Plongée intensément, comme en apnée, dans les vagues de ce roman graphique en quelques instants, je n'en suis ressortie qu'en le refermant, foncièrement touchée par l'histoire, extrêmement personnelle, que l'auteur choisit de nous raconter. Cette histoire, c'est celle d'un deuil, et plus encore d'un hommage, rendu à Kristen, terrassée dans la fleur de la jeunesse à cause d'un cancer, et, par son intermédiaire, au surf, passion commune qui lui aura été transmise par la jeune femme, qui deviendra échappatoire, et meilleur symbole de l'expression de la perte violente ressentie – les vagues contradictoires qui, en effet, le submergent depuis-.
Ainsi, le roman mêle fragments de souvenirs sur Kristen, fragments épars qui suivent le cheminement des réminiscences d'AJ Dungo sur elle, de leur rencontre à la progression de la maladie, jusqu'à sa mort, et Histoire du surf, au contraire ordonnée de manière chronologique.
La partie autobiographique, réalisée en tons bleus d'une douceur aux accents euphémisants, apaise finalement le propos et montre de quelle manière l'histoire d'AJ et de Kristen était elle-même empreinte de douceur, même lorsque la maladie était au summum, et que la jeune femme faisait tout ce qui était en son pouvoir pour minimiser sa souffrance. Nous sommes de fait loin d'un pathos larmoyant, plus près au contraire d'émotions brutes, pures, sobres, éminemment plus touchantes et authentiques.
La partie histoire, quant à elle réalisée en tons sépia, nous conte le lieu de naissance du surf, à Hawaï, le rôle salvateur qu'il a eu pour la population au XIXème et au début du XXème, alors que l'archipel est annexé par les Etats-Unis, et nous présente Duke Kahanamoku (1890-1968), le fondateur du surf moderne, nageur hors pair victorieux aux Jeux Olympiques de 1912 et 1920, ainsi que Tom Blake (1902-1994), l'un des plus grands surfeurs de l'histoire, connu également pour avoir révolutionné l'architecture des planches de surf, les rendant plus légères et plus adaptées à la glisse sur l'océan. C'est une partie passionnante qui donne toute la place à la passion de Kristen pour le surf et qui permet également au lecteur – et à l'auteur ? Cela dépendant de la façon dont il réalisé ses planches – de respirer entre deux vagues d'émotions qui nous racontent sa compagne.
Ce mélange des histoires, des tons, est lié certes par la figure de Kristen, mais aussi par le graphisme, unitaire au fil des planches, épuré, rond, qui semble glisser sur la feuille au même titre que la planche glisse sur l'eau, au plus proche de la douceur et de l'apaisement présents et dans l'autobiographie, et dans l'histoire du surf proposées par AJ Dungo.
In waves est donc une découverte graphique et narrative que je n'oublierai pas de sitôt, toute en délicatesse et en émotion.
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