A. L. Chrisby

Il plongea sa tête à moitié dans l’eau, laissant ses longs cheveux noirs faire un tapis à la surface comme des nénuphars.
— À quoi tu penses ? demanda Piotr.
Tandis que les autres faisaient les fous, lui profitait calmement du bassin, accolé au rebord.
— Je pense que je suis un petit saule pleureur et vous des séquoias géants.
Son ami éclata de rire. Zacharie comprit pourquoi Bonbonsi avait succombé. Quand il riait, il entrouvrait ses lèvres sur une dentition impeccable. Il devait être bien nourri chez sa maîtresse. Certainement avait-elle craqué sur ses pommettes qui remontaient et sur ses petites rides qui se dessinaient au coin des yeux malgré son jeune âge ? Il était parfait. Il était tout ce que lui n’était pas.
— Sais-tu que les saules pleureurs sont très rares ?
Zacharie fit non avec sa tête.
— Ils sont très prisés, car, très friands en eau, on les cultive uniquement au centre des Lajas. Tu as raison Zach. Tu es comme un saule. Tu es quelqu’un de rare et de précieux. Dommage que tu ne t’en rendes pas compte.
L’adolescent rougit. Piotr lui sourit encore et se dirigea vers ses amis qui se bagarraient dans le grand bain.
— Si tu as un doute sur ce que tu vaux, insista Piotr qui s’éloignait, regarde les yeux de Chadie quand elle t’observe. Ils brillent comme devant le plus beau des trésors.

Samuel était complètement perdu. Il pensait être prêt pour ce genre de situation, mais ce qu’ils avaient vécu l’année dernière n’avait rien à voir avec cette violence-là. Il les envoyait directement dans un essaim de guêpes tueuses. Aucun pouvoir n’était assez puissant pour repousser des personnes sans scrupule. Des personnes prêtes à tuer des enfants ! Prêtes à tuer des petites filles.
Elvire venait d’en faire les frais. La plus audacieuse et la plus entraînée du groupe n’avait pas pu faire face à un simple gardien.

Hermione dessinait quand elle voulait raconter quelque chose. Hermione dessinait, car Hermione ne parlait plus. Plus depuis la séparation d’avec ses parents. Plus depuis la séparation d’avec son grand frère et sa grande sœur. Elle avait crié si fort qu’Elvire pensait que sa voix avait disparu. Peut-être sa voix était-elle restée à la maison et peut-être que sa petite sœur la retrouverait en rentrant chez elle ?

Eve
« Au-dessus de ma tête, un halo éblouissant limitait ma vue à une chose informe, penchée sur mon visage.

Lilith
Je ne distinguais aucun détail de la créature qui m'observait, curieuse et insistante, presque animale.

Marie
Et je n'ai pas eu peur.

Eve
Et mon corps, abandonné sur le sol, ignorant toute sa force, se laissait tendrement chatouiller par une herbe nouvelle. Je me sentais vivante. À chaque inspiration, ma bouche goûtait à de nouvelles saveurs, douces et aériennes. C’était le premier souffle d’une existence toute fraîche. Mon cri silencieux.
Il faisait chaud et si le temps...

Marie
Celui qui passe...

Lilith
Le temps qu'il fait...

Eve
Si le temps s'était figé à cet instant, il aurait fait de moi une femme comblée. Mais la chose informe m'a soulevée du sol, brutalement pour m'entraîner dans mes premiers pas. C’est alors qu’il m'est apparu, lui...

« Je te promets que je t'emmènerai avec moi dans un autre monde où tu seras en sécurité. Je te promets de chercher jusqu'à ce que je le trouve ! Un monde où plus aucun homme, plus aucune femme, plus aucune créature, quelque qu'elle soit ne sera l'esclave ou le prisonnier de personne ! »

« Il déchira doucement la peau de l’orange. Le bruit était appétissant et l’odeur qui s’en dégageait lui arracha de nouveaux sanglots. Aucun esclave ne vint lui faire la morale ou ne tenta de la lui voler. Ils le contemplèrent avec pitié, ce petit garçon qui mangeait son fruit en pleurant toutes les larmes de son corps si fragile. »

« De tous les trésors que vous avez eus à protéger, celui-ci est le plus précieux. »

Ce soir, c'était le réveillon. Cependant, ce n'était pas l'attente impatiente du Père Noël qui allait les empêcher de trouver le sommeil, mais une terrible impression que jamais leur combat ne prendrait fin.
Jamais.

Attends-moi, Zach. J'arrive. Je t'en ai déjà fait la promesse. Jamais je ne t'abandonnerai. Je te suivrai jusqu'au bout