mariage ou encore, plus récemment, une égalité de traitement entre homos et hétéros
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En proposant de consacrer un numéro de NQF au sujet « Féminismes religieux – Spiritualités féministes », nous souhaitions mieux comprendre cette réalité sociohistorique, souvent peu connue dans nos milieux francophones, à savoir la structuration d’une critique féministe « de l’intérieur », portée par des femmes optant pour une posture féministe tout en s’engageant au sein d’un des trois monothéismes ou d’un nouveau mouvement religieux ou spirituel. Il s’agit là des traditions religieuses les plus présentes dans les sociétés occidentales de la seconde moitié du XXe siècle
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Au niveau politique, une telle lecture a pour effet d’imposer une double marginalisation aux femmes pour lesquelles féminisme et attachement à une tradition religieuse ne sont pas en contradiction : en effet, leurs postures féministes les mettent en situation de disgrâce au sein de leur courant religieux et, inversement, leur affiliation à un cadre de référence religieux les rend illégitimes dans le mouvement féministe de la société civile
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Plutôt que d’envisager les religions comme des institutions sociales univoques, monolithiques et immuables – ce qui revient en fin de compte à les essentialiser –, il s’agit de prendre en considération les marges de manœuvre, les tensions et les contradictions tant internes qu’externes
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la capacité des féministes à contester avec succès les interprétations masculines des textes religieux s’inscrit plus largement dans les transformations religieuses induites par l’accès croissant des pratiquant·e·s à des savoirs religieux de plus en plus spécialisés
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